Julius Corentin s’envole sur son lit, passe le mur du temps et atterrît deux pages plus loin…
Scénario et dessin de Marc-Antoine Mathieu, Public conseillé : Adultes et adolescents
Style : Ovni Paru chez Delcourt, le 1er mars 2013 Share
L’histoire
Couverture : Julius Corentin s’envole sur son lit, passe le mur du temps et atterrît deux pages plus loin au chapitre 2 (le « Rêve-veille », page 9). Une fois de plus, il a rêvé trop fort.
Dans son couloir aménagé, Julius se réveille, invisible aux yeux des autres. Chez son voisin, un officiel est en train de prendre déposition de sa disparition. Il constate que faute de décrochage onirico-temporel, l’histoire est en roue libre. Pour trouver un début d’explication à ce mystère, Julius, traversant la ville ensablée et vide, se rend chez les frères Dalenvert. Hilarion, son voisin, l’a précédé. Là, Le professeur Ouffe, phénoménologue de son état les rassure. « Il ne peut pas ne pas y avoir d’histoire ! Sans histoire, pas de temps et sans temps, pas d’espace… Et sans espace pas de matière. Or ils sont là ! »Tapez ou collez votre texte en français ici et cliquez le bouton « Vérifier le texte ».
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Attention, décrochage imminent
Attendez-vous à tout, ou plutôt, ne vous attendez à rien. Dès la couverture, le ton est donné. Dans « Le décalage », Il n’y a pas de couverture, de page de garde, nous commençons directement la lecture à la Page 8… Puisqu’on vous dit que c’est « décalé »…
Pour notre plus grand bonheur, Marc-Antoine Mathieu ne fait rien comme les autres (auteurs de BD). Après une longue pause (10 ans), Julius Corentin Acquefacques reprend du service. Toujours dans son expérimentation du médium et de ses caractéristiques, Mathieu a décidé de s’attaquer à la notion de temps. Son anti-héros rêveur en a déjà palpé des principes de la construction narrative en BD. Après les deux dimensions de la feuille de papier (La 2,333ème dimension), le sens de lecture (Le début de la fin) ou le principe de la spirale (Le processus), Marc-Antoine Mathieu se donne un challenge encore plus exigeant : nous faire toucher du doigt la convention du Temps dans la narration. Pour y arriver, il a décidé de tenter le pire : casser ce principe en décalant son héros et le récit et en observer les conséquences. Que se passe-t-il si le temps est déjà parti ? On est donc en retard dans le temps, que cela signifie-t-il, que cela génère-t-il ? Autant de questionnements philosophiques qui ont de grosses conséquences sur les personnages. Serait-ce une histoire sans héros ? Un héros sans histoire ? Les personnages secondaires prennent-ils le pouvoir dans une non-histoire ? Comment finit le récit ???
Un expérimentateur « génialement fou »
Ca y est le mot est lâché. Pour moi, Marc-Antoine Mathieu fait partie de ses troublions, ces gratteurs de cerveaux qu’il faut lire si on se dit BDphyle. à travers son expérimentation des codes de la BD, il se pose des questions philosophiques avec un humour jouissif et une cohérence totale. En fait, sous son délire onirique et décousu, Marc-Antoine Mathieu se pose de vraies questions. Situations toujours aussi étonnantes et des rebondissements inattendus, il mène sa barque précisément où il le désire. Non-sens, paradoxes, dérapages temporels, il ne se refuse rien. De plus, l’humour bien présent et les dialogues ciselés servent impeccablement son propos.
On plonge dans la lecture d’un MAM (pour les intimes) avec une délectation autant intellectuelle que physique.
Graphiquement ?
Là encore, Marc-Antoine Mathieu est une vraie référence pour moi. Son « Noir et Blanc » profond, au découpage inventif et aux perspectives audacieuses est un vrai régal.
Dans « Le décalage », MAM n’arrête pas d’accumuler les « accidents graphiques ». Ses mises en abymes récurrentes sont particulièrement vertigineuses. Ses personnages, traités avec un dessin semi-réaliste, ont des tronches à mourir de rire. En gros, il n’y a vraiment rien à jeter dans « Le Décalage ».
Pour résumer
Avec ce nouvel épisode onirico-philosophique de Julius Corentin Acquefacques, Marc-Antoine Mathieu nous invite à plonger dans les arcanes de la bande dessinée. Avec « Le Décalage », il torture son histoire en décalant récit et personnages. Avec une logique absolue et jusqu’auboutiste, il nous assène avec beaucoup d’humour ses réflexions philosophiques et mathématiques. Le résultat : un album impeccable, hilarant et indispensable !