Les Vaches folk, c'est avant tout une ambiance... Celle de Cast, petit village perché sur les plateaux de l'arrière-pays châteaulinois où, une ou deux fois dans l'année, la populace se réunit à la salle polyvalente autour d'un songwriter. Pour le moment, le secret est encore (relativement) bien gardé... Mais il n'est pas dit que cela soit très longtemps le cas... Après la performance de Rachelle van Zanten, l'automne dernier, et celle du Canadien Shannon Lyon, hier soir, on se dit qu'inéluctablement, l'événement finira par drainer les foules. Et on arriverait peut-être à le regretter car c'est cet aspect intimiste qui fait tout son charme !
L'estampille Vaches folk, c'est sans conteste l'accueil et la simplicité. De ceux qui vous font très vite vous sentir chez vous. A peine rentré dans la petite salle polyvalente de la bourgade, Roger Mauguen, l'un des fondateurs des Vaches folk, vient nous saluer. Sous un extérieur bonhomme, on le sent fébrile, le Roger. "Ce soir, je crois que ça va être super !", lance-t-il. Sur la petite scène, trois lascars de Briec, plutôt fins guitaristes, les Blueberry's, ont commencé à égrainer sagement leur répertoire style old blues. Belle entrée en matière. Nous croisons Eric Bert, autre pilier de l'organisation. Lui aussi ne tient plus en place : "Pendant les balances, Shannon a fait un essai sur sa guitare électrique... C'était magnifique ! J'ai hâte..."
Accoudé au comptoir
Le Canadien se tient à deux mètres de là, vêtu de son habituelle veste à rayures et de sa chemise sombre largement déboutonnée. Pas de Stetson sur la tête, mais une bouteille de bière à la main (à la canadienne, quoi !), il s'appuie contre un comptoir où sont mis en vente la plupart des albums de sa (déjà) longue discographie, des tee-shirts à son effigie, et les sympathiques affiches des Vaches folk qui représentent une guitare tachetée (fourrure de vache bretonne, bien sûr) posée au milieu d'un champ.
On s'approche de l'artiste... Titus, bolo autour du cou, lui rappelle l'interview réalisée il y a quelques semaines. L'artiste se détend, nous raconte son voyage en voiture de location depuis l'Allemagne de l'Est où il était l'avant-veille. "J'ai roulé jusqu'en Hollande, où j'ai passé la nuit chez des amis, avant de reprendre la route jusqu'à Cast. C'est vraiment le bout du monde ici ! A un moment donné, j'étais tellement paumé avec la signalisation, que je me suis rendu compte que je faisais mauvaise route depuis plus d'une heure; il a fallu rebrousser chemin..."
Shannon semble jauger la salle, impassible. Sort un petit appareil numérique et prend quelques clichés des Blueberry's. Il apprécie visiblement la première partie, me dit qu'il aurait aimé les entendre chanter un peu plus en français. "C'est une si belle langue, en comparaison avec l'allemand; je me produis souvent en Allemagne mais je m'habitue difficilement aux chansons en allemand !", chahute-t-il.
Voix grave et chaude
L'instant d'après, c'est au tour de Shannon Lyon d'entrer en scène. D'emblée, sa voix grave et chaude - un timbre si singulier ! - emplit la salle, semble enrober d'un souffle tout ce qu'elle contient, nous y compris. Nous sommes tous captifs, pendus aux lèvres du chansonnier qui livre, une à une, les perles de son dernier album, "Safe inside", mais aussi, d'autres plus anciennes, comme la superbe "Naïve", extraite de son album "Wandered", celui qui l'a révélé au grand public au Canada en 2003.
Shannon change de guitare toutes les deux chansons. On le sent rodé à ce type de soirée, habile dans sa façon de plaisanter avec le public. Il taquine l'ingénieur du son-et-lumière qui abuse un peu trop à son goût de la machine à fumée. "J'peux pas chanter avec cette fumée, Géronimo, s'il te plaît arrête les nuages de fumée". Un peu plus tard, il rend un hommage à Roger Mauguen, qui l'héberge sur sa ferme : "Merci pour le bon pâté maison, le camembert, mmmh ! Et le bordeaux ! Merci aussi d'avoir fait ma petite lessive... Merci enfin de votre accueil qui me va droit au coeur car, comme vous le savez, c'est mon premier concert en France", lance-t-il à l'endroit de l'équipe des Vaches folk...
Les Castois battent le rappel
Au fur et à mesure, la voix se fait plus éraillée, à mi chemin entre celles de Tom Cochrane et Eddie Vedder. C'est déjà l'heure de la dernière chanson. La soirée est passée trop vite, bien trop vite... Mais les Castois ne sont pas prêts à le laisser s'éclipser. Ils battent le rappel frénétiquement, et le Canadien ne se fait pas prier. Quatre chansons en rappel, pas moins, avant d'aller signer moult autographes sur la place du village, pratiquement au pied du clocher qui vient de sonner les douze coups, et en s'éclairant du plafonnier de sa bagnole de location allemande... Shannon, quand est-ce que tu reviens ? Il nous tarde déjà... Tu ne seras jamais un outcast à Cast, cow-boy !