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Studio Visit | Paul Toupet

Publié le 21 mars 2013 par Roughdreams @popsurrealisme

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Notre chemin croise et recroise celui de l’étonnant Paul Toupet depuis de nombreuses années. En galerie, en soirée, au musée. Au fil du temps et des amitiés qui se sont nouées, nous avons appris à mieux connaître l’univers, finalement peu tortueux, de ce sculpteur basé à Paris. On pourrait le penser sombre, funeste, hanté, cherchant à exprimer la noirceur de l’expérience humaine. On serait pourtant loin de la réalité. C’est donc un Paul Toupet comme à son habitude accueillant et enjoué que nous avons retrouvé dans son atelier de la rue de Clignancourt, affairé à fignoler les premières sculptures de son tout nouveau cycle…

FG : Parle-nous un peu de tes premiers pas dans l’art et de ton cheminement en tant qu’artiste ?

Paul Toupet : Enfant, je me souviens que j’étais déjà très créatif. J’ai su très tôt que je voulais être artiste. J’imitais les sculptures que je voyais chez mes parents, qui sont amateurs d’art africain. Je reproduisais par exemple les têtes des Cyclades ou je sculptais des masques d’hippopotame inspirés de l’art africain. Je dessinais aussi et pensais devenir soit peintre, soit archéologue, comme mon oncle. J’adorais les fouilles, tout cela se rejoint finalement.

À partir de la seconde, je me suis orienté vers un parcours artistique. J’avais 10h de cours d’arts plastiques par semaine au lycée et une fois le bac en poche, je me suis inscrit en prépa à l’école Penninghen. Cette année de cours a été très dure et intense mais j’y ai appris toutes les bases du dessin, les proportions, comment harmoniser les couleurs, etc. Sur le moment, on se dit que ça ne sert à rien mais aujourd’hui je me rends compte que ça m’a permis d’avoir un œil. Parfois quand je regarde des boulots amateurs, je remarque les faussetés et je pense que c’est indispensable en fait d’avoir des bases solides avant de créer.

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A quel moment as-tu envisagé la sculpture de manière sérieuse ?

J’ai eu un déclic à l’âge de 16 ans en visitant l’atelier du sculpteur Georges Jeanclos, grâce à mes parents. Il faisait des statues de moines bouddhistes en terre et quand je les ai vues, je suis resté sur le cul, pour ainsi dire. Une fois rentré chez moi, j’ai pris des Barbies, je les ai rasées et j’ai essayé de reproduire ses sculptures. Parfois c’est en imitant les autres qu’on trouve son propre univers.

À la campagne peu après, j’ai acheté un stock de poupées avec un ami et on a passé l’été à les repeindre, les triturer. À la base de mon travail, il y a toujours eu la poupée. Mais rapidement, j’ai dû mettre au point mon propre système pour produire des œuvres de plus grande taille et en plus grande quantité.

Quelles sont tes plus grandes sources d’inspiration ?

De manière assez évidente, il y a l’art africain, et peut-être plus spécifiquement un masque du Mali très simple, qui représente un singe et qui appartient à mes parents. Mes masques de lapin sont un peu basés là-dessus.

Souvent je me balade, je vais voir des expos et quand j’en reviens je cherche ce qui m’a le plus plu sans chercher à analyser pourquoi.  Il y a des choses qui me restent des jours et des jours dans la tête. Le motif des nattes qui sortent de la bouche, par exemple, j’avais vu ça sur un crâne péruvien dans une expo intitulée  « La mort n’en saura rien » au Musée des arts d’Afrique et d’Océanie. Tout l’art primitif m’intéresse.

Sinon, pour revenir à mon enfance encore une fois, je me souviens que la momie de Rascar Capac dans Tintin et les 7 boules de Cristal m’a énormément marqué. Je me suis dit : « Un jour je voudrais avoir une momie ! », c’était mon rêve ! Et finalement, vu que je ne peux pas en avoir, je les fais moi-même (rires).

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La figure du lapin est celle qui revient le plus dans ton travail. Qu’est-ce qu’elle symbolise ?

Le lapin est mon totem depuis tout petit. Mon doudou était un lapin. C’est sa représentation que j’aime, plutôt que l’animal en tant que tel. Je ne mange pas de viande mais au-delà de ça, le lapin est le seul animal domestique que l’on mange encore et je suis plutôt contre.

Cet animal totem se retrouve sur ta peau, tatoué, mais aussi sous la forme de masques dont tu affubles tes sculptures et dont tu pares les amis qui t’accompagnent dans tes happenings. En quoi les performances « lapin » consistent-elles ?

J’ai fait le premier masque de lapin taille humaine pour une pièce de théâtre de France de Griessen, avec qui j’ai joué au sein du groupe Cut. Je m’occupais de l’identité visuelle du groupe et on jouait avec les masques de lapin. Comme nos amis venaient nous voir, j’ai pensé que ça serait sympa qu’ils soient masqués aussi donc j’ai fabriqué tout un tas de masques comme ça et les performances sont venues de là.

J’ai continué à faire venir ce groupe d’amis masqués lors de mes vernissages, pour déambuler dans l’exposition. Puis on a décliné le concept, on intervenait dans des concerts, dans des soirées où je mixais, dans des spectacles de la compagnie Vatra, etc. Les performances sont un moment d’éclate pure. C’est le pendant léger et disco de mon travail, en quelque sorte.

