Dans le droit fil des tragiques événements survenus il y a quelques semaines au large de l’île de Lanzarote , et qui sont les conséquence directes des relations totalement déséquilibrées entre le Sud et le Nord, entre pays riches ou prétendument riches et pays pauvres ou prétendument pauvres, entre surtout des relations asymétriques entre pays détenteurs de la force et pays moins puissants, j’ai eu l’occasion de m’arrêter sur les trois ouvrages que je vous présente.
Le premier traite de l’esclavage : le journaliste du Figaro Littéraire Mohammed AISSAOUI a publié en juin 2010 chez les éditions GALLIMARD un récit retraçant le résultat de ses recherches sur L’AFFAIRE DE L’ESCLAVE FURCY.
Que nous relate Mohhamed AISSAOUI dans son récit?
Tiut simplement l’histoire d’un homme libre, né d’une mère libre mais qui a eu le malheur de se trouver en situation d’esclavage chez un colon de l’ile Bourbon – actuellement île de la Réunion -, par un concours de circonstances où la mauvaise foi et la négligence ne sont pas absentes.
L’esclave FURCY, fort de son droit, engagea un procès pour retrouver sa liberté : l’ouvrage de Aissoui parcourt les VINGT-SEPT que dura le procès.
Oui, vingt-ans de procédure, de procès, de lutte d’influence, pour qu’enfin le 23 décembre 1843 le président de la Cour de Cassation de Paris prononce cette phrase : ” Sur la base de toute ces considérations,….la Cour dit que Furcy est né en état de liberté“.
Je retiens personnellement de ce récit, qui n’est pas l’œuvre d’un historien, le rôle éminent que jouèrent les deux premiers magistrats qui ont pris en main l’affaire FURCY : sans l’honnêteté et le sens de la justice du procureur Gilbert Boucher et de son jeune substitut Sully-Brunet, qui ont osé affronté la puissance et l’influence des colons, jamais Furcy n’aurait été considéré comme un homme et jamais il n’aurait retrouvé sa liberté.Le second ouvrage dont je veux vous
Le second ouvrage dont je veux vous entretenir a pour sujet central la colonisation et la pacification de l’Algérie. Ecrit par Hector FRANCE, officier dans l’armée française durant la décennie 1860, ce recueil intitulé ” SOUS LE BOURNOUS“ et comprenant 16 nouvelles dont certaines publiées d’abord dans un hebdomadaire parisien en 1882, est paru chez les éditions ANACHARSIS – collection Famagouste en 2011
Dans ces nouvelles, Hector FRANCE, dans un style cru et dur, met en scène des situations qu’il a dû vivre et des personnages qu’il a dû croiser dans sa vie mouvementée d’officier d’une armée d’occupation.
Dans la nouvelle “La poule volée“, l’auteur n’a pas hésité à montrer le caractère effroyable féroce des militaires français dans cette Aklgérie nouvellement conquise.
Ailleurs, l’auteur rapporte les propos d’un colonekl qui doit mater une révolte : “ Pendant que la cavalerie charge cette canaille, vous allez m’apporter la tête des tués! Allez, les enfants! C’est cent sous pat tête de Bédouin, un douro”. A relever cet inénarrable “allez, les enfants”, adressé à des futurs criminels de guerre.
Mais en même temps, Hector France ne peut se détacher du regard méprisant que ses compatriotes posaient sur les algériens et les algériennes de l’époque.
Pour parler des populations locales, il n’a aucun scrupule à utiliser des mots comme “sauvages”, “canaille”, vermine”.
Les femmes arabes ne sont pour les militaires franaçais que signes de débauche et de luxure, sinon de vice.
Aucun respect n’est esquissé envers le peuple algérien : un attroupepent n’inspire, sous la plume de Hector France, que cette phrase invraisemblable attribuée à un supplétif “indigène” en réponse à une question d’un officier français :
“Ce n’est rien! Quelque femme qu’on viole”.
“Sous le bournous” restera une description, peut-être révoltante mais très réaliste, de la colonisation et de ce qui fut appelé la “pacificication” de l’Algérie.
Il semblerait que le temps n’ait pas changé grand chose, depuis l’époque de l’officier Hector France à celle, cent ans plus tard, des généraux Massu, Bigeard et des irrécutibles de l’Algérie Française.
Le troisème ouvrage que voudrais vous faire découvrir nous permet d’aborder le thème de la colonisation, plutôt des conséquences de la colonisation, mais vu par un africain et à partir de la France.
Dans “NOUS, ENFANTS DE LA TRADITION“, paru chez les éditions Anne Carrière en 2008, le camerounais Gaston-Paul EFFA s’intéresse aux problèmes des africains, immigrés en France dans le but unique de subvenir aux besoins matériels de leur famille restée au pays.
Au nom d’une tradition qu’il est bien obligé d’accepter, sinon tous les malheurs du monde lui tomberaient sur le tête, le héros se trouve chargé d’une mission à laquelle il n’est ni préparé ni prédestiné :
“A douze ans, j’avais été élu aîné de ma famille“.
Cette mission consistera à subvenir aux besoin de sa famille : elle est parfaitement résumée dans cette phrase prononcée par le héros de ce roman qui porte le prénom de Osele, « l’âne », « celui qui ne doit pas vivre pour lui mais pour tous les autres ».
Ainsi verra-t-on Osele partir pour la France, réussir sa vie dans ce pays d’accueil, se marier, fonder une famille, s’intégrer, mais finalement échouer dans la réalisation de son parcours personnel, parce que la tradition est trop forte, les attentes de la famille restée au pays sont trop pressantes. La misère du groupe l’emportera sur le confort personnel du héros.
«La machine à intégrer est bien cassée» regrette Osele. «Je resterai cet homme encombré de tradition.»
Même quand il aura décidé de se libérer de cette tradition qui l’oppresse et l’opprime, “qui le vide de son sang et de sa salive“, le héros considère qu’il demeure tel “l’âne détaché sous un chêne”.
Comme pour tous les candidats à l’immigration vers les pays du nord, la prédiction de la grand-mère est terrible : “La-bas, il deviendra riche, ou mourra”.
Tel est le sort, bien plus qu’ hypothétique, de tous ces malheureux jeunes qui veulent fuir la misère de leur pays pour des horizons supposés radieux mais finalement bien sombres.
Essayez de lire ces trois livres : vous ne regretterez pas les moments que vous leur aurez accordés.