Le "pape sourire" a commencé son pontificat sous le signe de saint François
d’Assise, celui de la pauvreté et de l’aide aux plus démunis, et met ses gestes en conformité avec sa foi, au détriment d’un protocole parfois lourd et peut-être aussi de sa sécurité
personnelle. Cela n’a pas empêché les abonnés à l’anticléricalisme primaire de taxer de manière totalement infondée le nouveau pape d’ami des dictateurs.
Visage un peu à la Paul VI, bonhomie à la Jean XXIII, le pape François poursuit la désacralisation de la
fonction pontificale : ce n’est pas nouveau, puisque Jean-Paul II se montrait skieur et nageur et
Benoît XVI se montrait homme épuisé devant renoncer à la
lourdeur de sa charge. Il séduit tous les fidèles par sa volonté de rendre réelles l’humilité et la simplicité.
C’est peut-être dans l’air du temps (comme François Hollande qui prend le train au lieu de l’avion pour se rendre à Bruxelles) mais c’est aussi le
comportement de Jorge Mario Bergoglio depuis toujours, même cardinal, même primat d’Argentine, même archevêque de Buenos Aires (il avait refusé d’habiter dans la résidence épiscopale). Il a
toujours voulu rester au contact avec le peuple qui souffre, n’hésitant pas à faire ses trajets en métro sans aucune protection, comme tout le monde.
Égal donc à lui-même, le pape François donne au monde des images inédites d’un pape homme, plus humain que
divin, très éloigné des oripeaux de la monarchie élective du Vatican, à tel point que des gestes pourtant ordinaires et normaux en deviennent… sacrés !
Ainsi, le 14 mars 2013, il a fait un détour pour régler sa note d’hôtel à la résidence Sainte-Marthe
(pourtant, peut-on imaginer un pape ne pas payer ses factures ? "tu ne voleras point" !) ; ainsi, le 17 mars 2013, après l’Angélus de midi, il est allé au contact avec les
150 000 personnes venues l’attendre et le rencontrer place Saint-Pierre, dans un bain de foule improvisé et sans précédent. On peut imaginer que la papamobile, construite après l’attentat du
13 mai 1981 contre Jean-Paul II, restera tranquillement au garage lors des futurs déplacements papaux.
Cette attitude montre un esprit jeune (jamais un pape n’a été aussi jeune depuis 1996 !) et ne pouvait
pas laisser indifférents même les non catholiques et les non chrétiens, les croyants d’autres religions, les athées, les agnostiques, etc. pour qui le pape porte aussi des valeurs morales au-delà
de sa représentation religieuse, dans un monde globalisé qui peut écraser les plus faibles.
Et c’est sûr que sa simplicité le rend inattaquable dans sa préoccupation contre la pauvreté. Mais il n’a pas
fallu une heure pour qu’une polémique de mauvais goût surgît. Les médias ont parlé à cette occasion des "opposants au pape", comme s’il faisait de la politique (on s’est aussi interrogé pour
savoir si c’était un "pape de droite" ou un "pape de gauche", comme s’il fallait à tout prix politiser les religions ; rappelons que la laïcité pourrait aussi s’appliquer dans l’autre sens,
à savoir, pas de politique dans la religion). On peut ne pas croire (heureusement, c’est la liberté du culte), on peut s’opposer au christianisme, mais comment peut-on s’opposer à un homme dont
on ne connaît rien, ou qui ne fait que s’occuper des plus démunis ? Cela n’a aucun sens. Réflexe pavlovien, peut-être ?
Pourtant, la polémique a toute de suite enflé en France et restera probablement une épine dans le pontificat
comme les jeunesses hitlérienne pour Benoît XVI. Rappelons qu’on avait reproché à l’adolescent de 14 ans, que son prédécesseur fut, d’avoir été enrôlé de force aux jeunesses hitlériennes, qui
étaient le cadre éducatif extrascolaire obligé de tous les enfants du IIIe Reich, et que Josef
Ratzinger avait par la suite, avant la fin de la guerre, déserté l’armée allemande après n’avoir tiré aucun coup de feu. De là à en faire un nazi, les contempteurs n’avaient pas hésité comme on a
longtemps fait l’amalgame entre "Allemands" et "nazis".
Au successeur de Benoît XVI, on reproche une passivité, une proximité voire une complicité avec la junte
militaire en Argentine de 1976 à 1983. Rappelons que Jorge Mario Bergoglio n’était qu’un simple prêtre durant cette époque (il ne fut évêque qu’en 1992, archevêque qu’en 1997 et cardinal qu’en
2001).
À partir de 1973, il était le Supérieur des Jésuites d’Argentine ("provincial"). C’est dans ce cadre qu’on
lui reproche de ne rien avoir fait pour aider deux prêtres jésuites qui furent enlevés et torturés par la junte militaire, Orlando Yorio et Francisco Jalics arrêtés le 23 mars 1976, torturés puis
libérés l’été suivant.
Le 15 mars 2013, le Vatican a dû démentir très fermement ces
accusations qu’il a jugées « calomnieuse et diffamatoires » : « Il n’a jamais été accusé
de rien [par la Justice argentine]. Lui-même [le futur pape] a rejeté les accusations de manière documentée. Il existe en revanche de nombreuses déclarations qui prouvent que Bergoglio fit
beaucoup pour protéger de nombreuses personnes durant l’époque de la dictature militaire. ».
D’ailleurs, les reproches contre le pape sont exprimés sans aucun fait précis, aucune date, aucun geste dont
on pourrait prouver la véracité ou au contraire le mensonge. Juste des sentiments, des impressions, des "on dit", des éléments flous, ce qui est le lot des rumeurs infondées, sans base factuelle,
donc, non seulement sans la moindre capacité d’être prouvées mais aussi sans capacité d’être infirmées, d’être contredites clairement. Les critiques ont même poussé leur mauvaise foi à parler de
l’implication du Jorge Marie Bergoglio dans une affaire judiciaire sans préciser qu’il n’était allé devant la justice qu’en seule qualité de témoin !
Ce mauvais procès fait au pape n’entame apparemment pas sa sérénité ni sa simplicité et c’est l’essentiel. Le
trône de saint Pierre, qui fut, à une époque, effectivement pollué par des enjeux politiques, n’est plus, depuis au moins le pape Léon XIII, qu’un magistère moral et verbal pour l’ensemble de
l’Église catholique. Loin d’être au sommet d’une quelconque pyramide hiérarchique, contentant d’ailleurs protestants et orthodoxes, le pape François s’était considéré dès ses premières paroles
comme le simple évêque de Rome.
Et c’est ce mardi 19 mars 2013 à 9h30 que le pontificat du pape François sera officiellement inauguré à
Rome.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (18 mars
2013)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Communiqué du Vatican du 15 mars 2013 sur la junte militaire en
Argentine.
Élection du pape François (13 mars
2013).
Le conclave des 12-13 mars 2013.
Mode d’emploi
pour l’élection d’un pape depuis le 22 février 2013 (texte officiel).
L’infaillibilité pontificale à l’épreuve des faits.
La renonciation de Benoît
XVI.
50 ans après Vatican II, la nécessité d’un nouvel aggiornamento.
Benoît XVI et le préservatif : premier pas (22/11/2010).
Jean-Paul II : N’ayez pas peur… de pardonner !
Le
pape Benoît XVI à Paris : une foule inattendue aux Invalides (15/09/2008).
Expérimentation sur l’embryon humain.
La
Passion du Christ : petites réflexions périphériques.
http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/les-premiers-pas-du-pape-francois-132584