Maintenant, c'est fait.
J'ai le droit de m'exprimer en toute légitimité sur le racisme et l'insécurité.
Youpi !
(Encore un argument que la subtile - mais feu - Gauche Populaire n'aura pas).
Je ne vis plus dans les beaux quartiers depuis un certain temps. J'ai été cambriolée deux fois. Et je m'étais déjà fait voler un portable par une bande de petits cons.
Mais là, c'est immense.
Il était noir, ado, capuche.
J'ai eu un pressentiment quand il s'est approché vers moi sur la gauche, j'ai ralenti le pas, eu le temps d'engager un dialogue avec moi-même pour combattre cette appréhension et faire confiance à l'humanité qui me trahit peu.
Et il s'était emparé du téléphone, de l'IPHONE, ma maison-coquille-drogue super dure.
Alors, s'est engagé un combat avec lui, le jeune, dont j'ai arraché la doublure de sa parka, l'objet s'est échappé de ses mains, j'ai de nouveau dialogué avec moi-même quant à l'intérêt qu'il y aurait à mourir pour un téléphone même s'il y avait eu des photos de gens nus dedans, plutôt que pour son pays.
Je l'ai lâché, rapide comme l'éclair il a ramassé ma vie-mon téléphone et filé.
La flic était fière de moi. Quand on a passé en revue toute la séquence au commissariat, pas pour rattraper mon voleur mais que l'assurance me rembourse, passage obligé, elle était contente. Ca enverrait un bon message au voleur. Et elle s'y connaît, elle avait pris 4 dépositions du même ordre dans la journée. J'étais son héroine du jour, j'ai tout raconté en large et en travers car je m'ennuyais pendant qu'elle faisait les papiers car JE POUVAIS PAS CONSULTER MON TELEPHONE pendant ce temps. Il est possible qu'elle ait le coeur un peu plus léger la prochaine fois qu'elle achètera sur ses deniers personnels l'encre utile à l'utilisation d'un tampon encreur, tampon qui doit ABSOLUMENT attester que la République Française reconnaît mon témoignage, République qui ne fournit pas l'encre. C'est trop cher.
Puis, sans trop y croire, on a fait semblant de chercher le voleur, j'avais le mec en tête, je l'ai décrit, malheureusement il avait la peau noire, les yeux foncés et les cheveux noirs et frisés, ce qui doit correspondre à pas mal d'hommes d'origine africaine. Heureusement j'avais "traits fins", comme indication mais c'est pas un critère qu'ils utilisent. Le fichier a sorti une photo, c'était pas mon type.
Ce qui m'a un peu calmée dans toute cette histoire, alors même que j'étais rentrée chez moi en pleurant et en agonisant ce mec après le vol, c'est de voir plusieurs ados rentrer dans le commissariat avec les menottes aux mains, je les enviais pas, ils me faisaient pitié, ils étaient mignons, le mien aussi aurait eu l'air mignon, désarmés, aux bras de flics en civil qui avaient l'air sympas, pas bravaches, je les trouvais petits pour être menottés, suis-je trop sensible ?
Depuis, je confesse, mon cerveau et moi dévisageons les ados noirs aux traits fins pour reconnaître celui qui m'a GRAVEMENT MIS DANS LA MERDE. Parce que je suis nomade. Entre mercredi soir, moment du vol, et vendredi soir prochain, j'aurai pris 8 trains et pas pour aller en week-end. Sans mon doudou. Avec ses plans, ses horaires de trains, Instagram, Facebook, Beauté Test, le site de la RATP, le lien direct avec mon assistante qui m'envoie les références de mes e-billets, Marmiton, les SMS avec X, les commentaires sur les posts, Spider solitaire. Et le téléphone que m'a fourni SFR, une antiquité dont je touche le minuscule écran machinalement (il ne se passe rien, sinon que s'y dépose du gras), ne se recharge pas.
Donc depuis tous les ados noirs sont mon potentiel agresseur, pour 1 seconde, le temps que je les dédouane.
Mais je n'ai pas peur.
La prochaine fois qu'un ado noir viendra vers moi, je serai sur mes gardes car mon cerveau fait son job, il a raison, utilise l'information disponible, son expérience. Ca passera. Parce que mon cerveau est malin, plastique, il aura d'autres choses à emmagasiner, ça l'épuisera.
Apparemment, c'est parce que j'ai du fric, un boulot, que je vis dans un lieu vivant, que je réagis comme ça.
A Brachay, un village où l'on vote à 72% pour Marine Le Pen, il n'y a plus de commerces.
La conclusion s'impose, pour le maire de Brachy : «L’immigration, on ne va pas tourner autour du pot, c’est le problème. Je ne suis pas raciste, les étrangers, on en a eu besoin au moment de la reconstruction d’après-guerre mais, avec la crise et le chômage, on ne peut pas accueillir tout le monde. Ici, il y a juste un Hollandais qui a racheté l’ancien couvent.»