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"Permission" : la fiction libératrice

Publié le 01 juin 2007 par Titus @TitusFR
Remarquée par l'écrivain américain Paul Auster dès la publication de son premier ouvrage "Voix sans issue", en 2005, la Lyonnaise Céline Curiol récidive de belle façon avec "Permission", son second roman également publié chez Actes Sud, qui nous projette dans un univers déshumanisé d'où la fiction a été bannie...
medium_permission_big_.jpgOn songe d'emblée à un roman d'anticipation, dont l'action se déroulerait en des temps pas si lointains. Le héros, ou plutôt le antihéros est, depuis peu, l'employé d'une institution internationale dont la mission semble assez proche de celle de l'Onu. Céline Curiol, New-Yorkaise d'adoption qui a travaillé à l'Onu, s'est, dit-elle, inspirée du bâtiment des Nations Unies. Du bâtiment seulement, car pour le reste, ce livre est naturellement une pure fiction.
La fiction proscrite
Une immense tour de verre au coeur d'une cité tentaculaire. Une tour d'où l'on ne sort pas ! "L'Institution est aménagée de façon à ce que les employés qui occupent les mêmes fonctions soient regroupés par étages et que leurs quartiers de résidence soient localisés le plus près possible de leur lieu de travail". Ambiance déshumanisée, délétère même, où une rivalité extrême est de mise entre employés. Les "résumains", catégorie professionnelle à laquelle appartient le narrateur, sont chargés de synthétiser les interventions des délégués, des résumés qui, une fois corrigés et expurgés de la moindre aspérité, sont communiqués aux médias du monde entier. Dans ce huis clos étouffant, peu de dérivatifs. Même la fiction a été bannie de ce monde de l'hyper-réalité. Les chaînes de télévision ne diffusent en boucle que les informations censées éclairer les employés de l'institution sur le contexte géopolitique mondial.
La renaissance du désir
Soumis à une discipline aliénante, le personnage central, plutôt "bon soldat", intimement convaincu du bien fondé de sa mission et du fonctionnement de l'Institution, ne se pose aucune question. Même lorsqu'il n'arrive pas à obtenir une permission pour se rendre au chevet de son père mourant ! Il acquiesce, sans faire d'histoire...
Dès l'arrivée d'un nouveau collègue, A., le doute finira tout de même par germer... Lorsque ce dernier l'expose à la fiction littéraire, un genre proscrit, son monde tombe peu à peu en lambeaux. Une passion inextinguible s'empare du résumain, qui remet tout en question, en vient à s'interroger sur cet environnement polissé qui l'entoure. Intrigué par les lieux qui sont interdits aux hommes de sa condition, il va jusqu'à s'aventurer, la nuit, dans les espaces protégés de l'Institution, tombant nez à nez avec les mystérieux hommes bleus et manquant in extremis de se faire repérer. L'esprit de rébellion souffle...
medium_curiol.jpgHommage aux récits d'anticipation
Les amateurs de science fiction retrouveront peut-être ici en filigrane certains des ingrédients qui ont fait le succès et l'ambiance si particulière de "Bienvenue à Gattaca", pépite d'Andrew Niccol où brillent Ethan Hawke et Uma Thurman. On pense aussi à "1984" d'Orwell, ou au "Voyage d'Anna Blume" d'Auster. Dans un récent passage à Brest, où elle présentait son livre, Céline Curiol (ci-dessus) soulignait que "Permission" se voulait d'ailleurs un "hommage aux récits d'anticipation" qui l'ont marquée. Nul besoin toutefois, selon elle, de se projeter dans le futur, puisque "ce type de lieu impersonnel existe déjà aujourd'hui !", affirmait-elle au Télégramme.


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