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Ma page littéraire, par Dominique Blondeau…

Publié le 23 mars 2013 par Chatquilouche @chatquilouche

Ma page littéraire, par Dominique Blondeau…Que dire des nouvelles mondiales qui prennent possession du peu de temps dont nous disposons.  Les journaux et la télé nous informent du pire ; rarement, le bien auquel contribuent des hommes et des femmes ne fait l’objet d’une mention spéciale.  Est-ce utile de nous rebattre les oreilles des méfaits de nos semblables ?  Depuis longtemps, grandes et petites guerres se perpétuent sans que nous en tirions une leçon.  Dieu nous aurait-il oubliés ?  Allons voir ce qu’il en est dans l’essai d’Alain Gagnon, Propos pour Jacob.

En introduction, un narrateur confie à son petit-fils ce qu’il lui léguera à sa mort : des réflexions personnelles, des questionnements spirituels traitant de l’existence de Dieu.  Ce même narrateur prévient Jacob qu’il s’avancera « à pas prudents de loup » dans « l’ampleur du sujet » qu’il prétend connaître.  Celui du monde tel qu’il est, mais aussi dans l’univers d’un dieu qui sommeillerait en nous, soit le sacré qui nous différencie du règne minéral, végétal, animal.  Tout d’abord, Alain Gagnon affirme que l’Esprit est « un, sans temps ni lieu. » Impérieux, il souffle, se réverbère au centre de toutes les philosophies.  Dépourvues de cet esprit universel, nombre d’œuvres auraient avorté : poésie, littérature, peinture, architecture, la nature s’appliquant à nous démontrer la perfection de la fleur la plus humble.  Faut-il responsabiliser Dieu d’un semblable et grandiose dessein ?  Ne nourrit-on pas aujourd’hui un brin de lassitude, quand rabâchant à souhait les causes de malheurs superposés les uns sur les autres, nos oreilles et nos yeux se ferment ?  Dieu n’est-il pas désespéré de devoir tout reconstruire, contemplant le monde usé plutôt qu’existant mal, comme le suggère l’auteur.

On admire Alain Gagnon d’attester sans faillir l’existence de Dieu.  Les exemples théoriques ou concrets se multiplient que nous ne pouvons mettre en doute.  Pourtant, n’appartient-il pas à chacun d’interpréter « l’aspiration vers l’infini » tel un phénomène scientifique, logique et intelligent, une volonté naturelle complexe et moins crédule ?  N’est-ce point devenir l’égal de Dieu en se faisant complice de ses créations ?  En soi, ne sommes-nous pas des dieux par le fait même de combattre dans un maelström essoufflant une destinée qui nous a été transmise, pour que nous la menions du mieux possible ?  Ne sommes-nous pas, à l’image de Dieu, le « Sacakoua » du début de l’univers ?  En quoi Dieu et ses créatures ont-ils changé ?  Plusieurs mythes nous apprennent que des rébellions se sont produites avant que Dieu entreprenne sa tâche ; on pense aux faux prophètes qui, en leur temps, ont juré être les sauveurs de l’humanité avant que Jésus se sacrifie pour elle.  Que de brumes idéalistes et fascinantes suggérées par Alain Gagnon ; tant de légendes préhistoriques sont ancrées dans nos consciences, imprégnant l’innommable en nous, défiant nos peurs, nos forces.  Notre conscience propre au règne hominal, celle qui nous est étrangère, peut-elle être gouvernée par des anges ou des démons, exilés que nous sommes dans un « univers auquel nous nous adaptons de par notre nature animale [...] » ?  Que penser des atrocités que l’homme a mises sur pied pour exterminer ses frères ?  Où intervient le divin cosmique quand il s’agit d’exploiter la misère des innocents, ceux et celles qui ne savent se défendre contre des hommes de mauvaise volonté ?  Peut-on demander aux démunis de vaincre la souffrance et la peur pour devenir Dieu ?  L’Être divin serait-il sélectif ?  Le péché originel nous aurait-il départagés ?  Les martyrs s’abandonnant au dogme chrétien — et l’ignorant — lors de spectacles sanguinaires se présentaient-ils déjà comme des hommes nouveaux, une vision béatifique exaltant leur indéfectible croyance ?  Le christianisme n’est-il pas né de ces affres, d’un enivrement céleste, répliqueront les irréductibles de la Foi.

