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[Critique] INSENSIBLES

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] INSENSIBLES

Titre original : Insensibles

Note:

★
★
★
½
☆

Origines : Espagne/France/Portugal
Réalisateur : Juan Carlos Medina
Distribution : Alex Brendemühl, Irene Montala, Derek de Lint, Félix Gómez, Bea Segura, Juan Diego, Tomas Lemarquis, Silvia Bel…
Genre : Drame/Épouvante
Date de sortie : 10 octobre 2012

Le Pitch :
Alors que l’Espagne s’apprête à entrer dans la guerre civile, un groupe d’enfants insensibles à la douleur est découvert, puis rapidement placé sous le contrôle d’une équipe médicale. Enfermés dans un hôpital isolé, les enfants deviennent rapidement les sujets d’une étude menée par un docteur allemand, dépêché sur les lieux pour tenter de trouver un remède à leur « mal ».
De nos jours, un homme atteint d’une maladie grave se met en quête de ses parents biologiques. Son enquête va le mener sur le chemin de ces enfants insensibles…

La Critique :
Des enfants insensibles… Des gamins capables de passer leur main au dessus de la flamme d’une bougie sans morfler, voire carrément de se cramer au dernier degré. Des mioches qui ne trouvent rien de mieux à faire que de se bouffer eux-mêmes, ou de s’arracher les ongles un par un en douce, alors qu’ils sont en classe. Le postulat de départ du film de Juan Carlos Medina est plutôt original et terrifiant. Surtout si on considère qu’il en prend place à l’aube de la Guerre Civile espagnole. Une période propice à souligner la gravité d’un propos qui se refuse à tout sensationnalisme. Et c’est une bonne chose, car ici, l’humeur n’est pas à la fête.

Jouant sur deux tableaux, illustrant deux trajectoires amenées à se rencontrer lors du dernier acte, Insensibles puise son originalité dans une histoire qui aime à brouiller les pistes. D’un côté nous avons ce docteur, malade et donc affaibli, à la recherche d’une greffe de moelle osseuse qui pourrait lui sauver la vie, enquêtant sur ses origines, et de l’autre, ces enfants, victimes eux aussi d’une maladie dont ils n’ont pas vraiment conscience, emprisonnés par des autorités médicales à qui ils font peur. Deux histoires distinctes se déroulant à plusieurs dizaines d’années d’intervalle, pour un récit limpide jusqu’au bout, qui accuse en revanche plusieurs baisses de régime au niveau d’un rythme en dents de scie. Tout particulièrement quand on comprend ce qui unit ce médecin et ses enfants. Une fois que la brume se dissipe, le film se range un peu plus du côté des long-métrages à qui il fait de l’œil, L’Échine du Diable et Le Labyrinthe de Pan en tête, et s’avère victime de son ambition.
N’arrivant pas à maîtriser jusqu’au bout une ambiance de prime abord intrigante et asphyxiante puis beaucoup plus convenue, le réalisateur livre au final un film qui souffre de la comparaison avec (notamment) les deux longs-métrages de Guillermo Del Toro cités plus haut. Impossible de ne pas y penser. Tout particulièrement à L’Échine du Diable qui partage avec Insensibles un côté réaliste dont Le Labyrinthe de Pan s’éloigne, quand la fillette s’enfonce dans les entrailles de la terre, habitées par des créatures fantasmagoriques. Même si ce dernier, également situé en pleine guerre civile espagnole conserve une certaine âpreté du réel, palpable en permanence, Insensibles, lui, mise tout sur cette âpreté. Y-compris quand il saupoudre son propos d’une bonne dose d’onirisme. Un onirisme qui garde un petit côté malsain très pénétrant et très caractéristique de l’identité du produit final.

Cela dit, on a vu pire comme références et même si il est dur de se défaire de l’impression que Juan Carlos Medina n’a pas forcement bien digéré ses influences, force est d’avouer que son film s’avère efficace et joliment mis en image. Plus mineur que ses ainés, il s’appuie néanmoins, comme mentionné plus haut, sur un scénario riche et plein d’ampleur, qui ménage ses effets avec une gouaille rare. Et puis il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un premier film. Une première œuvre qui fait preuve quoi qu’il en soit d’une belle maturité et d’un désir d’illustrer de manière frontale ses thématiques. Difficile ; tout particulièrement quand il s’applique à restituer les sentiments qui unissent deux des enfants « insensibles » ; parfois dérangeant et plutôt sobre, surtout dans la partie située dans le passé, le métrage est certes inégal, mais arrive à entretenir un malaise, qui perdure après la projection. Medina appuie là où ça fait mal, en touchant du doigt des sujets pour leur part très sensibles, comme le fascisme, et arrive relativement bien à marier surnaturel et réel dans un tout en prise directe avec l’histoire. Sa mise en scène, léchée et classique (dans le bon sens), enveloppe ses destins maudits comme il se doit et au final arrive à faire oublier quelque-uns de ses défauts les plus majeurs, quitte à ne pas passionner en permanence.
Du côté des comédiens, on retiendra les performances des enfants, et tout particulièrement de ce petit garçon, mais aussi celle du revenant Derek DeLint, très bon dans le rôle d’un docteur courage investi dans une mission qui met son existence en péril. Par contre, on retiendra beaucoup moins celle d’Alex Brendemühl, le protagoniste principal de la partie « moderne », détenteur d’un jeu assez raide et un poil désincarné.

Quoi qu’il en soit, rares sont les films comme celui-là qui vont jusqu’au bout de leur propos, sans se borner à leurs erreurs. Au final, ce ne sont pas celles-ci que l’on retient, même si ce sont bel et bien elles qui laissent un petit goût d’inachevé plutôt gênant.

@ Gilles Rolland

insensibles-photo
Crédits photos : DistriB Films


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