L'élaboration des plans de prévention des risques technologiques s'avère délicate et ce, depuis plusieurs années. Deux questions parlementaires ont été posées à ce sujet à l'Assemblée nationale lors de la séance des questions au Gouvernement.
Financement des travaux de prévention
des risques technologiques
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour exposer sa question, n° 199, relative au financement des travaux de prévention des risques technologiques.
Mme Laurence Dumont. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, les plans de prévention des risques technologiques, les fameux PPRT, issus de la loi du 30 juillet 2003, contribuent à la sauvegarde des personnes et des biens.
Les zonages mis en place au regard des risques générés par la structure industrielle concernée imposent des mesures de sécurité plus ou moins contraignantes pour les communes et pour les riverains. Dans les zones où l’aléa est le moins important, des travaux de renforcement sur les habitations existantes sont accompagnés d’aides financières, selon un dispositif qui repose en partie sur un financement tripartite : collectivités locales, exploitants des structures industrielles et État.
La loi de finances pour 2013 a d’ailleurs amélioré l’aide fiscale en faveur des contribuables confrontés à la réalisation de travaux prescrits par un PPRT, en portant à 40 % le taux de crédit d’impôt.
En revanche, des travaux d’aménagement et de mise en sécurité d’un site industriel menés par son exploitant, en amont de la démarche d’élaboration du PPRT, afin de parvenir au risque le plus faible, n’ouvrent pas droit à un mode de financement équivalent. La réduction du risque à la source permettrait pourtant de diminuer le périmètre des zonages des PPRT et d’en exclure certaines parties de territoires qui pourraient être impactées sans ces travaux dits « complémentaires ».
Le coût de ces travaux préventifs n’est pas disproportionné par rapport aux bénéfices attendus. Il permettrait, grâce à un zonage moins étendu, de redonner aux collectivités la maîtrise de leur foncier, tout en évitant à nombre de riverains d’engager des travaux souvent coûteux.
Aussi, tout en veillant à ce que soit maintenu le principe cardinal selon lequel l’exploitant doit apporter une contribution financière majoritaire, un dispositif d’aides tripartites pourrait-il être envisagé pour des travaux permettant de réduire le risque à la source ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Madame la députée, en ce qui concerne les plans de prévention des risques technologiques et leur financement, je rappelle que, sur 407 PPRT à réaliser, seulement 225 ont été approuvés. L’accident survenu récemment à l’usine Lubrizol de Rouen a mis en lumière la nécessité de se prémunir contre les risques technologiques.
Avant même cet événement, j’avais porté les crédits de l’État de 33,6 millions d’euros en 2012 à 44,6 millions d’euros en 2013, soit une augmentation d’un tiers. Dans le cadre de la loi de finances pour 2013 – vous l’avez rappelé –, le Gouvernement a également porté le plafond du crédit d’impôt pour ces dépenses de 30 à 40 % et a proposé de fixer la clef de répartition entre la part de l’État, celle des collectivités territoriales et celles des industriels. Toutefois, cette seconde disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme. Le Gouvernement souhaite donc la reprendre en l’insérant au projet de loi sur l’urbanisme qui sera présenté prochainement. C’est un point important, puisque cette mesure doit permettre d’atteindre un taux de financement des travaux de 90 %.
J’ai, par ailleurs, annoncé dernièrement un plan de mobilisation pour faire aboutir rapidement la majorité des PPRT – avant la fin de l’année 2013 – et rattraper ainsi le retard qui a été pris.
Concernant plus précisément votre question, madame Dumont, ce sont aujourd’hui les mesures « supplémentaires » qui peuvent faire l’objet de ce financement tripartite. En revanche, la directive Seveso 2 du 9 décembre 1996 impose que les mesures de réduction à la source, dans l’ensemble de l’Union européenne, soient prises en charge par les seuls exploitants. Le cadre européen interdisant toute forme de subvention, la mesure que vous évoquez mettrait la France en infraction par rapport au droit européen des aides.
Toutefois, rien ne s’oppose à ce que les acteurs locaux apportent au cas par cas un soutien aux entrepreneurs voisins qui pourraient en avoir besoin, dans la mesure où, comme vous l’avez dit, des mesures bien menées de réduction à la source peuvent permettre de réaliser ensuite des économies sur les travaux de protection dans le périmètre du site industriel.
