Sébastien Faure : « En Écosse, tu as tellement plus de respect qu’en France »

Publié le 21 mars 2013 par Yannc83

Formé à Lyon, Sébastien Faure (22 ans, 16 matchs et 1 but toutes compétitions confondues) a signé un contrat de trois saisons avec les Rangers FC cet été. Relégué en Scottish Division Three (D4), le géant bleu de Glasgow compte 20 points d’avance sur Queen’s Park FC et va logiquement être sacré avant la fin de saison. Pour le Français, qui a retrouvé sa place de titulaire le week-end dernier, cette aventure est un vrai bonheur. Pour foot-anglais.com, il nous fait entrer dans la peau d’un joueur des Rangers.

Après la défaite contre Annan à Ibrox (1-2), tout le pays s’est acharné sur l’équipe et le manager, Ally McCoist. Même votre propriétaire, Charles Green, y est allé de son petit mot en parlant « de la pire équipe des Rangers de l’histoire… »
Ça parle beaucoup à côté, mais c’est normal, les journalistes font leur boulot. J’ai lu…  Il peut dire ce qu’il veut, c’est le boss. Mais on a presque 20 points d’avance, on devrait passer (rires). Ce n’est que ma première saison aux Rangers, mais j’ai compris qu’on n’avait pas le droit de faire un simple nul, encore moins en quatrième division. C’est une exigence permanente de la victoire. C’est impensable pour les gens que les Rangers, ou le Celtic, ne s’imposent pas.

Les quelques péripéties que vous avez pu connaître cette saison n’ont-elles pas renforcées les liens avec Ally McCoist et son staff ?
Je pense. On vient encore de faire une petite réunion tous ensemble (ndlr, l’entretien a été réalisé mercredi dernier). On s’entend vraiment bien et j’aime beaucoup McCoist. Il est très proche de ses joueurs et j’aime ce genre de management. Je me souviens toujours de notre première rencontre. Il vient me dire au revoir en me serrant la main et il lâche un grand : « A demain mon ami ! »

On voit mal Claude Puel ou Rémi Garde te dire ça…
(Rires) Moi aussi ! McCoist, c’est quelqu’un qui a des émotions et une personnalité très joyeuse. Il est très détendu, rigole et nous encourage sans cesse. Bon, ça ne l’empêche pas de gueuler quand il n’est pas content. Par exemple, si on n’est pas devant à la mi-temps, il nous répète : « Guys, we are Rangers ! » D’un air de dire, vous vous rendez compte dans quel club vous jouez ?

Un club qui ne sait pas où il évoluera l’an prochain avec les projets de réforme du football écossais. La SFL (Scottish Football League) milite pour trois divisions en 12-12-18 où les Rangers resteraient au dernier échelon, tandis que Charles Green opte pour un système en 14-14-14 où votre équipe serait en deuxième division. Il parle aussi de jouer en Angleterre si le plan de la SFL est accepté (1). Est-ce que vous en savez plus ?
Moi, je ne comprends pas tout. J’imagine que mes coéquipiers en savent plus, mais pour être franc, c’est une situation tellement compliquée que je ne m’y intéresse pas trop. Je préfère m’occuper du terrain et être champion déjà. Mais je ne pense pas qu’on ira jouer en Angleterre, même si Charles Green a évoqué l’idée. Ça me semble impossible. Je sais que la réforme va bientôt être votée. On espère ne pas retomber avec les mêmes équipes la saison prochaine, mais qu’est-ce qu’on pourra y faire ? S’ils votent ça, on ne va pas aller hurler devant leurs portes.

Faure a été opéré d’une hernie inguinale en cours de saison. Remplaçant à son retour, il a été titularisé à Elgin samedi dernier. Défenseur central de formation, il est surtout utilisé arrière droit ou milieu central avec les Light Blues

Il y a eu une incroyable effervescence pour les Rangers cet été, puisque même le New York Times a dépêché des journalistes. Est-ce que cet intérêt « mondial » perdure encore ?
Il est retombé à l’étranger, mais c’est logique. Ce n’est pas tous les jours qu’un club comme les Rangers tombent en quatrième division. Mais ici, l’intérêt est énorme. Tous les jours, tous les jours ça parle des Rangers, du Celtic, des Rangers. C’est même hallucinant.

