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Château du Champ des Treilles: au bonheur des vignes!

Par Eric Bernardin

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Cela faisait plusieurs années que je pensais rendre visite à Corinne et Jean-Michel Comme. J'avais lu un article enthousiaste de Jérôme Pérez sur LPV qui donnait autant envie de connaître les vins du Champ des Treilles que ses propriétaires. Et puis nous étions allés il y a deux ans à Pontet-Canet:  la personne qui nous avait fait visiter le domaine nous avait donné envie de rencontrer son régisseur, à savoir ... Jean-Michel Comme!

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Entre temps, nous avons déménagé, et atterri à une quinzaine de kilomètres de leur domaine. Ca facilitait les choses, mais pas suffisamment pour que le feu prenne. Pour cela, il fallait une étincelle. Celle-ci s'est faite à la lecture du blog qu'a démarré Corinne depuis peu. Une bonne partie des mots qu'elle écrit, j'aurais pu les signer. Il faut dire que j'ai travaillé plusieurs années sur des domaines en bio-dynamie, et fréquenté des chercheurs qui travaillent dans cette direction: ça aide pour comprendre leur démarche. Je lui ai donc envoyé un mail pour lui demander si nous pouvions nous rencontrer. Une heure plus tard, nous nous parlions au téléphone et décidions de nous rencontrer le lendemain vers 17h30.

Samedi, 17h35: nous arrivons au domaine. Il semble n'y avoir personne... Il faut faire le tour des bâtiments pour s'apercevoir qu'il y a de la vie à l'intérieur. Ouf! Je frappe. Une Corinne souriante m'ouvre la porte. Nous nous présentons. Jean-Michel arrive à son tour. Je l'ai déjà rencontré furtivement à Pontet-Canet dans le cadre d'un livre que je co-écris sur les châteaux médocains. Corinne nous propose de nous ballader dans les vignes. Nous acceptons volontiers.

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Corinne nous explique que le domaine appartenait au grand-père de Jean-Michel. Il y avait 5 hectares de vignes plantées à 5.000 pieds hectares (dont une bonne partie ont été plantées dans les années 40 et ont résisté à la gelée de 1956). Progressivement, ils sont en train de passer tout le domaine à 10.000 pieds hectares afin d'améliorer la qualité du raisin (et donc des vins). Autre (laborieuse!)opération: ils rabaissent la hauteur des pieds de vigne. Cela prend du temps, car il faut trouver un pampre bien placé pour pouvoir s'en servir comme retour puis couper l'année suivante la partie du pied située au-dessus (voir schémas ci-dessous). Le revers de la médaille est un risque de gelée plus important. C'est ce qu'ils viennent de subir le matin-même.

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Corinne et Jean-Michel ont également replanté 5 hectares supplémentaires (essentiellement petit verdot et muscadelle, toujours à 10.000 pieds/hectare) afin de donner à l'entreprise un équilibre économique plus satisfaisant. Etonné par la présence de petit verdot dans cette partie du bordelais (on le trouve en général dans le Médoc, région aux sols plus chauds), Corinne me répond qu'au contraire de ce que l'on pourrait croire, ce cépage affectionne les situations difficiles.  Il a certes un cycle végétatif plus long que les autres cépages, mais celui-ci démarre avant-même les merlots, pour finir entre le merlot et les cabernets. Les étés frais comme 2002 ou 2007 ne lui font pas peur. Bien au contraire: il a atteint ces années-là une qualité exceptionnelles (je l'ai effectivement observé avec le petit verdot 2007 de Léoville-Poyferré). 

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Tout est fait ici pour que les vignes se sentent le mieux possible. Par exemple: le rognage est exclu. Cela consiste à couper tout ce qui dépasse dans la vigne (en hauteur et sur les côtés) avec des couteaux circulaires. Le rognage fait certes des vignes propres, mais stimule la végétation du fait de la disparition du bourgeon terminal (Apex). Ca déclenche du coup l'ouverture des bourgeons axillaires, et donc des rameaux secondaires. Résultat: vous avez beaucoup plus de végétation au détriment du raisin. Vous serez alors obligé de repasser avec la rogneuse, d'effeuiller, etc... Depuis que le domaine est en bio-dynamie, le port de la vigne s'est nettement amélioré. Des rameaux peuvent dépasser le palissage de 1m50 sans plier, et même supporter des vents violents!

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Les vignes ci-dessus sont taillées en "cordons" pour limiter les rendements et mieux répartir le raisin: on évite ainsi les entassements de grappes qui pourraient générer de la pourriture. Il n'est pas rare de trouver sur ces vieilles vignes des nids d'oiseaux logés dans un creux du tronc. Et on les comprend, les zoziaux: il se passe quelque chose dans ces vignes. On s'y sent furieusement bien. Il y règne une harmonie rare, et je comprends mieux la relation d'amour qui existe entre Corinne et ses vignes.

