Si l'on s'en tient à la définition du juif selon Roth, à savoir qu'un juif est quelqu'un qui passe son temps à se demander ce que c'est exactement que d'être juif, alors la judéité d'Auslander ne fera pas ... de doute.
Et il s'autorise certaines sorties relativement comiques sur sa jeunesse américaine, comparant une voiture à laquelle il manque un phare à Moshe Dayan, ou traitant ses parents obsédés par la cacherout avec une ironie de bon aloi (plus dans la lignée de pour soulager d'insatiables appétits publié il y a plusieurs années par Nathan Englander, sauf erreur de mémoire, lequel était une vraie merveille d'humour).
C'est que, fera-t-il répondre à sa femme à son interrogation de jour de panne : "on dirait que j'ai été victime de violences sexuelles" : "tu as été victime de violences théologiques. C'est bien pire".
Et voilà Auslander qui revient sur ses perpétuelles transgressions des interdits innombrables édictées par les rabbins, transgressions accompagnées d'un dialogue permanent et personnel avec Dieu sur le mode : "et là, tu fais quoi? ".
"Un soir, Dieu en a eu assez. En rentrant du lycée, j'ai découvert ma mère, dans ma chambre, assise au bord du lit. Elle était pâle, plus pâle que d'habitude, et elle avait la mine longue, plus longue que d'habitude. Elle a levé en l'air un emballage de hamburger MacDonald's".
A l'origine de ce retour sur sa jeunesse, l'annonce prochaine de sa paternité.
"Ce gosse n'a pas la moindre chance. C'est une mauvaise blague. Je le connais, ce Dieu là. Je sais comment Il procède. Il y aura une fausse couche, ou bien le bébé va mourir pendant l'accouchement, ou bien ma femme va mourir pendant l'accouchement, ou bien ils mourront tous les deux pendant l'accouchement, ou bien ils ne mourront ni l'un ni l'autre et je me croirai épargné mais en rentrant de la materniré notre voiture sera percutée par un automobiliste ivre et ma femme et mon enfant mourront ensuite aux urgences, à qulques mètres de la chambre où nous nous étions trouvés quelques minutes plus tôt, remplis de bonheur, de vie, et d'espoir. Dieu tout craché!"
Echo direct, pour Auslander, de ces soirées que la communauté juive passait dans "les synagogues de la ville à se demander en choeur de quelle manière Dieu allait les tuer : "qui vivra, mourra, disait la prière, qui atteindra son temps et qui décèdera prématurément, qui périra par l'eau et qui par le feu, qui par l'épée, qui par les bêtes sauvages, qui par la famine, qui par la soif, qui par la tempête, qui par la peste, qui par strangulation et qui par lapidation."
Les choses se corsent : c'est un fils. Alors : circoncire or not, that is the question qui va agiter Auslander. Du plus cocasse, quand il répond à un ami qui lui fait remarquer que la circoncision évitera à son fils de se demander plus tard pourquoi il n'est pas comme son père : "alors je n'allais pas pouvoir de me contenter de le circoncire, il faudrait aussi que je lui épile les couilles et que j'équipe sa queue d'un piercing", au plus classique, à savoir les interrogations sur l'origine de cette tradition.
Bref! Auslander l'écrit lui-même :" ce n'est pas le théâtre de Sabbath (ouvrage exceptionnel dont on se promet de faire une chronique en ces lieux), c'est le cinoche de Shalom".
Et en effet, là où les ouvrages de Roth (à commencer par le complexe de Portnoy) réussissent tout à la fois à marquer leur irrespect total envers la tradition, à nous faire nous tordre de rire en saccageant avec allégresse son univers familial, bref là où Roth s'affranchit pleinement de ce milieu qu'il pourfend et acquiert la force de la liberté créatrice, on sent Auslander - pour en rester dans un registre "portnoyen" - plutôt ... constipé.
Pour tout dire, le comparer à Roth relève de la publicité mensongère. Cela ne rend pas son livre désagréable pour autant, mais le remet à sa juste place.