Amis écologistes, si vous voulez bien commencer la semaine, voilà un petit article qui devrait vous mettre en rogne pour longtemps. Amis non écologistes, voilà une occasion pour vous de comprendre pourquoi l’écologie politique n’est pas morte avec le Grenelle, ainsi que certains aiment le clamer… Il s’agit donc ici d’un billet pour s’offusquer face aux politiques menées par des “guignols” qui, une fois les élections passées et le “soufflet grenellesque” retombé, prennent les pires décisions imaginables en 2008.
La raison de cette grogne du lundi? Cet article d’Hervé Kempf paru samedi dernier. On y saisit, dès les deux premiers paragraphes, le caractère invraisemblable de l’affaire qui y est dénoncée:
“Le terrain est dévasté. De la forêt, ne restent que des souches et des débris de branches. C’est une tranchée de plusieurs dizaines de mètres de large, sur plusieurs kilomètres. Elle longe une rivière et sa forêt humide, composée de carex, d’aulnes glutineux, de chênes pédonculés, un endroit idéal pour la loutre, le vison, la cistude. Sur un arbre, un pic épeiche semble observer l’espace vide et silencieux.
On n’est pas là dans un lointain pays tropical étranglé par les impératifs du développement, les maux de la mauvaise gouvernance et de la corruption. Mais à Escaudes, dans les Landes, en France, un pays qui s’est engagé à interrompre en 2010 l’érosion de la biodiversité sur son sol et à diminuer drastiquement les émissions de gaz à effet de serre.”
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Le problème? Le plus grand chantier autoroutier de France, plus de 630 hectares défrichés pour l’A65, 150 km de Pau à Langon, en Gironde (chez nous donc!!!).
Naturellement, pour faire simple, les élus sont tous favorables, ou presque. Les opposants dénoncent un “projet destructeur et inutile”.
En fait, Alain Rousset, président du Conseil Régional d’Aquitaine, ex-candidat aux municipales de Bordeaux face à Alain Juppé, n’a pas apprécié du tout la décision défavorable à la demande d’autorisation de “destruction d’espèces protégées” prononcée par Conseil national de protection de la nature parue le 19 mars dernier. Alain Rousset avait donc formulé, avec d’autres, une telle autorisation. Non non les amis, vous ne rêvez pas, il avait formulé une demande d’autorisation de “destruction d’espèces protégées”!!! Et quand on sait que Juppé s’est engagé pendant la campagne des municipales à ne plus soutenir le projet de grand contournement de Bordeaux, on a de quoi s’inquiéter sur l’état de sa veste!!!
Pour le conseil de protection de la nature, les mesures de protection du vison d’Europe, un mammifère en grand danger d’extinction en France, sont très insuffisantes. Et la société concessionnaire, A’lienor, filiale d’Eiffage et de la Sanef, doit arrêter les travaux.
Pas content, Alain Rousset a néanmoins “adressé début avril au ministre de l’écologie, Jean-Louis Borloo, une lettre cosignée par Alain Juppé, François Bayrou, Henri Emmanuelli : les élus de la région demandent que le chantier ne prenne pas de retard“. Le Conseil d’Etat doit examiner, aujourd’hui lundi 14 avril, “le recours formé par dix associations régionales contre le décret d’utilité publique du projet, pris en décembre 2006.”
Rappelons aussi avec Hervé Kempf “qu’après le Grenelle de l’environnement le ministre responsable de l’écologie et des équipements, Jean-Louis Borloo, avait affirmé : “C’est fini, on n’augmentera plus les capacités routières.” La déclaration d’utilité publique (!!) de l’A65 a certes été signée avant le Grenelle. Mais le dossier n’en cristallise pas moins l’opposition aux nombreux projets disséminés aux quatre coins de la France.”
Le projet prévoit “d’éborgner” le site des Neufs Fontaines, “un immense étang paisible, entouré de bois et de mille plantes, où naturalistes, pêcheurs et familles en vacances viennent comme à une oasis”. Le maire de la commune concernée, Jean-Yves Paronnaud, a raison d’être en colère et de dénoncer la contradiction!!
Mais le must du must, c’est la conception que certains ont du réchauffement climatique: Jean-Jacques Lasserre par exemple, le président du conseil général (MoDem) des Pyrénées-Atlantiques pour qui “c’est une question très préoccupante. Mais on est obligé de construire de la communication, parce que c’est la loi de la vie”… Il est “sûr que les scientifiques vont trouver les solutions techniques au changement climatique”. Ce qui compte, c’est la cohésion de la région avec le rapprochement des deux villes, Bordeaux et Pau. Ne serait-il pas “totalement préhistorique” lui, dans sa conception des choses???
Bref, n’hésitez pas à lire la suite de l’article pour y découvrir l’analyse habile de la manipulation des chiffres effectuée pour justifier le projet (A’lienor ayant tablé sur une hausse du trafic de 90 % d’ici 2020!!), et la manière dont l’appel d’offre a pu être conduit et conclu… La hausse du prix du pétrole n’y est même pas prise en compte!
Il ne s’agit pas d’un conflit classique entre l’environnement et l’économie, mais bien d’un problème économique suscité par un nouveau arrangement sur la gestion des autoroutes… sans parler des intérêts économiques des élus qui poussent le projet, complètement hermétiques aux enjeux environnementaux!!!
Bizarrement, j’ai moi aussi envie de dénoncer, à la suite de Nathalie Kosciusko Morizet, un “concours de lâcheté et d’inélégance”, une armée de guignols qui fait croire que le Grenelle en France est exemplaire alors qu’il ne s’agit, pardonnez moi l’expression, que d’un gros flamby mal démoulé et très mal digéré sur certains points! La preuve: au moment où des décisions cruciales doivent être prise, la gauche, la droite et le modem sont dans le même camp!!! Honte à vous donc, Messieurs Juppé, Rousset, Bayrou (et Borloo?)! Vraiment, honte à vous!
Photo: CHRISTOPHE GOUSSARD POUR “LE MONDE” - L’A65 passerait près de ce lac. Le Conseil national de protection de la nature a demandé la suspension des travaux, au grand dam des élus régionaux. Le Conseil d’Etat doit se prononcer lundi 14 avril.