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Gribouille s'en va-t-en guerre

Par Pseudo

Affiche de La Feuille.jpgPar quel genre d'ânes savants est-on gouvernés ? Quel genre d'incapables ? De Trissotin habillés de leurs uniformes d'énarchie, de prestidigitateurs gonflés aux vents du jour, emportés sur leurs tapis volants tissés de titres, de blasons et de diplômes bariolés comme plumes de paon, et vides de toute sagesse ? Par quelle académie d'hébétés, de ravis de la crèche, conseillés par autant de lilliputiens « experts » de cent et mille choses, myopes comme des taupes, ceux-là, dès qu'il faut lever le regard, se laisse-t-on mener comme un troupeau d'ilotes ?   

Notre ministre des Affaires étrangères, le si « brillant» ministre, l'intimidant, l'arrogant Laurent, mécontent qu'on tergiverse sur l'aide à la guerilla syrienne, agglomérat imprécis d'opposants au pouvoir en place, a déclaré la semaine dernière, avant le sommet de Bruxelles, que la France forcera la main aux Européens — et au reste du monde, tant qu'à faire — en brisant prochainement, de son propre chef, l'embargo de l'Union sur les livraisons d'armes à ce foyer de guerre civile, où chaque camp rivalise de crimes et de mensonges. Et ainsi, ajoutant notre quincaillerie de mort à l'arsenal de feu déjà à l'œuvre là-bas, nous chierons à la face du monde Russie et Iran compris. Que la gloire nous torche !

Cette pauvre Angleterre qui ne sait plus, croyant garantir son indépendance, à quel continent se vouer, l'américain ou l'européen, ni quel GPS suivre pourvu que la City soit gavée, a emboîté le pas à nos jeteurs de braises ; elle nous suivra comme en Libye... Comme en Libye ! Cette stupide équipée des temps sarkoziens qu'un pitre philosophe, un mondain se prenant pour Malraux — on n'attend plus que le nouvel Espoir ! — , attisait de sa fougue grotesque. Mais au lieu des Chênes qu'on abat, qu'ils se voyaient réécrire, les deux compères français, le politique à tics et le plumitif en toc, n'ont su que danser sous nos yeux ahuris un rigodon de nains hilares et grimaçants. Et voilà que François le Corrézien voudrait chausser ces bottes-là ! Voilà que

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François l'Indécis, le flasque François, le « capitaine de pédalo » devenu chef d'armées conquérantes par la grâce d'un contre-rezzou au Mali, abondant dans le sens du suffisant Laurent, corne à son tour au combat contre le maître de la Syrie : « Nous sommes prêts à soutenir la rébellion, nous sommes prêts à aller jusque là...» — rien que ça !

Mais d'où sortent ces cyclopes à l'œil crevé ? Ces géants de l'inconséquence ? L'intervention franco-anglaise de 2011 en Libye, entraînée par un agité du bocal à qui l'on avait par mégarde laissé les clés de l'Elysée, fut l'une des plus funestes opérations de ce début de XXIème siècle. Notre humanisme d'affiche, si confortable aux modernes Tartuffe, s'éplorait devant cette guerre civile qui faisait se confronter — s'il faut aller à l'essentiel — deux antiques provinces romaines d'Afrique, Cyrénaïque et Tripolitaine, rassemblées tardivement, plus que réunies, sous les Ottomans et mal soudées depuis, après une succession de maîtres disparates et antagonistes. Nos catégories mentales d'Occidentaux imbus de leur supériorité, nourris de films sentimentaux et de pornographie, de savoirs sans perspective, de morale de catéchisme opportunément accommodée à toutes les sauces utilitaristes, nous fit voir dans ces désordres sanglants la rébellion d'un peuple aux mains nues contre son tyran qui le dévorait. Et ce qui nous est resté de culture philosophique, cet humanisme amenui en religion des droits-de-l'homme, en obsession maniaque de la « démocratie » — universelle forcément, pourvu qu'elle soit estampillée par Hollywood, donc imposable à tous sans discussion —, fit le slogan : il fallait sauver Benghazi de l'ogre Kadhafi... Comme on n'avait pas su le faire pour Srebrenica en 1995. Et même sauver le « peuple libyen » tout entier, pourquoi faire dans la demi-mesure, du Fezzan à la Tripolitaine, et contre son gré s'il le fallait — mais ça, nous en connaissions un rayon depuis l'Irak ou l'Afghanistan.