C’est une religion ?
Clairement. C’est une institution en Ecosse. Les équipes adverses, elles font à chaque fois le match de leur vie contre nous. Pour beaucoup, c’est le rêve de leur vie de venir à Ibrox, d’aller dans les vestiaires, demander des maillots ou des photos à la fin du match. C’est comme si Paris ou Lyon descendaient au même niveau en France. Et encore, même pas. C’est pire ici, car les Rangers… C’est inimaginable. Prends Annan. Ils n’étaient même pas dans le football pro il y a cinq ans et ils gagnent à Ibrox la semaine passée ! Ici, personne n’y croit, surtout eux (rires).

« Ici, tu peux avoir les jardiniers ou le chauffeur de bus qui viennent manger avec toi, ce qui est impensable à Lyon, où les joueurs et le staff étaient coupés des autres employés du club »

Tu as pu désormais voir toutes les équipes de cette Scottish Division Three (D4). Est-ce que tu as connu un vrai traquenard ?
Le truc, c’est que le football et la vie en Ecosse ne sont pas du tout pareils qu’en France. Quand j’allais en CFA, on était quinze joueurs et deux ou trois dirigeants. Ici, c’est tout le club qui se déplace (rires). Ce n’est pas pareil. En Ecosse, tu as tellement plus de respect qu’en France. Il n’y a pas de traquenard. Avec Lyon, je suis parti jouer trois fois à Toulon. Au final, ça a fini les trois fois en bagarre générale. Ça n’a rien à voir. Même les terrains, j’ai été agréablement surpris. Ce n’est pas Ibrox, mais tu peux jouer au foot. Alors que sur des terrains de CFA en hiver… Tu ne pouvais pas faire une passe sans que le ballon rebondisse car le terrain était trop dur ou trop gras.

Imaginons un match classique de championnat à Ibrox, le samedi à 15h. Peux-tu nous détailler la préparation complète de l’avant-match ?
On a rendez-vous à 11h30 dans le vestiaire. On peut prendre le petit-déjeuner chez nous. Perso, ça dépend à l’heure où je me lève, mais je ne déjeune pas en théorie, je bois juste un jus d’orange. À 11h45, le manager et son adjoint viennent dans le vestiaire. Ils nous parlent un peu du match et nous donnent l’équipe. Les titulaires vont sur le terrain et font des coups de pied arrêtés en mode fictif. Ceux qui sont sur le banc commencent à monter dans Ibrox dans un espace réservé pour nous, où on va manger tous ensemble. D’ailleurs, ici, tu peux avoir les jardiniers ou le chauffeur de bus qui viennent manger avec toi, ce qui est impensable à Lyon, où les joueurs et le staff étaient coupés des autres employés du club. On a du poulet, saumon, pâtes, riz et leurs œufs brouillés avec leurs cocos (beans). On peut aussi manger des salades, des tartines grillées. Tout ce qu’on veut, on l’a ! De toute façon, avec les suites et les loges, Ibrox, c’est une vraie grande cuisine (rires).
Ensuite, à 13h on va en salle vidéo pendant une dizaine de minutes puis on se change. À 14h05, on va dans une petite salle de muscu juste à côté de notre vestiaire afin de s’étirer et faire deux, trois petits trucs. On sort toujours à 14h15 afin de s’échauffer 35 minutes. À ce moment, le stade est vide, ça fait bizarre. Puis on rentre à 14h50.On n’entend pas trop l’ambiance dans les vestiaires car ils sont loin du stade et de la foule. Nous, on laisse la musique. Juste avant de sortir des vestiaires, le manager fait un speech d’une quinzaine de secondes pour nous motiver. Et quand on rentre sur le terrain, sur l’ère de « Simply the best », ça commence à monter, c’est vraiment sympa. Quand le stade est rempli, c’est vraiment hallucinant. Surtout qu’ils arrivent tous au dernier moment (rires).

(1) : Si certains médias explorent la possibilité pour les Rangers d’intégrer le football anglais, ce déménagement semble improbable. Il ne faut pas prendre exemple sur les clubs gallois (Swansea, Cardiff, Wrexham…) évoluant en Angleterre car le championnat gallois est amateur/semi-professionnel. Or, l’Ecosse dispose de deux divisions professionnelles, ce qui n’est absolument pas comparable. Et n’oublions pas les questions politiques que soulèveraient une telle décision.