Cette fois-ci, c’est au tour de Boeing d’occuper le terrain.
Ryanair vient d’annoncer sa décision de passer commande de 175 Boeing 737-800 supplémentaires, un investissement de 15,6 milliards de dollars au prix catalogue (lequel n’est certainement que purement théorique). C’est une belle victoire pour l’avionneur américain, bien qu’elle ne soit pas inattendue. Airbus, de toute évidence, ne cherche męme plus ŕ convaincre la compagnie irlandaise des grands mérites de la gamme A320, compte tenu des exigences de ce client trčs particulier en matičre de remises sur les prix affichés.
On devine d’ailleurs que Ryanair a poussé le bouchon trčs loin, cette fois-ci, en choisissant d’acheter un nombre important de 737-800, et non pas des 737 MAX de nouvelle génération. Ces derniers sont pourtant plus performants, au plan économique s’entend, mais se prętent sans doute plus difficilement ŕ de grandes concessions financičres. Michael O’Leary a certainement fait et refait ses comptes et il est certain qu’il a trouvé son bonheur dans cette maničre de faire.
Le motoriste CFM International, grâce ŕ un accord d’exclusivité qui le lie de longue date ŕ l’avionneur de Seattle, va engranger dans la foulée une commande de 3,7 milliards de dollars dont la moitié ira automatiquement ŕ Snecma. Autrement dit, l’industrie française continue de compenser ainsi, en partie tout au moins, l’absence d’intéręt de Ryanair pour les avions européens.
Cette fois-ci, en principe tout au moins, Boeing n’était pourtant pas tout ŕ fait certain de remporter facilement cette commande. En effet, Ryanair avait témoigné ŕ plus d’une reprise un intéręt apparemment bien réel pour l’avion chinois Comac 919. Lequel n’a pas encore effectué son premier mais, sur papier, présente de sérieux attraits. Largement occidentalisé, y compris grâce ŕ sa motorisation précisément fournie par CFM, le C919 était considéré comme un rival bien réel du 737, dans ses deux versions, 737-800 et 737 MAX. Mais sans doute les calendriers étaient-ils incompatibles pour donner audit C919 des chances réelles de l’emporter. Ce n’est peut-ętre que partie remise, en supposant que le C919 n’ait pas joué un rôle de simple faire-valoir. Les dirigeants de Ryanair ont aussi indiqué qu’ils continuent d’évaluer les mérites du 737 MAX dont les premiers exemplaires seront livrés en 2017.
L’annonce officielle de l’accord, le mardi 19 mars ŕ New York, n’a pas permis d’en savoir plus sur les conditions de la prolongation de l’entente entre Ryanair et Boeing. Il est vrai que les deux entreprises apprécient la discrétion et sont traditionnellement avares en détails financiers. Il serait d’autant plus facile de faire preuve de mauvais humour noir en précisant que les deux parties ont rencontré les médias dans un hôtel new-yorkais. Et non pas ŕ la Maison Blanche, ce qui aurait pu ętre le cas s’il leur avait fallu singer outre-Atlantique le coup médiatique d’Airbus, la veille, au cœur du Palais de l’Elysée.
La décision de Ryanair d’acheter 175 avions de plus témoigne par ailleurs d’une grande confiance dans l’avenir du modčle low cost. Reste le fait qu’une partie de ces 737-800 en remplaceront d’autres en service depuis un certain nombre d’années et ne serviront donc pas ŕ créer une capacité supplémentaire. Reste le fait que Ryanair prévoit un trafic annuel de 100 millions de passagers l’horizon 2019, contre un peu moins de 80 millions pour les 12 derniers mois de l’exercice fiscal en cours.
On aimerait évidemment en savoir davantage sur le devenir de Ryanair dont la croissance s’est nettement ralentie au fil de ces derniers mois. Ainsi, au cours de la période de 12 mois clôturée fin février, son trafic a progressé de 4% seulement. Et, le mois dernier, il a męme reculé de 6%, sans qu’il soit possible de comprendre s’il y a lŕ une indication d’essoufflement ou s’il s’agit plus simplement le résultat de la mise au sol provisoire de 80 avions, le temps que s’écoulent les mois d’hiver de faible demande. Reste le fait que ce sont deux enfants terribles du transport aérien européen qui font l’actualité ces jours-ci, Lion Air et Ryanair, et eux seuls. Restons calmes !
Pierre Sparaco - AeroMorning