Jusqu’à samedi soir, vous n’en avez qu’assez peu entendu parler à la radio et à la télé, vous ne l’avez pas lu dans votre presse, et pourtant, ce dimanche, une nouvelle manifestation aura lieu à 14h à Paris. Les opposants au mariage homosexuel remettent donc le couvert, suite à la précédente démonstration du 13 janvier dont le nombre de participants n’avait pas entamé la détermination du gouvernement…
À l’époque, le président Hollande flirtait allègrement avec un bon 44% d’opinions favorables, et avec un tel matelas confortable de Français heureux de sa politique, on comprend que lui et son gouvernement se soient contentés d’un débat parlementaire light, mené de main de maître par une Christiane Taubira qui aura prouvé, depuis sa parfaite lucidité…
L’éventualité d’un référendum complet ayant été écartée, l’affaire semblait pliée. Les dérapages plus ou moins contrôlés des pitres gouvernementaux au sujet de l’adoption, de la filiation, de la procréation médicalement assistée auront cependant remis sur le tapis la douloureuse question, et le besoin de débat d’une part grandissante de la population française n’ayant pas été satisfait, il semblait inévitable qu’elle réorganise une petite merguez-party.
Depuis deux mois, les opposants s’organisent donc pour rassembler un maximum de personne, ce dimanche 24 mars, à Paris. Le but est, à l’évidence, double : d’une part, par la force de la mobilisation, relancer le débat et, d’une façon ou d’une autre, forcer le gouvernement à assouplir sa position, ou le président à lancer un référendum. D’autre part, on sent le besoin de revanche sur une première manifestation dont, à l’évidence, l’importance avait été largement sous-estimée par les tenants du mariage homosexuel, puis minimisée tant par la préfecture que le gouvernement et les médias, puis ridiculisée par les demandes consternantes d’indemnisation de pelouse du maire de Paris dont les biais d’opinion dans sa gestion des espaces publics laisse pantois (Bertrand fut délicieusement plus accommodant avec SOS Racisme qu’avec les opposants au mariage homo).
Or donc, tout aura été fait pour que ce rassemblement marque les esprits, en cherchant à mobiliser un maximum de personne, bien au-delà des 340.000 (chiffre officiel) qui avaient battu le pavé en janvier dernier. Disons-le clairement : si les organisateurs y parviennent, ce sera un véritable exploit, car il ne fait ni beau ni chaud pour un début de printemps maussade.
Et surtout, ce sera un exploit d’autant plus incroyable que les organisateurs auront dû faire face à une presse outrageusement opposée à leurs revendications, à des médias qui ont largement balancé toute neutralité et toute éthique professionnelle au travers de la fenêtre du bon sens pour enterrer aussi profondément que possible les messages des opposants et leurs velléités de les afficher ce dimanche.
On pourrait croire que j’exagère. D’une part, ce n’est pas le genre de la maison. Vous me connaissez : bonne foi, aucun caricature, jamais un mot plus haut que l’autre, et tout ça. Mais d’autre part (et blague à part), il suffit d’aller regarder ce que nos principaux organes d’ « information » relatent de cette manifestation pour découvrir la manipulation scandaleuse dont ils usent sans vergogne. Encore une fois, c’est bien de Pignouferie de Presse dont il s’agit ici.
En effet, qu’on soit d’accord ou non avec le mariage homosexuel, qu’on comprenne voire qu’on accepte l’ensemble des arguments apportés par les tenants de ce droit étendu au mariage, ou qu’on y soit farouchement opposé, on devrait pouvoir exiger une presse qui reflète un minimum la réalité du terrain, et ce d’autant plus que tous, nous payons maintenant des fortunes pour lire et entendre les conneries, les euphémismes ou les exagérations de cette batterie de médias indigents.
Ainsi, lorsqu’on titre, à quelques heures de la manifestation, des articles avec « Les opposants au mariage gay renoncent à défiler sur les Champs-Élysées » (Le Point), « Mariage gay: les opposants échouent à organiser leur manifestation » (L’Express), « Anti-mariage homo: pas de défilé dimanche mais un rassemblement » (Libération), le lecteur lambda, peu averti de la discrète hypocrisie des rédacteurs, en conclue que la manifestation prévue le 24 mars bat de l’aile et que pour différentes raisons, elle n’aura pas lieu ou qu’elle n’est plus qu’un gentil petit rassemblement.
Car en réalité, il n’y a eu aucun renoncement de la part des associations opposantes au mariage homosexuel : c’est bel et bien la préfecture de police qui leur a interdit le parcours qu’elles avaient choisi. Respectueux des règlements, les opposants n’ont pas renoncé puisqu’ils ont été forcés. De la même façon, titrer qu’ils ont échoué à organiser une manifestation est un mensonge d’arracheur de dents qui mérite largement une séance longue chez Paul Employ pour le scribouillard qui a pondu un tel titre : la manifestation, ne lui en déplaise, aura bien lieu. Quant à la rédaction de Libération, pareille à elle-même et toujours aussi apte à danser la gigue avec ses gros sabots, elle a choisi de jouer l’analyse textuelle en insistant sur l’absence de défilé. Dans tous les cas, nos pisse-copies se seront fait fort d’insister sur la difficulté évidente de dépasser le nombre précédent de manifestants et sur les chiffres de la préfecture qui sait déjà que 150.000 personnes se seront déplacées (c’est aussi ça, le changement maintenant : on connaît l’ampleur de la mobilisation d’une manifestation avant qu’elle ait eu lieu).
Le pompon, comme souvent, est décroché haut la main par ce débris rédactionnel en perdition qu’est devenu Le Monde. Jadis phare de l’élite intellectuelle française, la pauvre feuille de choux n’est plus guère qu’un organe de propagande caricatural (et Péan et Cohen, dans la Face Cachée Du Monde n’ont été que le révélateur public de cet état de fait lamentable) et elle le prouve une fois encore en ayant à cœur, pendant les semaines qui ont précédé la nouvelle manifestation, de bien exposer à son public à quel point les opposants au mariage homosexuel sont — il faut bien le dire — des conservateurs rétrogrades rassemblés dans des associations qui frisent le sectarisme (certaines sont même religieuses, pensez donc, et tant pis pour les faits, oublions-les, nous sommes à Le Monde, que diable !) et qui méritent au mieux un peu de commisération, et au pire, le plus profond mépris de tous ceux qui, comme les journalistes du Monde, veulent enfin éduquer la population aux lendemains qui chantent (à coup de pied au derche s’il le faut).
À ces manœuvres qui font honneur tant au journalisme d’investigation, qu’à la pluralité des opinions et à l’objectivité professionnelle, il faut ajouter celle, encore plus simple et plus transparente, de ces rédactions respectives qui se seront empressées de ne surtout pas mettre en avant, ni dans leur une, ni dans leurs pages « société », la moindre nouvelle, le moindre papier en rapport avec cette manifestation d’opposants, à l’exception sporadique d’un article ou deux lorsqu’ils sont ouvertement biaisés en défaveur de cette cause rétrograde, passéiste, pas bisou compatible et, disons le clairement, homophobe (eh oui : qui n’est pas pour le mariage homosexuel est, forcément, pour les chambres à gaz, l’homophobie déclarée et l’énucléation des petits chats).
En définitive, peu importe que la manifestation se déroule bien ou pas, qu’elle mobilise tant de monde ou pas : à moins de déborder vraiment toutes les mesures établies par la presse et les autorités, médiatiquement, elle sera insignifiante. C’est dit. Et le contribuable, bailleur de fonds perpétuel pour cette presse si indigente, en est pour ses frais une fois de plus.