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Décris-nous un peu ton processus créatif, ton « système » comme tu l’appelles :

Sans révéler toutes les ficelles, il s’agit d’un système de moulage principalement. Certaines parties du corps sont en résine et les autres sont en papier mâché. Je me retrouve avec des sculptures de la taille d’un enfant que je découpe en plusieurs morceaux pour séparer les différentes parties. Je reforme ensuite un corps, suivant la posture que je veux lui donner. Je complète les morceaux manquants avec de la mousse expansible et du papier mâché puis je consolide le tout avec de la résine. Après, je commence à enduire la statue de tout un tas de matières comme la terre, la cendre, la cire. Depuis peu, je fais évoluer ce système. J’ai envie d’essayer sans cire, j’ai commencé un cycle avec des sculptures blanches.

Comment expliques-tu cette nouvelle évolution, ce passage au blanc ?

L’envie est venue suite au travail sur l’expo HEY!. J’ai bossé un an sur l’installation que j’expose en ce moment à la Halle Saint-Pierre. J’ai commencé toutes les pièces en même temps, pour être sûr de les finir au même moment. C’est la première fois que je faisais tant de sculptures d’un coup donc ça a été intensif. J’ai fait 13 anges, par exemple, ce qui signifie 13 paires d’ailes et des mois à coller des plumes. Au bout d’un moment, j’ai eu envie d’autre chose, ne plus coller de plumes, ne plus faire d’anges…

En même temps c’était un mal pour un bien car ton installation est superbe et impressionnante ! Tu pourrais nous la décrire ?

Anne et Julien m’ont proposé en janvier 2012 de participer à l’exposition HEY! part 2. Ils m’ont demandé de faire quelque chose que je n’avais fait et de préférence en hauteur, car ils voulaient me laisser la verrière au premier étage. J’ai tout de suite eu envie faire un gisant, car j’avais ça en tête depuis un moment.

Après avoir fait la crèche, ma première installation d’envergure, je me suis dit que je devais faire une autre œuvre monumentale pour qu’il reste vraiment quelque chose de mon travail le jour où je mourrai. C’est important pour moi d’avoir une pièce maîtresse et je me suis dit que c’était le bon moment pour la faire, car j’avais le temps et l’énergie nécessaire. Je pense depuis toujours à faire un temple ou un tombeau. Autant faire son propre tombeau au lieu de laisser les autres le faire à ma place ! Je n’ai pas envie d’être enterré n’importe où au milieu de cons, je veux que mes cendres soient chez moi à la campagne auprès de ma famille, donc pourquoi pas construire notre propre mausolée ? Autant faire un truc classe !

Le gisant me représente, c’est un moulage de mon propre corps. Il repose sur une structure faite avec des poutres récupérées dans ma maison de campagne, tout comme les tomettes du sol. J’ai un peu voulu reconstituer cette maison, en fait. L’urne au milieu a été fabriquée par un potier du Berry que j’aime beaucoup. Le reste de l’installation est constitué de 8 personnages qui regardent le gisant et de 13 anges, qui volent au dessus. Ces anges vont de la taille enfant à la taille adulte.

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Tes oeuvres sont-elles toujours aussi personnelles ?

Oui, assez. Pour revenir aux matériaux que j’utilise, la terre, la cendre, tout ce qui pour moi est à la base de la vie, ce sont des choses que je rapporte de ma maison de campagne, par exemple. Je suis parisien mais la maison du Berry est l’endroit où je me sens le mieux, j’y passe 3 mois tous les étés, c’est la maison du bonheur. Donc j’aime bien rapporter la terre de là-bas et les cendres des feux de cheminée.

L’installation avec le gisant représente aussi un peu la mort de mon personnage lapin. J’ai affublé ce double du masque et de la tenue que je porte lors des performances. Ce masque, je le porte depuis plus de 10 ans, c’est une pièce très importante à mes yeux et je l’ai sacrifiée pour ce gisant, pour tourner la page. J’arrête donc pour l’instant les performances mais c’est un cycle qui reprendra peut-être.

Les gens sont souvent mal à l’aise devant ton travail, qui leur évoque la mort ou une certaine spiritualité sombre. Comment l’expliques-tu ?

Les gens voient un côté glauque parce que mes sculptures d’enfants sont bandées et enduites de cire. Pourtant ces enfants sont pleins de vie, ils sont tout le temps en mouvement, ils jouent, ils dansent, ils protègent leur petite peluche. Je n’ai pas envie de montrer des enfants battus, il n’y a jamais de violence physique. Finalement, je crois que les représentations d’enfants sont assez peu courantes, et donc interpellent.

La vitrine de mon atelier donne sur la rue donc j’entends à longueur de journée des cris de dégoût ou vois des gens courir pour ne pas avoir à passer devant.  La dimension religieuse est importante aussi. Les œuvres religieuses me touchent énormément. J’ai constitué ma propre crèche, que j’essaye d’exposer chaque année à noël augmentée de nouveaux personnages. Actuellement il y a déjà Jésus, Marie, Joseph, l’âne, le bœuf, un berger avec deux moutons et deux anges. Je pense encore agrandir l’ensemble mais ça dépendra du calendrier, de si j’ai un lieu où l’exposer ou non. J’aimerais bien trouver un beau lieu pour l’année prochaine, c’est dans ce cadre-là que l’œuvre prend tout son sens.

Propos recueillis par Fanny Giniès

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Photos Fanny G. & Javel © Roughdreams.fr  / Courtesy de l’artiste

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« Le Terrier » de Paul Toupet se visite sur rendez-vous.
Expo-vente permanente.

82 rue de Clignancourt
75018 Paris
Tél. : 01 42 62 62 29

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http://www.paultoupet.fr/

Retrouvez quelques photos du travail de Paul Toupet dans notre reportage sur l’exposition HEY! Modern Art & Pop Culture, part 2 


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