Le maître de tous les dessinateurs chez Marvel, c'est Jack Kirby. Il faut entendre maître comme père putatif, celui qui a donné naissance a tout une génération d'adeptes, d'imitateurs, de petits génies qui ont su dépasser le géniteur, parfois. Son talent est indiscutable, et il a assuré avec réussite le gros du travail proposé par Stan Lee dans les années 60. A un rythme de travail assez fabuleux, il livrait un nombre de planches aussi rapidement que fiablement, une machine à dessiner. Parmi ceux qui peuvent prétendre au titre de dauphin officiel, nous trouvons Eugene Colan, mieux connu sous le sobriquet de Gene Colan. Reprenant le travail de Kirby, de manière moins fantasmagorique mais avec une attention particulière au dynamisme, dans un style sobre et qui joue merveilleusement avec les ombres, Colan va marquer de son empreinte de nombreux comics dans les années 60 et 70 surtout. Dans cet album, nous retrouvons quelques unes de ses prestations sur Daredevil, le justicier aveugle, également avocat le jour.
Dans ces aventures au coté rétro, les ennemis de DD sont d'improbables vilains qui se veulent souvent nouveaux maîtres du crime et de la pègre, et qui sont affublés de costumes bariolés, bien en phase avec le psychédélisme de l'époque et le mauvais goût polychrome de ces années là. On y compte entre autres le Hibou première manière, le Pitre ( un de mes préférés à l'époque ), le Cobra, ainsi que Mister Hyde. Nous avons tous en tête les dernières versions de certains de ces criminels, grâce à la prose de Bendis (dans un cycle déjà légendaire), mais c'est ici leurs ancêtres, manichéens et pathétiques dans leurs volontés inassouvies de domination, qui s'offrent à nos yeux. Une ambiance urbaine, avec des épisodes qui oscillent entre roman noir et histoire à l'eau de rose, avec la première rupture sentimentale entre Matt Murdock et sa fiancée Karen Page, qui ne supporte pas sa double existence. Matt finit par se consoler bien vite dans les bras de l'ex espionne soviétique, la Veuve Noire (qui est rousse, en fait. Mais bon, plus personne n'ignore son existence depuis que Scarlett Johanson lui a donné corps, et quel corps, au cinéma). Curieusement, dans ce très bel ouvrage patiné sobrement intitulé "Best of", nous ne lisons pas de moments inoubliables de DD, et les aventures sont déjà datées, avec des dialogues qui surjouent dans l'humour, pas toujours du meilleur goût. C'est toutefois une bonne occasion de revoir les crayons de Colan dans une de leurs meilleurs incarnations, lui qui nous a quitté après une longue maladie, en juin 2011. Voilà un tpb que nous conseillerons à tous les amateurs du "silver age" et aux nostalgiques du Daredevil première heure, même s'il ne contient finalement rien de vraiment capital dans l'existence de tête à cornes. Mais quels dessins, je vous jure!
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Daredevil : The Best of by Gene Colan.