Mise en œuvre des plans de prévention
des risques technologiques
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Odile Bouillé, pour exposer sa question, n° 193, relative à la mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques.
Mme Marie-Odile Bouillé. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, les plans de prévention des risques technologiques mis en œuvre dans le cadre de la loi Bachelot du 30 juillet 2003 permettent d’agir sur la coexistence peu souhaitable des sites à hauts risques et de leur environnement en résorbant les situations difficiles héritées du passé et en limitant l’urbanisation future.
Mais, pour ceux qui ne sont pas encore prescrits – deux dans ma circonscription –, les rapports entre les services de l’État et les riverains sont pour le moins tendus en raison de l’incompréhension des périmètres, des incidences financières et des prescriptions adressées aux industriels, que les riverains jugent parfois insuffisantes pour réduire les risques à la source. C’est encore plus flagrant pour les propriétaires ayant acquis leur bien avant l’implantation même de ces usines à risques, car ils ont l’impression d’être aujourd’hui les dindons de la farce, si je puis m’exprimer ainsi, en devant supporter une situation qu’ils n’ont aucunement générée.
Des associations d’habitants, comprenant parfois en leur sein d’anciens professionnels de la sécurité de ces entreprises à risques, formulent des propositions pour aménager la loi afin d’avoir une approche moins dogmatique des instructions qui en découlent. Elles souhaitent prendre le temps de la réflexion et vous demandent un moratoire. Je voudrais donc savoir si vous êtes favorable à une remise à plat de la loi Bachelot et, si tel est le cas, si vous êtes prête à promouvoir un tel moratoire.
Si elle n’est pas centrale, la question du financement reste incontournable. Engager des sommes importantes pour renforcer les bâtis ne résoudra pas le problème si les gens se trouvent dans leur jardin ou dans la rue en cas d’accident. Les travaux engagés, parfois coûteux pour des familles modestes, n’auront servi à rien.
Quels engagements pouvez-vous prendre, madame la ministre, pour réduire à zéro le reste à charge des riverains pour le financement des audits de bâtis et des travaux ?
Enfin, j’appelle votre attention sur l’application administrative de la réglementation par les DREAL – les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement – qui ne prend pas suffisamment en compte les situations personnelles, parfois extrêmement difficiles, vécues par des habitants dont certains sont très fragiles et démunis et se trouvent à quelques mètres seulement de la limite du périmètre. N’y aurait-il pas intérêt à laisser une marge d’appréciation aux préfets dans la résolution de ces situations mineures afin d’avoir une approche plus humaine de l’application des PPRT ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Madame la députée, s’agissant du reste à charge, c’est précisément en raison des situations que vous évoquez que nous avons décidé de relever le plafond du financement par l’État et que nous cherchons à mobiliser, en particulier au bénéfice des habitants les plus modestes, des dispositifs de droit commun qui permettraient d’éviter un tel reste à charge pour toute une catégorie d’habitants modestes.
Ainsi, hier, j’ai rencontré la directrice de l’ANAH – l’Agence nationale de l’habitat – pour étudier la manière dont nous pourrions mobiliser le programme « Habiter mieux » relatif aux travaux d’isolation, qui relèvent des mêmes techniques que ceux qui sont nécessaires dans les périmètres de protection.
Quant à la concertation, elle est l’objectif des commissions de suivi. Il est en effet très important que les démarches soient bien comprises localement, que les risques soient expliqués et que l’information à la population ainsi que la concertation locale soient le plus approfondies possible dans le cadre de l’élaboration des PPRT.
Toutefois, dans un certain nombre de situations, un consensus n’a pu être trouvé au terme de longues procédures de concertation. Dans ces cas, il revient à l’État d’assumer sa responsabilité de prévention des risques technologiques malgré certains blocages, car il est de sa responsabilité d’assurer la sécurité des personnes et des biens.
Par ailleurs, je ne suis pas favorable à un moratoire sur les PPRT, mais je suis ouverte à une amélioration de la législation. C’est le travail que fait, sous la houlette de son président, le député Yves Blein, l’association Amaris, qui regroupe les collectivités concernées par ces problèmes. En tout état de cause, un moratoire serait perçu comme un signal de relâchement de l’État, alors que les chiffres que j’ai donnés en réponse à Mme Dumont montrent qu’il convient, au contraire, d’accélérer et de renforcer les mesures de prévention des risques technologiques.