Chacun de nous peut apporter certains changements à son mode de vie en adoptant, par exemple, le transport en commun ou le vélo, le covoiturage plutôt que la voiture en solo, le chauffage de la maison à l’électricité plutôt qu’au mazout, etc. (
plusieurs articles portent sur le sujet sur Écoactualité). Mais il y a des gaz à effet de serre (GES) qui sont plus difficiles à éviter. Alors, une autre façon de s’engager dans une action positive, c’est de compenser sa production de GES par la plantation d’arbres. Un programme de compensation appelé « projet Carbone boréal » a été mis en place en 2008 et est administré par des professionnels de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).Qu’est-ce que la compensation des émissions de GES? Comment se font les plantations d’arbres? Comment calculer nos émissions de GES et le nombre d’arbres nécessaires pour compenser ces émissions? Voilà trois questions auxquelles nous allons apporter des réponses.
Libération de CO2 par la combustion de carburants et captation de CO2 par les plantes
Le plus important des gaz à effet de serre émis par nos activités est le gaz carbonique (CO2). La combustion de carburants (essence et diésel) lors de nos déplacements en voiture ou en avion, et celle de mazout ou de gaz naturel dans nos systèmes de chauffage, etc., libèrent chaque année une certaine quantité de CO2 dans l’atmosphère. C’est ce qu’on nomme l’empreinte carbonique. Mais en plantant un certain nombre d’arbres, il est possible de neutraliser cette empreinte. En effet, les arbres captent par leurs feuilles, en présence de la lumière solaire, le CO2 indispensable à la fabrication des molécules organiques nécessaires à leur croissance et à leur survie. Cet important processus, appelé photosynthèse, est le « phénomène à la base de la vie sur Terre ». Le site web Carbone boréal affirme que « les forêts captent (ou séquestrent) actuellement 25 % du carbone émis (CO2) par les activités humaines… Autrement dit, sans les arbres, le problème des changements climatiques serait déjà bien pire. »2
Plantation d’arbres dans les zones dénudées de la forêt boréale
Plantation d'épinette (crédit: Synapse)
Dans la forêt boréale (composée aux trois quarts de conifères et d’un quart de feuillus), il y a des territoires dénudés où la forêt parvient difficilement à se régénérer à cause, par exemple, d’anciennes coupes forestières ou de feux de forêt. Le projet Carbone boréal vise à y établir des plantations expérimentales composées majoritairement d’épinettes noires (autres espèces possibles : épinette blanche, pin gris et mélèze laricin). Ainsi, il existe deux zones de plantation : une située dans la forêt publique improductive du nord du lac Saint-Jean d’une superficie d’environ 600 hectares, et une autre, appelée la « Forêt modèle du lac Saint-Jean », située à l’ouest du lac. Étant donné que le Québec possède 1,6 million d’hectares de forêt boréale improductive (près de 7 % du territoire de la forêt boréale), les chercheurs de l’équipe de Carbone Boréal affirment que celle-ci représente un très grand potentiel pour la « séquestration du carbone », c’est-à-dire le stockage du CO2 dans les arbres. Ainsi une superficie d’un hectare reboisé avec des épinettes noires (environ 2000 arbres) peut séquestrer 280 tonnes de CO2 sur une période de 70 ans, et cela équivaut à l’émission de CO2 de 100 petites voitures parcourant chacune 10,000 km par année. C’est dans cette optique que les contributeurs ont financé la plantation de 121 000 arbres en 2010 et 72 000 en 2011.Méthode de plantation
Avant la plantation, le sol doit être préparé. Tout d’abord, il est scarifié, c’est-à-dire qu’il est labouré en traçant des sillons. Cette opération permet d’enlever le lichen soupçonné de nuire à la croissance des arbres plantés, puis les jeunes arbres cultivés sont plantés dans les sillons. La recherche nous enseigne qu’après cinq ans, la survie est très bonne.
Questions qui intéressent les chercheurs
Les chercheurs se posent de nombreuses questions : quelle espèce de conifères (épinette noire, pin gris, mélèze) a le taux de croissance le plus élevé et quels sont les principaux facteurs qui déterminent leur croissance? Quelle est l’efficacité de la séquestration réelle (ou estimée) de carbone par les arbres?
Comme le projet Carbone boréal comporte deux volets, la compensation et la recherche, le contributeur qui participe à ce projet finance la plantation d’arbres, mais aussi la recherche universitaire faite par des chercheurs et des étudiants chercheurs. Les nouvelles connaissances scientifiques ainsi acquises sur le terrain sont essentielles au succès du projet.
Calcul de GES émis et le nombre d’arbres à planter
Biologiste et spécialiste du climat, Claude Villeneuve, professeur titulaire à l’UQAC3 et un des membres de l’équipe de recherche de Carbone boréal, définit ainsi la compensation des émissions de GES : « La compensation, c’est de dire que je ne peux pas éviter de faire des gaz à effet de serre, donc je vais payer quelqu’un d’autre pour réduire d’autant les émissions que je n’ai pu éviter de faire ».4
Quelques exemples de compensation
(crédit: Carbone boréal)
Le « calculateur de GES » permet ainsi de calculer facilement le nombre de kilomètres que vous avez parcourus, par transport terrestre ou aérien, et il convertit ce nombre en tonnes éq.- CO2 . Le « calculateur de GES » permet aussi de convertir la quantité de combustibles résidentiels (mazout, gaz naturel ou propane) que vous avez consommée en tonnes éq.- CO2. Vous pouvez aussi offrir un certificat-cadeau Carbone boréal à une personne de votre choix. Tout individu ou organisation qui désire compenser ses émissions de GES peut le faire facilement en trois étapes sur le site de Carbone boréal.
