Le soleil flottait dans un ciel clair et bleu.
La mer était bleue et bleu-vert, aussi loin que portait l’oeil.
A peine une ondulation. Calme. je me suis habillé pour aller me promener -
résolu à ne pas rentrer avant d’avoir recueilli ce que la Nature avait à m’offrir.
J’ai dépassé de vieux arbres inclinés.
Traversé un champ semé de rochers où la neige s’était entassée.
Marché jusqu’à atteindre la falaise.
Où j’ai contemplé la mer, et le ciel, et les mouettes tournoyant
Au-dessus de la plage blanche loin au-dessous.
Tout était beau. Tout baignait dans une pure et froide lumière.
Mais, comme toujours, mes pensées se sont mises à errer.
Je devais me contraindre à voir ce que je voyais et rien d’autre.
Je devais me dire c’est cela qui compte, pas autre chose.
(Et je l’ai vraiment vue une ou deux minutes !)
Une ou deux minutes elle a refoulé les rêveries habituelles sur ce qui est bien,
Et ce qui est mal – le devoir, les bons souvenirs, les idées de mort
La façon de me conduire avec mon ex-femme.
Toutes ces choses dont j’espérais qu’elles disparaîtraient ce matin.
Ce avec quoi je vis chaque jour.
Ce que j’ai foulé aux pieds afin de rester en vie.
Mais une ou deux minutes
J’ai bien oublié moi-même et tout le reste.
Je le sais.
Car quand j’ai fait demi-tour je ne savais plus où j’étais.
Jusqu’à ce que des oiseaux s’échappent des arbres noueux.
Et s’envolent
Dans la direction que je devais prendre.
***
Raymond Carver (1938-1988) – Ultramarine (1986) - Traduit de l’anglais par Emmanuel Moses