Dr Adou Christian qui travaille à l'ONS, toi qui est en ce moment à Paris en mission et qui travaille pour les laboratoires BOIRON. Ton petit gombo* est d'acheter des plantes naturelles chez ton fournisseur Joseph M'gbetio, dit "Papa Joseph" (comme il est un peu vieux là), sis à Bassam, et de les revendre à des occidentaux et même au labo pour lequel tu travailles au double du prix.Aujourd'hui, tes clients occidentaux t'ont appelé pour acheter ces plantes. Mais comme tu n'es pas sur place en ce moment, tu ne veux pas les mettre directement en contact avec ton fournisseur sinon tu perds ton marché et même ton boulot, donc tu m'as appelé ce matin là (22.03.13) pour me faire passer pour ta représentante officielle à Abidjan. (J'ai gagné djôci!)
Ma mission: Appeler "Papa Joseph", lui demander de réserver un stock de plantes pour moi, (40 à 50kg à 3500f l'unité); me rendre à Grand-Bassam pour acheter de ma poche les kilos de plantes (oui puisque tu n'es pas sur place, m'envoyer un Western Union aussi c'est compliqué, au cas ou je serai plus malo* que toi pour fuir avec ton blé) et puis tu me mettras en contact avec tes clients pour leur revendre les plantes, ensuite on se partagerai l'argent. Il faut surtout que je fasse vite car les clients ne sont là que pour 72 heures, ils repartent dimanche.
En tout cas, merci de m'avoir appelé matin là, j'étais trop tchass*! En plus tu es sympa, c'est vrai je ne te connais pas, mais toi tu connais mon nom, mon numéro de téléphone..., et on a bien causé. Je suis trop prête pour ce mangement* là, mais tu as raccroché trop vite, j'ai oublié de te dire que mon téléphone là ne garde pas unités ooh, c'est un chintok! Or "Papa Joseph" attend mon appel comme ça!
Tu me demandes de te rappeler au 00 44 70 11 16 42 92, ton numéro fixe à Paris. Bon, comme d'habitude l'indicatif français commence par 0033, ton 0044 là a fait peur au gérant de cabine, il dit que le coût de la communication est surtaxé. Là où je suis là, argent de transport ne suffit pas pour aller jusqu'à Grand-Bassam. Toi même tu sais qu'après le 15 du mois, c'est chaud dans Babi là, aaah!
"Kling-kling-kliiiiing!!!" Quoi? Mon téléphone sonne: "Numéro Privé" encore. C'est certainement Dr Adou! Je décroche!- Oui Docteur,- Yoyo, tu as pu joindre "Papa Joseph"? Il dit quoi?- Tu as bien fait de rappeler. J'ai appelé Papa Joseph au numéro que tu m'as donné là. Héééé! Seigneur!! Vraiment c'est dur!- Il dit quoi au juste?- Hééé! On m'a annoncé une nouvelle qui est grave pour nous ooohhh!!- Ya plus de plantes?- Sois fort docteur, hein? Sois courageux! "Papa Joseph" est décédé.- Aie??- Je te dis! On dit il a glissé dans son champs, il s'est fracturé le pied. Un vautour a senti l'odeur du sang, il a fait des signes à une hyène pour venir le manger, mais un lion les a devancé pour manger son bras. Le vieux a pu s'arracher des griffes du fauve grâce à son fétiche, mais il n'avait pas remarqué qu'un serpent était entrain d'avaler sa jambe pendant ce temps. En se débattant, il a respiré trop fort l'odeur d'une de ses plantes que tu dis il n'a qu'à nous vendre là, ça l'a rendu fou. Il a commencé à danser zouglou * sur un seul pied. Les animaux ont prit peur, ils ont fuit. Quand les gens du village l'ont surpris, il dansait mapouka* jusqu'à l'épuisement. Ils n'ont rien pu faire pour le sauver. Son coeur a lâché. Il est mort net!...Sinon pour notre mangement* là, ya foye*, c'est pas gâté donnes-moi les contacts de tes clients là, je vais couper plantes qui est dans mon quartier pour leur donner. Ya kinkeliba, neem, moringa... C'est même chose, ça soigne aussi!
- .... (long silence) ... Bip bip bip!
Il a raccroché!
Oui, la cybercriminalité se combat aussi par l'absurde! Vous n'avez pas dit vous êtes des malo*?Appelez-moi encore, espèce d'ingrédients*!
Crédit photo ivoirbusiness.net
Légende:*tchass: sans le sou.*mangement: une affaire.* malo: diminutif de malhonnête* gombo: une activité à côté pour mettre du beurre dans les épinards.* Le zouglou et le Mapouka sont des danses ivoiriennes.* ya foye: c'est pas grave.* espèce d'ingrédients: insulte préférée d'un de mes tontons.