Le livre, car c’en est un où l’amour du divin l’emporte sur la pauvreté morale, intellectuelle de l’homme, foisonne de références qui ont guidé Alain Gagnon vers des ancrages resplendissants.  Nos interrogations tumultueuses sont prises en main par l’auteur, serein et grave.  La Joie de croire en Dieu s’avère la force suprême de l’ouvrage, louant « l’homme intérieur » que nous devons chercher au détriment du « vieil homme ».  On a aimé que Gagnon multiplie ses approches, citant Nicodème, Paul de Tarse, Maître Eckhart, Sri Aurobindo, l’empereur Marc-Aurèle, définissant ainsi nos diverses consciences à travers des paraboles de Jésus.  Mais Dieu est-il accessible à tous, sa parole à Lui se répercutant « par images et impressions [...] » indicibles. Il serait impossible de répertorier les axiomes philosophiques que propose l’auteur, l’œuvre se révélant riche, extrêmement réfléchie.  Il suffit de s’acheminer intérieurement vers une éthique embellie d’une « vraie » liberté, ce que recommande l’auteur à son petit-fils.  L’humain ne se révèle-t-il pas le véritable sujet et mystère de cet essai érudit, inclassable ?

Pour clore ces éloquents propos, 99 bouts de papier, sous forme d’aphorismes, vagabondent spontanément d’une pensée à une autre.  Ils sont là, témoignant d’une angoissante lucidité, nous obligeant parfois à nous interroger sur la nécessité de vivre, de parcourir en trébuchant une courte distance heurtant nos certitudes, nos hésitations.  Il n’empêche qu’en fermant ce livre, et malgré la beauté spirituelle du texte, la sincérité absolue de l’auteur, nous ne sommes sûrs de rien, surtout pas de l’existence d’une entité désincarnée, pétrissant, telle la glaise, la chair périssable de l’humain.  Le génie de l’homme, selon Nietzsche, n’est-il pas d’être « humain, trop humain », donc imparfait ?  À défaut de croire en Dieu, croyons en la parole persuasive d’Alain Gagnon, lui aussi, trop humain !

Propos pour Jacob, Alain Gagnon
Les Éditions de la grenouille bleue, Montréal, 2010, 122 pages

Notes bibliographiques

Ma page littéraire, par Dominique Blondeau…
Installée au Québec depuis 1969, Dominique Blondeau, romancière et nouvellière, a été lauréate du Prix France-Québec/Jean-Hamelin pour son roman Un Homme foudroyé. Entre autres ouvrages, elle est aussi l’auteure de Les Feux de l’exilFragments d’un mensonge,Alice comme une rumeur, Éclats de femmeset Larmes de fond, ces cinq derniers livres publiés aux éditions de la Pleine Lune. En 2002, les éditions Trois-Pistoles ont édité son essai, Des grains de sel, dans la collection «Écrire». Elle a fait paraître des nouvelles dans plusieurs revues et collectifs et, en 1997, elle a été lauréate du Prix de la Meilleure Plume au concours XYZ. La revue de la nouvelle. Son treizième roman Une île de rêves a été publié en 2004 chez VLB éditeur. En 2008, elle a publié un recueil de nouvelles, Soleil et cruautés, dans Internet, sur le site Lulu. Au début de 2012, elle publiait Des trains qu’on rate aux éditions numériques Le Chat Qui Louche. En 2007, elle a créé un blogue surtout consacré à la littérature québécoise, Ma page littéraire(http://dominiqueblondeaumapagelitteraire.blogspot.com/)

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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