A Laetitia et Sandrine qui n’ont pas pu venir
A Stéphane
qui aurait fait de sublimes photos
Au Rizome Corp qui angoissait autant que moi
C’est le genre de concert que le fan ne veut pas manquer mais qu’il appréhende avec une angoisse sérieuse. Killing Joke fait partie de mes monstres sacrés. Et, pourtant, je craignais le pire, comme cette performance atroce de Sisters Of Mercy, il y a quelques années dans la même salle du Bataclan. Son horrible, prestation atone, des titres enchaînés comme des pièces sur le tapis roulant à l’usine. Est-ce que Killing Joke allait laver cet affront musical ?
Exit les deux premières parties, venons-en directement au fait. Le gang britannique se présente avec Youth, Geordie et Jaz Coleman, looks sobres de papys du rock à l’exception d’une chemise que Magnum n’aurait pas reniée pour Youth. Ted Parsons à la batterie et Reza Udhin aux claviers restent dans l’ombre des trois fondateurs d’un des combos les plus emblématiques du post punk et pas que. Dans la galaxie du métal industriel, Killing Joke demeure une référence absolue et nombre des membres successifs du groupe sont allés alimenter la légende qui chez Pigface et Prong (Paul Raven), qui chez Ministry (Martin Atkins). Le quintet n’a – pour moi – pas droit à l’erreur.
La basse vrombissante – maniée de maîtresse main par Youth -, soutenue par la batterie plombée de Ted, donne le ton. Ce sera gros son, ambiance lourde et éclairs d’une six-cordes rythmique toute de saturation. Le tout soutenu par des nappes de claviers plus orientées bruitiste que guimauve. Mon cœur s’emballe ! On y est : back in the days ! La synthèse parfaite des diverses facettes d’un groupe multiforme.
Jaz, s’il s’est considérablement assagi, occupe avec brio toute la scène, roulant des muscles ; alternant mimiques agressives ou moqueuses ; sa voix oscillant avec subtilité entre quasi slam guttural et envolées quasi lyriques. Dur de se rappeler que cette baraque qui harangue un public retourné de bonheur compose pour des ensembles symphoniques. Le punk qui est en lui n’a nul besoin d’être réveillé. Sur un Wardance presque sautillant, il insuffle la gravité et la rage inhérente au titre.
Puis vient le moment que l’éternel ado que je suis attend avec la boule au ventre depuis que j’ai pris ma place. L’intro reconnaissable entre mille, tant j’ai écouté ce titre en boucle depuis que Les Enfants du rock me l’ont craché à la figure un samedi soir, il y a des éternités. La foule reprend en chœur ; hurle ; les corps se bousculent ; le clavier se déchaîne. C’est une transe comme un orgasme à 500. Love Like Blood me percute comme hier, comme il y a un million d’années.
Peu de pause, le groupe enchaîne, porté par cette basse insondable et syncopée qui défonce tout sur son passage, aidée comme de juste par une batterie tellurique comme jamais. Le pogo sur Eighties est velu. Là encore, la meute rugit à l’unisson d’un Jaz Coleman au charisme hypnotique. Les basses tordent les tripes, la guitare furieuse et les claviers s’attachent à porter le plomb de la rythmique au point de fusion. Paie tes tueries, Killing Joke ! Pandemonium remplit la salle comme une attaque de stukas. Musique de guerre !
Les cerveaux sont passés en mode « avion », chacun – cet organisme unique qu’est devenu le Bataclan - se laisse envahir par ce son inimitable qui porte le sceau d’un groupe hors des normes. Ados comme quinquagénaires communient alors que les hits se succèdent pour achever la transmutation du plomb en or. L’élément clé de l’alchimie, au fond, reste bien le public, que sait si bien manier le groupe.
La pause avant le rappel ne dure que le temps de reprendre son souffle et Follow The Leaders explose dans nos crânes qui n’en demandaient pas tant. Ça tire à balles réelles à la fin. Une heure trente d’un set compact, sans aucune fausse note. Killing Joke a lavé tous les affronts. Killing Joke m’a lavé d’une journée définitivement merdique. Ce matin encore, j’arbore fièrement les stigmates de ce concert énorme.
Le site officiel de Killing Joke est ici.
——————————
Bonus vidéo : Killing Joke live @ Bataclan 20 mars 2013
Bonus extraball : Killing Joke « Eighties » live @ Bataclan, Paris, 2013 march 20th