Dromard... Théobald Dromard

Publié le 23 mars 2013 par Hongkongfoufou

Par Oddjob

Nous sommes en 1961.

Le Monde libre n’a pas encore pour ange gardien cinématographique un certain agent des services secrets britanniques. L’espionnage est déjà, bien sûr, un genre prisé de la littérature et du cinéma anglo-saxons, d’Ambler à Hitchcock. Et pourtant, c’est en France que naît sur écran le modèle décalé, élégant et pour tout dire aristocratique de l’espion que nous aimons.


Ainsi démarreront les aventures de Théobald Dromard, alias le Monocle, honorable agent du 2ème Bureau. Tirées des romans (un brin plus sérieux que leurs adaptations) du grand résistant Rémy, elles seront portées à l’écran par trois fois par Georges Lautner.

Après Le Monocle Noir, suivront en 1962 L’Œil du Monocle et en 1964 Le Monocle Rit Jaune.



Mais pour affronter les barbouzeries de la Guerre Froide, il fallait un acteur à la hauteur des enjeux. Pas question d’un bellâtre frelaté, d’un besogneux de la gâchette, d’un acharné de l’uppercut. Rien de tout cela. Car la trouvaille fut de confier le rôle titre au hiératique Paul Meurisse. Le Monocle tenait là une incarnation impeccable : un brin vieille France, mais finalement très stylé et distingué, homme de théâtre flegmatique au visage sérieux, voire grave, et surtout à la voix profonde et sûre !

Bref, le gentleman « à la française » est né !

Car pour notre agent, pas question de violence brutale, de corps à corps sanglants, bref d’exercice sportif totalement futile. Il laisse les basses œuvres à ses hommes de main. En effet, il n’agit jamais seul et sera tour à tour épaulé dans sa défense des intérêts de la République, par l’Adjudant Trochu (Jacques Marin), Archiloque (joué par l’ancien catcheur Henri Cogan), ou encore le Sergent Poussin (interprété par Robert Dalban).

Mais surtout, à personnage exceptionnel, missions hors du commun, et notre agent d’être sur tous les fronts : de nostalgiques nazis tentent une ultime résurrection de feu le IIIème Reich au cours d’une réunion secrète au sinistre château de Villemaur ; une partie de chasse au trésor de guerre allemand, non pas au fond d’un lac autrichien, mais au large de la Corse, attirent de joyeux agents anglais et soviétiques ; une terrible secte basée à Hong Kong s’en prend à la dissuasion nucléaire française !

Heureusement ces péripéties échevelées, teintées d’humour noir et de cynisme bon teint ne sombreront jamais dans le pastiche facile, la parodie graveleuse. Certes le monde de l’espionnite aigüe y sera mis à mal, mais avec un sens de l’humour et dans une atmosphère « à l’anglaise ». A mille lieues de la vulgarité crasse de l’OSS 117 version Dujardin, parfait exemple malheureux de comédie d’espionnage franchouillarde et bas du front…

Et les productions de s’étoffer à chaque épisode, jusqu’à convoquer sur Le Monocle Rit Jaune Michel Magne à la bande originale et à afficher Edward Globe Trotter Meeks (en officier de sa Gracieuse Majesté) et surtout Barbara Steele (la trop fameuse Reine Martyre du cinéma gothique !). Meurisse en perdra, d’ailleurs, son flegme. Jugeant ainsi indigne de donner la réplique à une actrice d’un genre aussi peu noble (à ses yeux) que le fantastique, il eut à son égard, tout au long du tournage, une attitude fort peu digne d’un gentleman.


Alors, évidemment, notre confrère, le pointilleux Elève Moinet nous rétorquera que Meurisse n’a jamais été aussi épatant que chez Clouzot, en directeur tyran dans Les Diaboliques (et pour cause !).

Mais ne gâchons pas notre plaisir, car après lui, l’espionnage français ne sera plus qu’une affaire de fonctionnaire patenté.