Rue des voleurs

Publié le 24 mars 2013 par Lorraine De Chezlo
de Mathias Enard
Roman - 250 pages
Editions Actes Sud - août 2012
C'est un jeune marocain de Tanger, Lakhdar, un jeune homme qui se débat comme un chien dans sa chienne de vie. Il aime lire, et il aime sa cousine Meryem, divinement belle. Il est chassé de la maison familiale lorsqu'ils sont découverts nus par son père. C'est le début d'une longue et terrible errance, qui l'entraînera dans les pires faubourgs, qui le verra travailler pour survivre au service d'un libraire islamiste, puis d'un type qui lui demande de retranscrire des milliers de pages, puis de pompes funèbres particulières, puis d'un ferry méditerranéen. L'accompagne toujours l'amour pour les mots de la grande littérature arabe, l'amour pour Meryem, l'amour pour Judith, cette touriste espagnole.
Les premières pages de Rue des voleurs nous happent aussitôt, et jamais le roman ne nous laisse de répit. C'est dans la noirceur, dans l'inhumanité, dans la violence, que son destin précipite le personnage principal. Mais quel personnage ! Un jeune homme calme, aimant la vie, aimant de la vie ses mots, ses femmes, ses amitiés - ses seules sources d'espoir. Comme son meilleur ami Bassam, il aurait pu sombrer dans l'intégrisme religieux, l'obscurantisme terroriste. 
Extrait :"Les villes s'apprivoisent, ou plutôt elles nous apprivoisent ; elles nous apprennent à bien nous tenir, elles nous font perdre, petit à petit, notre gangue d'étranger ; elles nous arrachent notre écorce de plouc, nous fondent en elles, nous modèlent à leur image - très vite, nous abandonnons notre démarche, nous ne regardons plus en l'air, nous n'hésitons plus en entrant dans une station de métro, nous avons le rythme adéquat, nous avançons à la bonne cadence, et qu'on soit marocain, pakistanais, anglais, allemand, français, andalou, catalan ou philippin, finalement Barcelone, Londres ou Paris nous dressent comme des chiens."
Souvent, le personnage se compare à un chien, malmené, maltraité, guidé par ses instincts, par la survie, de Marrakech à Tanger, jusqu'à Barcelone. Mais ce chien aime la poésie et son amour de la littérature le sauve. Sans pouvoir retranscrire tout ce qui m'a fait beaucoup aimé ce livre, je suis certaine que je garderai un très grand souvenir pour ce qui restera peut-être ma plus belle lecture de l'année. Un roman terrible et magnifique, tragique et sublime, contemporain et éternel. A lire, à savourer.L'avis de Laurence - BiblioblogL'avis de Clara - Moi, Clara et les mots