Ayant lu et adoré le bouquin, ce film constituait ma première grosse attente ciné de l’année et je dois dire que j’en suis ressorti complètement comblé. Et pourtant, c’était loin d’être gagné d’avance car la narration et la structure du livre étaient tellement originales que je redoutais un peu de ne pas retrouver cette qualité si importante dans le film. En effet, il faut savoir que le roman raconte tout d’abord la moitié des 5 premiers récits (1-2-3-4-5) avant de poursuivre par l’intégralité du 6 ème et enfin de terminer avec la fin des premiers récits dans l’ordre inverse (5-4-3-2-1) afin de revenir au commencement et de boucler la boucle. Une construction pyramidale difficilement adaptable au cinéma et pourtant terriblement nécessaire à l’histoire étant donné que chaque nouveau segment fait la jonction avec le précédent. Ainsi, dans le premier segment, le notaire Adam Ewing écrit un journal qui est trouvé et lu dans le second segment par Robert Frobisher, dont la correspondance épistolaire avec un dénommé Rufus Sixsmith est à son tour lue dans le troisième segment par la journaliste Luisa Rey. L’enquête de cette journaliste arrive dans le quatrième segment dans les mains de l’éditeur Timothy Cavendish, dont les aventures sont découvertes dans le cinquième segment sous forme de film par Sonmi-451, un clone étonnant dont l’histoire personnelle influence le sauvage Zachry dans l’ultime segment.
Bref, une structure plutôt efficace au niveau littéraire mais qui peut très vite devenir ennuyeuse et confuse pour le spectateur si on la transpose telle quelle à l’écran. Ce que n’ont pas fait les réalisateurs, préférant s’éloigner de cette construction pyramidale pour proposer plutôt une sorte de grand puzzle où tous les récits s’enchevêtrent. Cependant, quelques minutes au début du film sont tout de même consacrées à la description chronologique des différentes époques de façon à pouvoir identifier précisément les personnages et ainsi suivre les intrigues. Ce choix de narration peut paraître étonnant à première vue mais le montage est tellement fabuleux que non seulement le film captive du début à la fin, mais les séquences s’enchainent également de façon brillante. Ainsi, pendant près de 3 heures, les réalisateurs jonglent magnifiquement avec les multiples récits en utilisant tout un arsenal de transitions allant des ressemblances sonores et visuelles aux similitudes des thématiques en passant par les correspondances des événements. Et le résultat est juste bluffant ! D’autant plus que l’enchainement des différentes époques ne constitue pas le seul enjeu du montage puisque chaque espace-temps dispose également de son propre genre. Le film réunit donc aussi bien de l’action que de la science fiction, de la comédie ou même du thriller. Chaque genre permettant de varier les ambiances et ainsi d’évoquer une large gamme de thèmes. Le tout sans jamais dénoter et en proposant tout du long une mise en scène et des décors à couper le souffle. Néanmoins, même s’il est beaucoup question dans Cloud Atlas de réflexion philosophique autour de thèmes universels tels que l’amour, la mort ou encore le destin, il s’agit avant tout d’un film de personnages. Des personnages nombreux et différents pour chaque récit mais qui sont cependant interprétés par les mêmes acteurs. Il n’est donc pas étonnant de retrouver un même acteur dans 7 ou 8 rôles différents. Parmi tous les personnages, j’ai particulièrement apprécié les duos composés de Jim Sturgess et Doona Bae ainsi que de Tom Hanks et Halle Berry. D’ailleurs, à l’exception de Doona Bae, que je ne connaissais pas avant ce film et que j’ai beaucoup aimée, ce sont tous des acteurs qui me plaisent énormément. Maintenant, il s’agit d’une appréciation très personnelle (sans doute liée à mon rapport aux personnages dans le livre) car le reste du casting est tout aussi remarquable. Je ne vais pas tous les citer mais Ben Whishaw est excessivement touchant dans la peau de Robert Frobisher, Jim Broadbent est très drôle en Timothy Cavendish et Hugo Weaving excelle, comme à son habitude, dans le rôle du méchant de service. Enfin, je ne peux pas terminer cette critique sans évoquer la formidable BO qui, si elle est plutôt discrète dans la première partie, s’impose progressivement au fil du récit pour finir en apothéose. Qui plus est, le thème récurrent renvoie plutôt bien à la structure de l’œuvre et complète ainsi de belle façon le propos du film.Pour toutes ces raisons, Cloud Atlas se révèle donc être une œuvre à la fois extrêmement novatrice et terriblement maîtrisée. Techniquement parfait, le film risque toutefois de rebuter une partie du public de par l’apparente complexité de sa narration et la richesse de son récit. C’est pourquoi un (ou plusieurs) autre visionnage me semble presque indispensable pour mieux appréhender l’histoire et pouvoir l’apprécier à sa juste valeur. A n’en pas douter, il s’agit là d’un film unique en son genre qui dispose de tellement de qualités qu’il constitue déjà pour moi un véritable chef d’œuvre. En un mot : incontournable !