Histoire et rapport de force

Publié le 24 mars 2013 par Egea

A la suite de la manifestation du jour, qui a rassemblé 1,4 millions de personnes, le géopolitologue voit la confrontation entre un moment d'histoire, et un rapport de force.

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Je n'aimerais pas être policier, ce soir : avoir été obligé d'interdire un trajet de manifestation quatre jours avant sous des prétextes fallacieux, de raconter des bobards la veille ("on prévoit 100.000 personnes, la mayonnaise ne prend pas"), d'avoir dû tirer les gaz contre des femmes et des enfants (là, je serais pas fier, vraiment), et enfin raconter des chiffres "sous réserve de vérification" ...

Bon, on va aider la préfecture dans cette tâche de vérification des chiffres. Donc, voici un axe de cinq Km de long, du Pont de Neuilly jusqu'à l'Étoile (je ne compte pas ceux qui étaient encore sur le parvis de la Défense) : 5000 mètres, sur 100 mètres de large, et deux manifestants par m², nous voici à un million. Vous ajoutez l'avenue Foch, de la place Dauphine à la même Étoile, 1,6 Km, même largeur : on est à 320 000 de plus. Ajoutez l'avenue Carnot, ce qu'il y a à droite ou à gauche, nous voici à 1,4 millions de participants au minimum. Vous pouvez regarder les photos aériennes, vous verrez, c'était rempli.

Bien, voici donc 1,4 millions de personnes dans la rue. Tout simplement la plus grande manifestation de l'histoire de France, après celle de 1984. L'histoire.

Alors après, on peut raconter comme les journalistes (objectifs et neutres, forcément objectifs et neutres) que les associations qui organisent l'événement sont des coquilles vides (tiens, au fait, messieurs les journalistes d'information qui faites des enquêtes objectives pour aider le public à se former une opinion, je serais très intéressé à connaître le nombre de militants de LBGT ou d'Act-Up, et le montant des subventions publiques accordées à ces deux associations, qu'on voit le rapport coquille vide / financement public /efficacité médiatique /influence auprès du pouvoir). Si les coquilles vides que vous dénoncez n'ont pas de subventions, elles ont un mérite : elles ont mobilisé 1,4 million de personnes.

Nous voici donc dans un rapport de force, somme toute assez classique en politique, celui de la rue contre le pouvoir. Les politiques sont toujours sensibles au rapport de force. Je note que cette fois-ci, il y avait plus d'hommes politiques, et qu'accessoirement on a entendu s'exprimer, en sus des leaders de droite, des socialistes, des radicaux de gauche et même un membre de la Ligue Communiste Révolutionnaire : ce sont de signes clairs que le rapport de force est en train de changer et que la mobilisations 'étend au-delà de son noyau. Autrement dit, "la mayonnaise prend".

Bien sûr, "on" va encore une fois faire semblant d'ignorer en expliquant que ce n'est pas suffisant et que la volonté est intacte etc. Donc, il y aura encore une manifestation qui va encore plus mobiliser. Car ces gens qui descendent dans la rue, ils ont l'air têtus. Tenaces. Volontaires. Indécrottables. Casse-pied.

Jusqu’à ce qu'un camp se fissure. Il s’agit d'une lutte d'usure entre une volonté et une résistance. Un rapport de force. Entre celui qui sera le plus déterminé, et qui donc convaincra le plus l'adversaire.

La victoire sera dans la bascule de populations non encore mobilisées, car là est le centre de gravité : chez les Français d'origine immigrée et le peuple de gauche, qui ne se retrouve pas dans cette loi matérialiste, ultralibérale et esclavagiste.

Il semble qu'on soit au point de bascule. Celui où l'histoire hésite entre le point culminant (selon Clausewitz, le point le plus avancé que l'attaquant a atteint avant de céder à nouveau du terrain) et le point décisif qui permet d'atteindre le centre de gravité.

Les forces pèsent l'une contre l'autre. La plus volontaire l'emportera.

O. Kempf