Lors de la troisième étape, le site offre la possibilité de payer votre contribution en ligne ou par chèque. Pour une contribution en ligne, vous devez d’abord obtenir le coût de chaque activité et le nombre de tonnes de CO2 –éq. émis, puis additionner séparément les coûts et les tonnes (dans le cas où vous avez deux activités ou plus) et ensuite, faire la transaction en indiquant le coût total $ et le nombre total de tonnes de CO2 -éq. émis.
Registre Carbone boréal
Les arbres sont plantés annuellement sur une superficie de 100 hectares divisée en blocs expérimentaux de 20 hectares « distribués spatialement de façon à réduire les risques de pertes par perturbations naturelles (feux, insectes, etc.) ».7
Les noms des contributeurs (individu ou organisation), le nombre d’arbres attribués à chacun d’eux, le numéro du bloc expérimental où les arbres ont été plantés et ses coordonnées géographiques (latitude et longitude) sont inscrits dans le « registre Carbone boréal ».8 Et chaque contributeur reçoit, par courriel ou par la poste (sur demande seulement), une attestation pour sa compensation de GES dans le projet Carbone boréal.
Validation et vérification
Le projet Carbone boréal a été validé en juin 2011, et la vérification en mai 2012 par le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) a établi « que la déclaration de GES du projet Carbone boréal de 35 971 tonnes de CO2 -éq (…) pour les plantations effectuées en 2008, 2009 et 2010 (total de 128,5 hectares) est juste ».9 Le projet Carbone boréal jouit donc d’une grande rigueur scientifique. Ainsi chaque contributeur est assuré d’acheter des « crédits-carbone crédibles ».
Conclusion
Lors de son investiture à la présidence des États-Unis, le 21 janvier 2013, le président Obama s’est engagé avec vigueur à répondre « à la menace que représentent les changements climatiques, sachant qu’y manquer serait trahir nos enfants et les générations futures ».10
En effet, il est urgent d’agir rapidement avant que le climat ne devienne chaotique et de plus en plus imprévisible. Tous les gouvernements du monde ont une grande responsabilité à cet égard et beaucoup de citoyens canadiens se désolent de l’attitude du gouvernement conservateur du Canada qui s’est désengagé du protocole de Kyoto et qui soutient à coup de subventions l’exploitation des hydrocarbures (1,4 milliard de dollars par année va à l’industrie pétrolière et gazière sous forme de crédit d’impôt).11 L’objectif de la conférence de Copenhague sur le climat en 2009 était de stabiliser le climat autour d’un réchauffement de 20 C, mais les tendances actuelles de consommation d’énergie fossile pourraient causer une hausse de 40 C en 2060 et de 60 C en 2100.12 Cela serait une catastrophe!
Selon Claude Villeneuve, il n’est « pas trop tard… (et il) ne faut pas démissionner. Il y a une quinzaine de pays qui représentent 80 % des émissions mondiales, il faut qu’ils s’entendent ».13 Espérons donc un éveil massif des consciences.
Le projet Carbone boréal a donc le mérite de donner de l’espoir aux citoyens, car il les informe et leur permet de s’impliquer. Selon Claude Villeneuve, « dans 30 ans, le Québec pourra dire : je dispose sur mon territoire d’un potentiel pour absorber du CO2 et je peux le mettre au service de la planète à la lumière des connaissances scientifiques qui sont développées par nos recherches »14. Carbone boréal nous invite ainsi à être écoresponsable et à financer la recherche en compensant nos émissions de gaz à effet de serre.
Références:
- http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/syr/ar4_syr_fr.pdf
- http://carboneboreal.uqac.ca/presentation.php
- Claude Villeneuve est aussi directeur de la Chaire de recherche en Éco-Conseil de l’UQAC.
- Émission « Découverte » de Radio-Canada du 28 février 2012, reportage « La bourse du carbone »
- http://carboneboreal.uqac.ca/faq.php
- Idem à 5
- http://carboneboreal.uqac.ca/presentation.php
- http://carboneboreal.uqac.ca/registre.php
- Bureau de normalisation du Québec (BNQ), 10 mai 2012. Avis de vérification de gaz à effet de serre. http://carboneboreal.uqac.ca/pdf/09_avis_ges_projet_CarboneBoreal_20120510_43459-1-4_final.pdf
- Le Devoir, 22 janvier 2013. Jean-Frédéric Légaré-Tremblay. Le nouvel optimisme de Barack Obama. http://www.ledevoir.com/international/etats-unis/368947/le-nouvel-optimisme-de-barack-obama
- http://www.equiterre.org/communique/equiterre-salue-l%E2%80%99intention-du-nouveau-parti-democratique-de-mettre-fin-aux-subventions-a
- La Presse. 20 novembre 2012, Charles Côté. L’humanité doit absorber plus de gaz à effet de serre qu’elle n’en émet. http://www.lapresse.ca/environnement/dossiers/changements-climatiques/201211/20/01-4595653-lhumanite-doit-absorber-plus-de-gaz-a-effet-de-serre-quelle-nen-emet.php
- Idem à 12
- Idem à 4
L’émission « Découverte » de Radio-Canada a présenté, le 28 février 2010, un reportage fort intéressant sur le projet Carbone boréal. Le reportage s’intitule : « La bourse du carbone » et vous pouvez le visionner ci-bas: