Réalisation de Laurent Vaissade de jogg.com
Cet article est rédigé dans le cadre de la 6ème édition de la Boite à Photos, réunion de 15 blogs francophones traitant de photographie en tous genres. Ce collectif fête ses 1 ans et pour cette belle occasion, c'est Sébastien Fanger du blog sfphotos.fr qui organise cette édition. Le thème choisi est L'Expérience. Vaste sujet, passionnant et importantissime ! Suivre @LaBoiteAPhotos
L’expérience ? C’est quoi ?
L’avantage avec la langue française (ou l’inconvénient, mes élèves peuvent en témoigner tous les jours) c’est que la plupart des mots recouvrent plusieurs acceptions (avec cette fin de phrase je viens de perdre la moitié des lecteurs). Bon je reprends : toi devoir comprendre que mots français avoir sens différents (et là, c’est l’autre moitié qui fiche le camp, vexée d’avoir été pris pour des noeuds-noeuds). Tant pis je continue pour les 3 lecteurs qui restent
Je disais donc que très souvent un même mot possède des significations différentes. Prenez, au hasard, le terme Expérience :
- sens de expérimentation : faire l’expérience d’une plante médicinale
- sens de vérifier une hypothèse : expérience scientifique
- sens de mettre à l’épreuve : tenter une expérience de colocation
- sens d’un savoir issu d’une pratique : joueur avec de l’expérience.
J’admets que ces 4 définitions sont assez proches les unes des autres et que les frontières entre chacune sont assez floues.
Mais en quoi peut-on en tirer avantage ? Et bien nous pouvons choisir, parmi celles disponibles, la valeur qui nous arrange ! En fait, qui m’arrange
Tandis que je découvrais le thème de la 4ème édition de la Boite à Photo, je pensais de suite à mon article : « aouch ! En quoi l’expérience en photographie animalière peut-elle faire de vous un meilleur photographe » … un sujet du bac de philo non ? Bouge pas mon p’tit gars que je me suis dit : « tu vas pas de casser la tête, entre toutes les significations du mot Expérience, tu te choisis celle qui t’arrange ! »
Alors j’ai pris celle-ci : l’expérience est un savoir, une connaissance tirée d’une pratique de terrain. C’est l’apprentissage sur le tas, à la dure, en mode essais – erreurs.
Vous savez comment ça se passe, on balance une belle phrase théorique, et après coup il est nécessaire d’attester par l’exemple. Ca tombe bien c’est exactement ce que j’ai prévu de faire : prouver, par 2 cas concrets, que parfois, rien ne remplace le savoir forgé par l’expérience. Ni les lectures des magazines et ni celles des livres (même pas le guide pratique d’Erwan Balança Photographier les animaux, petite auto-promo au passage
)Je le dis autrement, faut bien contenter tout le monde, vous aurez beau bouffer quantité de livres, viendra un moment où vous serez confronté à l’inconnu ! Ce sont précisément ces instants qui vous apporterons l’expérience, et, in fine, le savoir.
Cas n°1 : la connaissance des animaux
Le guide complet des mammifères de France et d’Europe édité chez Delachaux et Niestlé est ZE guide naturaliste traitant des mammifères de chez nous. Entre nous, sachez que ce type d’ouvrage ne se lit pas par curiosité : la mise en page, la taille de la police n’invitent guère à la lecture plaisir. C’est la recherche d’informations précises qui vous fait ouvrir ce guide.
C’est au début de mon projet de suivi d’un clan de lapins de garenne que j’ai longuement parcouru les pages concernées par les lagomorphes (les lapins et les lièvres quoi).
Une lecture attentive permet d’apprendre à les identifier, leurs types d’habitats, leurs comportements et tout une série d’autres choses bien passionnantes (comme de savoir qu’un pauvre lapin atteint de myxomatose meurt au bout de 12 jours
).Le comportement tiens, c’est le point essentiel à maitriser pour se donner toutes les chances d’observer, de s’approcher et enfin photographier. Vous lirez que les lapins de garenne vivent en clans familiaux et s’organisent pour défendre leur zone d’activité, notamment en tapant du pied pour prévenir d’un danger. Parfait, tout ça !
