Quatre micros sur pied, lumière rouge, une télé : le comédien Manuel Vallade est enfermé dans un dispositif étroit entre la chambre spartiate, la pièce à interrogatoire et la salle de conférence de presse, imaginé par Hubert Colas et présenté au Théâtre de Vanves. Face au public, il raconte sa vie de soldat de la Légion étrangère et son képi, blanc.
Manuel Vallade © Hervé Bellamy
Épaulettes rouges, ceinture bleue : le légionnaire n’est ni tout à fait français ni tout à fait étranger. Apatride, sa maison est la caserne. « ON » lui demande d’oublier son nom et son pays d’origine. « ON » lui demande d’obéir aux ordres. « ON » lui demande de tirer. Tout en nous racontant sa vie yeux dans les yeux, ce légionnaire anonyme, tiré à quatre épingles, est secoué de tics gestuels et langagiers, scories d’une vie dédiée à l’ordre et à la morale (ou aux faux-semblants). Manuel Vallade est impressionnant dans sa recherche effrénée de perfection, coquille vide destinée à masquer le passé, malgré une direction d’acteur un peu forcée qui peine à faire ressortir le relief du discours.
Le texte de Sonia Chiambretto mime les raideurs de celui qui le prononce. À la fois monologue intérieur et poème impersonnel, suspendu entre description et sensation, il rend compte d’une vie d’armée, des embuscades à la propreté en passant par le bordel. L’auteur a grandi à Aubagne (13), en face d’une garnison de la Légion étrangère. J’ai moi aussi grandi dans cette ville, et tous les matins en allant à l’école, aux alentours de 7h30, je voyais les légionnaires dans le stade courir, tous les matins, indéfiniment. Et le but de cette course semblait appartenir à un autre monde que le mien.