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Elle nous avouait d'ailleurs qu'il était difficile de quitter celles-ci, car même lorsque le travail est fini, on a envie d'y rester pour ramasser toutes sorte de plantes: fleurs, poireaux sauvages, fraises des bois... Quand on la laisse s'exprimer: la nature est généreuse :o)

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Sur le chemin du retour, Corinne nous explique sa vision du travail dans le vignoble. Elle compare celui-ci à un toile d'araignée. Chaque acte accompli risque de le perturber et de casser des fils. Pour le réparer, beaucoup utilisent des filins d'acier qui ne font qu'abimer encore plus la toile. D'autres, plus raisonnés, mettent des fils de nylon, mais ce n'est pas idéal non plus. Le plus simple et le plus respectueux est de faire confiance à la nature, et de laisser l'araignée revenir réparer sa toile ;o)

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Lorsque nous rejoignons Jean-Michel aux bâtiments, il nous emmène voir quelques plantes qu'il utilise pour traiter ses vignes. Du thym-citron (ci-dessus) et du fenouil (ci-dessous). Il en fait des infusions qu'il passe ensuite dans un dynamiseur. Et c'est ce nous allons voir maintenant.

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Nous sommes dans le hangar agricole. On ne voit pas grand chose du dynamiseur car sa cuve de 700 litre est élevée. A l'intérieur de celle-ci, il y a deux grandes barres qui sont actionnées par un moteur. Lorsqu'elles tournent, elles provoquent un tourbillon jusqu'au fond de la cuve. Le moteur alors s'arrête, puis repart dans l'autre sens. Cela provoque  un chaos bouillonnant, mais très vite un vortex se recrée, qui est à nouveau anéanti, et ce 120 fois de suite. Cette succession de vortex et de chaos  permet d'augmenter l'efficacité de la préparation contenue dans le liquide.

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Nous passons ensuite au chai de vinification. Rien de spectaculaire. Cela correspond à la volonté des propriétaires d'être le moins interventionniste possible. Le seul luxe qu'ils se sont offert est une cuve en béton en forme d'oeuf fabriquée par Nomblot (également fournisseur de Pontet-Canet). Créée pour la maison Chapoutier, cette cuve permet grâce à sa forme originale une agitation permanente du vin et de ses lies, provoquant un batonnage naturel (plus d'arômes et plus de gras). Une partie du grand vin blanc y est élevé, avec un résultat apparemment intéressant.

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Nos vignerons se sont aperçus que la muscadelle ne faisait pas très bon ménage avec la barrique qui nuit à la subtilité de ses arômes. Aussi le chai d'élevage des vins blancs est de plus en plus vide... Jugez plutôt: tout est là:

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Le chai d'élevage des vins rouges est nettement plus occupé. Essentiellement des barriques d'un vin provenant de ... Pontet Canet! Notez l'impressionnant éclairage aux vraies bougies (Jean-Michel a dû les allumer pendant notre escapade dans les vignes...).

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Retour à la maison pour une dégustation des différents vins. Nous sommes prévenus qu'ils ne seront pas à la température idéale. Les bouteilles froides au départ se sont réchauffées prés du poêle ... franchement chaud. Mais bon, finalement, elles se sont toutes très bien goûtées.

Nous démarrons par les blancs. D'abord les petits champs (100% sémillon): nez sur les fleurs blanches et le silex. Bouche ronde, désaltérante, avec de la fraîcheur et une finale tonique. C'est un bon vin d'apéro, qui peut aller aussi avec du poisson grillé ou de la volaille.

Puis le grand vin (50% sauvignon, 50% muscadelle): nez plus exotique (ananas) avec un soupçon d'élevage. La bouche a plus d'ampleur et de gras, avec néanmoins de la fraîcheur. Finale de bonne persistance. Un beau vin de gastronomie qui se mariera avec des crustacés, des poissons en sauce ou un ris de veau.

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Nous passons aux rouges. D'abord les petits champs (merlot, cabernet franc, cabernet sauvignon et petit verdot à part égales): nez sur le fruit noir épanoui et les épices. On pourrait croire que ce côté épicé provient de l'élevage. En fait, c'est l'effet "petit verdot"! La bouche est elle-même mûre et épicée, mais charnue aussi, sensuelle. La finale est ferme, mais avec un plat solide (confit, cassoulet), ça doit passer tout seul!

Le grand rouge 2003 a une couleur plus sombre, un nez balsamique et fruité, souligné par des notes toastées et épicées. La bouche est plus structurée et plus riche, avec la générosité du millésime, mais beaucoup de fraîcheur. La finale est savoureuse et puissante. J'imagine bien une côte de boeuf avec ce vin :o)

Lorsque l'on passe à la cuvée Les Sens 2002 (50% petit verdot, 50% merlot), on est dans un autre monde! Le nez est magique (myrtille, benjoin, cacao, violette) et la bouche somptueuse. C'est profond, dense, vibrant. La grande classe! Le prix (50€) me paraît parfaitement justifié car il me semble dépasser beaucoup de vins plus coûteux.

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Jean-Michel regarde sa montre: 20h00! Il nous propose de rester manger, à la bonne franquette. Nous acceptons volontiers. Nous mangerons un velouté d'ortie, une daube de boeuf et des fraises, accompagnés des vins précédemment dégustés, mais aussi d'un grand vin 2005 et d'un Pontet Canet 2004. Mais surtout nous discuterons pendant plus de trois heures de bio-dynamie, de viticulture, d'astronomie, et de plein de choses encore... A un moment, nous nous sommes dit qu'il serait plus raisonnable d'arrêter, mais ce fut presque douloureux de s'arrêter, tellement nous avions encore de choses à se dire. Mais bon, promis, on se reverra ;o)


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