Pas tout à fait. Mes nombreuses heures passées sur le terrain à observer ces lapins m’ont permis d’apprendre que systématiquement, dans cette garenne et pour ce clan en tout cas, un lapin « éclaireur » sort toujours avant les autres. S’il y a une balle à prendre, c’est lui qui la prend. Son rôle ? Prévenir les copains des trucs louches dans le coin (genre un photographe sous des branches).
Mes lectures encyclopédiques ont été nécessaires mais pas suffisantes :
- Nécessaires pour savoir qu’un lapin de garenne émet des signaux envers ses congénères
- Insuffisantes car je n’y ai pas découvert la technique du lapin éclaireur
L’expérience du terrain a complété mon savoir livresque. C’est précisément ce type de connaissances que vous ne vous forgerez qu’à force de temps passé sur la place.
Mon guide naturaliste de référence.
L’importance de prendre du recul pour bien observer – © Régis Moscardini
Cas n°2 : bien débuter en photo animalière
En débutant la photographie animalière, le néophyte, pressé de ramener des bonnes photos, pratiquera d’emblée la photo à l’approche plutôt que celle à l’affût, car, pense-t-il, l’affût est bien plus difficile à mettre en oeuvre qu’une balade photographique.
Pensez : monter une cache, c’est se poser quantités de questions ! Où mettre l’affût, comment le fabriquer, quelle forme, pour quelles espèces, et j’en passe. Alors qu’une sortie à l’approche, c’est à priori plus simple : appareil et jumelles autour du cou et en avant Guingamp. Rapide, facile, pas contraignant, tout est bon pour ramener vite fait bien fait des clichés.
C’est en tout cas exactement comme cela que j’ai raisonné quand j’ai réellement commencé en 2005-2006. Hâté que j’étais pour vite mettre en boite, ben oui, faut bien justifier l’achat du boitier et du 70-300 mm ! J’en ai fait des billebaudes, et j’en ai ramené des photos, pour sûr ! Des passereaux de loin (c’est que ça ne remplit pas une image une mésange quand on ne parvient pas à s’approcher à moins de 10 mètres !), des lapins de très loin, des buses de très très loin. Voilà en gros mes trophées de l’époque. Pas génial du tout.
Nous sommes en 2013, 8 ans ont passé (putain, 8 ans !). Si c’était à refaire, je ferais différemment. A l’époque, quel était mon but : me faire plaisir rapidement et ramener vite fait de bonnes images. Si je débutais aujourd’hui, je garderais donc cet objectif, cependant je changerais de méthode !
D’abord et avant tout l’affût ! J’ai connu mes vraies premières émotions (le coeur qui bat fort) en affût, pas à l’approche. Pire, pratiquer systématiquement l’approche comme je le faisais, sans réelle maitrise et connaissance du terrain, aurait pu me dégoutter de la photo animalière tant mes frustrations étaient grandes (satanés mésanges fuyant à chacun de mes pas).
Où je veux en venir ? Ici encore, vos lectures indiqueront des idées, des conseils. Mais à terme, c’est VOUS et vous seul qui déciderez de vos orientations photographiques à force d’expériences. Affût ? Approche ? Aucune des deux n’est dans l’absolu meilleure qu’une autre … sur le papier. Dans votre terrain de jeu, l’une prendra le dessus sur l’autre. C’est certain.
Ce sont donc mes sorties répétées depuis des années qui m’ont convaincu de la supériorité de l’affût face à l’approche, pour MOI. Ainsi, je sais que je tirerai le meilleur de ma pratique en photographiant depuis une cache. Et je n’ai pas lu ça dans les livres : je le tire de mon expérience !
Un jeune lapin de garenne photographié à l’approche. © Régis Moscardini
Un lapin de garenne photographié à l’affût – © Régis Moscardini
Conclusion
Ne retenez qu’une seule chose de cet article : les livres, les magazines, les forums, les conseils glanés ici et là, c’est nécessaire, mais surtout pas suffisant.
Vous ne pourrez pas vous constituer un savoir encyclopédique en photo animalière seulement en vous documentant. Il faudra passer par la case pratique. Lire et pratiquer. Les deux. Pas l’un puis l’autre, l’un ET l’autre. J’apprends, je teste, je me trompe, je relis, je recommence, je re-teste, je me re-trompe (bon, là, ça craint c’est la 2ème fois !
)