Par arrêt rendu ce 20 mars 2013, le Conseil d'Etat a jugé que le Préfet ne peut refuser de fixer les conditions de remise en état d'une ICPE qu'à la seule condition que l'exploitant ait tenté d'échapper à une modification des règles d'urbanisme par une déclaration anticipée de sa cessation d'activité.
L'arrêt rendu ce 20 mars 2013 par le Conseil d'Etat peut être consulté ici.
Le code de l'environnement, depuis 2003, comporte une procédure de remise en état des ICPE, d'une particulière complexité. Laquelle est principalement due au fait que le conten de l'obligation de police administrative tenant à la remise en état aprés fixation du critère de l'usage futur, est, d'une part négocié, d'autre part entre plusieurs parties dont l'exploitant, le maire et le Préfet. Il n'est pas besoin de rappeler que le principe est celui selon lequel une obligation de police administrative n'est pas négociée ou négociable.
En théorie, l'usage futur du site étant notamment défini en fonction des documents d'urbanisme applicables à la date de la cessation d'activité de l'ICPE, les élus locaux peuvent être tentés de modifier ces documents et l'exploitant peut vouloir anticiper une telle modification en choisissant la date de notification d'activité.
En cas de désaccord entre l'exploitant et le Maire, le Préfet intervient pour prescrire les conditions de remise en état. La question de droit posée ici était cependant de savoir si le Préfet peut tout simplement refuser de définir les conditions de remise en état d'une ICPE.
Aux termes de l'arrêt rendu ce 20 mars 2013, le Conseil d'Etat définit tout d'abord le principe qui guidera ensuite son raisonnement :
"3. Considérant que si ces dispositions prévoient un délai minimum entre la date de la notification de mise à l'arrêt et celle de la cessation d'activité entraînant libération des terrains, elles ne fixent, en revanche, aucun délai maximum entre ces deux dates ; que, dès lors que la décision de fermeture peut être regardée comme irrévocable et qu'il existe un désaccord sur l'usage futur du site, il appartient au préfet - sans préjudice des mesures qu'il peut prendre à tout moment, y compris après la mise à l'arrêt de l'installation, pour assurer la sauvegarde des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement - de se prononcer sur cet usage selon les modalités rappelées ci-dessus, même si la fermeture effective de l'installation et la libération des terrains ne doivent intervenir qu'ultérieurement ; que le préfet ne peut légalement refuser de se prononcer que s'il est saisi d'une annonce prématurée de cessation d'activité révélant la volonté manifeste de l'exploitant de détourner la procédure de son objet, notamment pour se prémunir contre une modification des règles d'urbanisme ;"
Le Préfet ne peut donc refuser de définir les conditions de remise en état d'une ICPE que dans le seul cas où la notification de la cessation d'activité n'apparaît avoir été réalisée que dans le seul but d'échapper à une modification des règles d'urbanisme.
Au cas présent, la preuve de de ce détournement de procédure par l'exploitant n'était pas rappportée :
"4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par lettre du 10 juillet 2007, la société M., qui exploitait depuis 1939 une usine de fabrication de munitions sur le site de Monpertuis, sur le territoire des communes de B., a notifié au préfet de l'Allier la cessation de certaines de ses activités ; que, par lettre du 18 octobre 2007, la société a informé le préfet d'un désaccord avec le maire de Bellerive-sur-Allier sur l'usage futur du site devant être pris en compte pour réhabiliter les terrains libérés ; que, par décision du 12 novembre 2007, le préfet a refusé de fixer cet usage ; qu'après rejet, par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 10 mars 2009, de la demande de la société tendant à l'annulation de cette décision, la société a confirmé au préfet l'arrêt de l'ensemble des installations de ce site, prévu le 31 mars 2012 ; que, par l'arrêt attaqué du 11 janvier 2011, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé la décision du préfet à compter du 22 décembre 2009, date à laquelle la société avait notifié au préfet l'arrêt définitif de l'ensemble de ses installations et lui a enjoint de réexaminer la demande de la société tendant à ce que soit fixé le type d'usage futur du site ;"
La décision par laquelle le Préfet avait refusé de se prononcer sur l'usage futur du site est donc illégale :
"5. Considérant que le ministre chargé de l'écologie n'a pas soutenu devant les juges du fond que l'exploitant aurait cherché, par une annonce prématurée, à détourner la procédure de son objet ; que la cour a relevé, par une appréciation souveraine des pièces du dossier, exempte de dénaturation, que le ministre n'avait fourni aucun élément de nature à établir que l'arrêt définitif de l'ensemble des activités ne serait pas effectif à la date ci-dessus mentionnée ; que, par suite, la cour n'a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique en jugeant par l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé, que la société Manhurin Défense devait être regardée comme remplissant la condition de mise à l'arrêt de ses installations entraînant libération des terrains prescrite par l'article R. 512-39-2 à la date du 22 décembre 2009 ;"
Arnaud Gossement
Avocat associé - Selarl Gossement avocats
________________________________