J’étais installée dans le RER et il y avait ces deux gars assis à côté de moi dans le carré. Ils discutaient.
Au vu de leurs gestuelles, de leurs fringues, de leurs réponses factuelles et des quelques instants silencieux émaillant la conversation. J’en déduis qu’ils devaient être collègues de boulot et qu’ils ne se connaissaient pas très bien.
Mon MP3 étant en gros manque de batteries, je l’ai laissé se reposer un peu, pendant que j’écoutais d’une oreille attentive (il faut le dire) la conversation de mes voisins.
Ils épuisent leur 1er sujet de conversation. Un petit moment de gêne, puis ils embrayent sur leurs dernières vacances respectives au ski. Le 1er explique qu’il n’y est pas allé souvent, il adore les vacances au ski et il a des potes qui y vont tous les ans, mais il ne s’explique pas pourquoi, il ne part pas avec eux. C’est dans ses futurs projets. Il dit d’un ton très aventureux que son dévalement des pistes est vraiment rapide et il me semble qu’il se compara à un boulet de canon (ou c’est peut-être moi qui ait eu cette image, je ne sais plus). Le second jeune homme pense que c’est par peur qu’il est aussi rapide, mais non, le 1er répond que c’est juste parce qu’il aime la vitesse. L’autre avec un ton très sûr de lui, raconte qu’il a investi dans du matos de ski et que ce qui lui manque, c’est un pote qui lui prête tous les ans. Il ajoute que les chaussures de ski sont amorties en 3/4 ans. Il a un pote qui a un super appart à côté des Alpes, il y était avec sa bande de potes lors des dernières vacances scolaires et selon lui, il n’y avait pas tant de monde que ça.
Re-silence gêné.
Chacun regarde à gauche, à droite, petit raclement de gorge. L’un regarde vers la fenêtre.
Puis un nouveau sujet de conversation, l’un d’eux explique qu’il habite encore chez « papa, maman », mais ça lui permet d’économiser et d’ici quelques mois il va se chercher un appart rien qu’à lui. L’autre juge qu’une location c’est une perte d’argent énorme. Toujours d’un ton assuré, il annonce avoir fait le calcul. Ok pour sa surface, il paie peu comparé aux prix du marché, mais tout de même il a déjà « perdu »plusieurs milliers d’euros. Alors il se dit qu’il ne pourra pas faire ça tout le temps et il pense au moment où il pourra acheter. L’autre lui demande si c’est une colocation. Non, il habite dans un appart de 24m² avec sa copine. Enfin, ça c’était avant et d’un ton beaucoup moins assuré qu’au début, il dit qu’ils viennent de se séparer.
Silence de sa part. Je sens qu’il n’est plus aussi à l’aise qu’au début. Je me demande bien ce que va lui répondre son collègue. Il lui demande depuis combien de temps, il essaie de savoir si c’est une pause et se montre rassurant, ça arrive souvent les pauses. Non, lui répond l’autre c’est vraiment fini car il a pris du temps pour faire un break, réfléchir et c’est lui qui a initié la séparation. Il semble triste. Et là je sens un truc qui bouge dans leur conversation. Finis les fanfaronnades entre collègues, fini le moment où on se montre à l’autre sous son jour le plus parfait. Ils semblent enfin être positionnés sur un terrain plus familier, plus émotionnel.
En les regardant s’éloigner, j’entends encore des paroles réconfortantes et sincères de la part de l’un pour l’autre qui semble soulagé d’avoir parlé de son spleen lié à la séparation. Ils se marrent, ils ont l’air plus à l’aise qu’au début. Ensuite, je m’interroge, est ce que c’est à ce moment là qu’une réelle amitié se forme ? Ce moment où l’on fait tomber le masque. Juste un instant, où l’on se sent à la fois vulnérable pour exprimer une émotion profonde et suffisamment fort pour sentir que l’on peut faire confiance à l’autre. Juste un instant, où l’on sait que des mots très simples peuvent apporter du réconfort, où l’esbroufe n’a plus lieu d’être et que seule l’envie de se montrer véritablement, compte.