Waf!, figurez-vous, est une utilisation onomatopéique d'une lettre de l'alphabet fortement réticente à l'attribution aisée d'un substantif usuel. Alors la ferme.
La mienne d'animal!
(feue malheureusement)
Bref.
L'animal et l'animalité sont presque aussi omniprésents en littérature jeunesse que Rébecca Dautremer, et sous beaucoup de formes différentes. Je ne peux pas vraiment faire une analyse détaillée, mais on va faire une petite liste des usages les plus communs, plus ou moins classée en termes de 'degrés de réalité' de l'animal.
L'animal 'normal', domestique ou sauvage
C'est l'usage le plus simple: l'animal qui est vraiment un animal, mais qui participe de près ou de loin à l'aventure. Il peut avoir beaucoup d'importance ou pas. Il peut servir d'aide aux personnages humains, ou au contraire leur faire obstacle. Un exemple de littérature jeunesse où l'animal 'normal' a une importance extraordinaire, c'est bien sûr...
... Le roman équestre, autrement dit le livre qui fait un bruit de tiroir-caisse quand tu le secoues tellement il s'en vend. On pourrait en écrire des tartines sur la fascination des enfants (surtout des petites filles, il faut être honnête) pour la gent chevaline. J'en connais qui diraient que
L'animal-joujou
La confusion est à son comble dans Winnie l'Ourson, où Winnie est une peluche de Christopher Robin, mais semble vivre dans un bois avec à la fois des animaux réels et d'autres jouets. Les animaux-peluches tels que Michka, magiquement animés, sont légion en littérature jeunesse.
Certains critiques de littérature jeunesse théorisent que l'animal-jouet représente une sorte 'd'enfant de l'enfant'; comme la poupée, il permet d'accorder à l'enfant-lecteur un sentiment de domination sur le personnage, tout en lui attribuant des caractéristiques 'enfantines' qui seront reconnues et dénoncées, mais pas directement perçues comme étant exactement celles de l'enfant.
L'animal anthropomorphique
La fable ou l'allégorie
Dans la fable ou l'allégorie, les traits de caractère que l'on attribue aux animaux anthropomorphisés font partie intégrante de l'histoire; il y a généralement une 'morale', ou du moins un message, qui accompagne la présentation de ces personnages.
Ces albums présentent sous une forme allégorique ou fabulique les combats des syndicats contre des corporations, dans le microcosme d'une ferme qui en vient à symboliser le monde de l'entreprise. On perçoit à travers ce genre de récit une certaine idée de l'enfant comme capable de comprendre ce genre de sujet, mais ayant besoin de personnages animaux pour éviter de trouver ça rébarbatif.
Le côté caricatural ou parodique de l'animal peut être un problème. Click, Clack, Moo! a été notamment critiqué pour sa représentation des ouvriers en vaches et poules... Eh oui, on a beau vouloir bien faire, l'utilisation d'animaux comme personnages n'est pas vide de sens.
Le monstre
Où s'arrête l'animal et où commence le monstre? La littérature jeunesse en est pleine. Avec le monstre, on est dans un domaine plus vague, plus dangereux, plus imprévisible aussi que l'animal. Comme l'animal, le monstre condense généralement des propriétés de l'être humain, mais dans ses dimensions les plus excessives: rage, tristesse, violence, ou tout simplement drôlerie.
Claude Ponti, L'album d'Adèle
Les 'gentils monstres', ou tout simplement les pseudo-animaux-qui-n'existent-pas-vraiment type créatures de Claude Ponti, et les animaux 'modifiés' type - oserai-je en parler? - Elmer ou Pomelo, permettent une grande liberté créative aux artistes et écrivains.Dans la tête de l'animal
Beaucoup de livres pour enfants, enfin, racontent une histoire du point de vue de l'animal, donnant littéralement une voix à ces êtres silencieux qui nous entourent. La dimension allégorique ou didactique est très souvent présente, comme avec Black Beauty, d'Anna Sewell, qui à travers le récit de sa vie dénonce le traitement des chevaux dans l'Angleterre victorienne.
Où ça nous mène, ce petit catalogue? A la conclusion que l'animal, plus peut-être que n'importe quel autre motif en littérature jeunesse, est un outil narratif, idéologique, esthétique incroyablement versatile. Proche de l'enfant par son statut - objet et possession de l'adulte, filtre de valeurs, de croyances, de peurs de l'adulte - il est aussi, dans une large mesure, soumis et inférieur à l'enfant. Il est donc souvent l'occasion de rappeler à l'enfant-lecteur qu'il existe des êtres qui sont encore moins bien lotis que lui, qui sont sous sa responsabilité, qui méritent son attention et sa tendresse.
Mais ce faisant, le livre jeunesse confirme aussi que l'enfant est perçu par l'adulte comme proche de la nature, hypersensible à ses créatures, et donc... un peu animal aussi; sauvage, féroce, domestique, l'enfant dans toutes ses manifestations reste bestial. On demande à l'enfant à la fois de s'identifier à l'animal et de s'en détacher.
Encore un paradoxe de la littérature jeunesse, mais je suis sûre que vous y êtes habitués, maintenant...
Eh, on s'approche de la fin ou je délire? Plus qu'une semaine! Lundi, il s'agira de X, comme... X.