Les mots convoient une charge émotionnelle qui les réduit parfois à des stéréotypes que certains manient habilement pour abuser ceux qui les écoutent. Ainsi le terme de patron apporte avec lui l’image du maître de forges, seigneur en son usine, dur avec ses employés. À l’inverse, celui d’entrepreneur dessine un homme jeune, entreprenant, risquant ses économies pour donner du travail à d’autres et ce pour le plus grand bien de la nation.
C’est peut-être pour échapper au parfum autoritaire attaché au mot patron que l’organisation patronale créée en 1946 sous l’appellation « Conseil National du Patronat Français » s’est rebaptisée en 1998 « Mouvement des Entreprises de France ». Si un Conseil est perçu comme une assemblée siégeant donc plutôt statique, le mot mouvement vient à propos pour apporter du dynamisme à l’organisation. L’origine de l’acronyme approximatif MEDEF est plus mystérieuse et sans doute due à des considérations euphoniques.
Une conséquence est qu’on a réussi à faire disparaître ce mot honni de patron. Hors, si toute entreprise a au moins un patron, tous les patrons ne sont pas des entrepreneurs au sens que veulent lui conférer nos si désintéressés pigeons. Mais les pratiques obliques n’ont pas disparu et le MEDEF semble avoir une conception très patronale de la démocratie. Madame Parisot a été élue présidente du MEDEF pour 5 ans en 2005. Elle a été triomphalement réélue pour un second mandat de 3 ans en 2010. Elle propose une modification des statuts pour pouvoir briguer un second mandat de 5 ans et il n’est pas impossible qu’elle obtienne gain de cause.
On touche là à un fondement de la démocratie dans laquelle les lois ne sont pas rétroactives. Le MEDEF peut fort bien modifier ses statuts. Mais ses membres ont confié à Madame Parisot en 2010 un mandat de 3 ans et le fait que ce mandat était statutairement le dernier est susceptible d’avoir influé sur la décision de certains. On ne comprendrait pas comment une modification du nombre de mandats successifs admissible pourrait s’appliquer à elle. Même Vladimir Poutine, qui n’est pas un parangon de démocrate, n’a pas osé le faire, utilisant le subterfuge d’un stage au poste de premier ministre pour respecter la lettre de la loi.
Ce type de comportement, s’il devait s’imposer, laisse mal augurer de la confiance qu’on peut accorder aux engagements que pourrait prendre l’organisation patronale.