Ayi

Publié le 23 mars 2013 par Ancre_de_chine
Peut-être l'ai-je déjà mentionné, contrairement à beaucoup d'expatrié(e)s, je n'emploie pas d'ayi. Une ayi est une bonne à vraiment tout faire, la cuisine, le ménage, les courses, s'occuper des enfants... On en trouve de toutes les sortes, celles qui parlent anglais, celles qui n'en pipent pas un mot, celles qui commencent le boulot dès potron-minet et le quittent longtemps après que la nuit soit tombée, celles qui vivent et dorment chez leur employeur, des ayi du matin, des ayi de deux fois par semaine, des ayi de la semaine mais pas le week-end, des ayi 7/7, des ayi chinoises, des filipinos, bref toutes une panoplie de dames sans qui la société ne pourrait pas tourner.
La première fois que j'ai été confrontée à ce peuple de l'ombre c'est en visitant des appartements. L'un d'entre eux, plutôt spacieux, offrait le nombre de pièces souhaitées. Plus une chambre juste à côté de la cuisine. Je dis "une chambre", c'était un triste compromis entre "chambre" et "local d’entreposage"  avec une douche très, très dépouillé dans un coin, pas de rideau coquet, pas de carrelage, du béton dans toute sa sobriété, et un robinet, naturellement. J'ai demandé ce qu'on pouvait faire d'une telle pièce. La dame de l'agence m'a regardée étonnée. Depuis, j'ai appris qu'il s'agissait de la chambre de l'ayi et quand je vois dans les annonces "+ 1", je sais de quoi il en retourne. Nous avons des amis qui ont même une seconde cuisine, un peu en sous-sol, celle de l'ayi, qui ne l'utilise pas car madame fait à manger à son employée.

Dans notre immeuble, c'est avec ces femmes que je "discute" le plus. Leurs employeurs sont souvent froids et distants (et chinois), ni bonjour, ni au revoir. Par contre, les ayi commentent la météo, nos achats réciproques, la difficulté d'atteindre les angles morts de nos fenêtres à nettoyer, que des banalités qui se terminent en rires. Celle de nos voisins arrive avant 6 heures du matin et en repart bien après 20 heures, saute sur son vélo et se tape encore une demi-heure à pédaler, toujours avec le sourire, bruyante et enthousiaste.

Ouh  la la, c'est haut!


Si j'avais décidé d'engager une ayi, je l'aurais voulu chinoise pour que je puisse parler avec elle, connaître la Chine à travers elle. Elle m'aurait permis de comprendre les notes collées à notre porte qui prennent beaucoup de temps à déchiffrer. Peut-être qu'elle aurait même eu le temps de faire un brin de ménage, entre deux tasses d'eau chaude. Qui sait?

Tout est prêt pour passer à l'attaque


Et surtout, surtout, elle aurait pu nettoyer mes fenêtres! Tout ça pour en arriver là... 18e étage, un peu de peur de la distance qui me sépare du trottoir, des images qui me reviennent de tentatives précédentes, moi qui glisse de mon échelle et m'écrase, quelques fenêtres difficiles d'accès, je remets à plus tard l'envie de voir le printemps entrer chez moi autrement que par un filtre de saleté et de pollution. Je tombe sur une annonce qui propose les services d'ayi expérimentées, je lis "one-time cleaning", exactement ce qu'il me faut. Tu parles, la personne au téléphone commente, une seule fois, des fenêtres, 18e étage, mais c'est haut, pas facile, dangereux... Je sais tout ça, je le lui dis. "Je ne sais pas si nous pouvons offrir ce service. Tu veux l'intérieur ou l'extérieur? Une personne qui parle anglais c'est plus cher. Je peux chercher sur Internet des professionnels.." Je sens déjà que la partie est perdue, je n'insiste même pas. Les fenêtres seront pour bibi. Au péril de ma vie. J'ai commencé aujourd'hui.

Le lieu du crime


La vraie vie est faite de banalités, qu'on se le dise...

J'ai même pu compter sur un aide bien téméraire