Notre culture politique de Reader's Digest nous avait tout bonnement rendu illisible ce qui était en fait, bien plus profondément, le conflit d'un rééquilibrage, la confrontation entre deux « plaques tectoniques », en poussée l'une contre l'autre depuis au moins la création erratique de l'émirat de Cyrénaïque, après la guerre de 14, et l'extension de l'autorité de son émir à tout le territoire « libyen » dès l'indépendance, en 1951. Ce premier temps « tectonique », où la Cyrénaïque avait pu constituer une sorte de barycentre aux mouvements de la genèse libyenne, sous la bienveillance anglo-américaine, allait durer jusqu'en 1969. Le coup d'Etat fomenté cette année-là par Mouammar, figure exactement antithétique du roi Idris — l'émir devenu « roi du Royaume-Uni de Libye » —, jeune officier nassérien, républicain, panarabe, anti-impérialiste... et né en Tripolitaine d'une tribu du Fezzan, marqua le début de ce deuxième temps « tectonique ». Cette Libye fédérale mais mal assemblée passa ainsi de la main d'un roi sanusside, portant les intérêts de tribus des confins égypto-soudanais, vieillard usé sur le point d'abdiquer, impuissant à réformer et à développer, de connivence avec les intérêts géopolitiques occidentaux en général, leurs intérêts énergétiques en particulier, à celle d'un révolutionnaire ascétique, inflexible sur l'indépendance de son pays à l'égard de tous les

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néo-colonialismes, économiques ou militaires — il y avait encore des troupes anglaises et américaines stationnées en Libye —, habité par l'obsession de moderniser et renforcer son pays, avec en plus la vision d'une unité et même d'une dignité panarabe — l'humiliation de la Guerre des Six jours fouaillait encore le monde arabe. Panarabe et laïque, pas islamiste... Aurions-nous eu à y redire ?

Mais c'est un fait, la « démocratie », telle qu'on l'entend chez nous en tout cas, ne devait pas plus être au rendez-vous à partir de ce moment-là qu'à l'époque alanguie de la monarchie. Et elle n'est pas davantage la grille de lecture pertinente de ce deuxième temps « tectonique », où c'est plutôt le glissement d'est en ouest du barycentre libyen qui a déterminé la dynamique régionale, l'évolution des rapports de force politiques — rapports politico-tribaux devrait-on dire. Et cela pendant une quarantaine d'années, jusqu'aux abords des temps contemporains.

Quand l'officier efflanqué fut devenu ce satrape à tête de cocaïnomane, obsédé de sexe, et que la dénonciation de faits de tyrannie incontestables fut opportunément mêlée aux résurgences séparatistes des territoires de l'est, on eut beau jeu en Occident de voir le martyre d'un peuple unanime marchant vers son émancipation, là où il s'agissait d'abord du choc entre deux centres de gravité concurrents, géographiques et tribaux, voire de conflit sécessionnel. Mais on venait de rater si pitoyablement le coche du « printemps » tunisien — l'accumulation à ce sujet des bévues de Mme Alliot-Marie, ministre des Affaires étrangères de l'époque, resteront comme la marque de la frivolité française —, et il fallait si vite nous retrouver dans le vent de l'Histoire, que l'amorce de déstabilisation du régime kadhafien vint offrir à nos dirigeants l'aubaine

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inespérée... Tant pis s'il fallait pour cela prendre le contre-pied de ces carnavalesques embrassades, effectuées par nos deux guides nationaux à peine trois ans plus tôt, sous une tente bédouine plantée au beau milieu du parc de l'Hôtel Marigny ! Qu'au moins on lui reconnaisse cette constance-là, B.-H. L., notre conscience, s'en étranglait déjà d'indignation devant tous les micros...

2011, annus horribilis... Oh, pas parce qu'un satrape à tête de cocaïnomane a rejoint l'enfer d'Allah ! Mais parce que nos maîtres d'alors, derrière la crête de coq de Nicolas-le-Bref, ont fait canonner ce qui était en réalité l'un des plus solides remparts contre les allumés de l'islam, brigands et fanatiques mêlés, dont on constate chaque jour l'extrême nocivité, jusque sur nos terres. Et pendant que des ministricules s'inclinent aujourd'hui devant telle petite victime toulousaine d'un sinistre Merah, décorent tel autre massacré, ou se recueillent aux Invalides sur le cercueil d'un soldat tombé au Mali — il y en aura d'autres —, les factions islamistes, Frères musulmans en tête, pillent les arsenaux du satrape dézingué, dont une bonne part arrivera entre les mains des « djihadistes » de tous poils qu'aucune frontière ne sépare plus, côté libyen, du Tchad et du Niger... Et ce sont ces mêmes armes que nos ministricules, doctes comme M. Homais, et notre président, ému aux larmes de se voir « chef de guerre », font affronter à nos meilleures troupes... pour libérer le

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Mali des malheurs de Pandore qu'on a si intelligemment aidé à se répandre ! S'il n'est pas vraiment prouvé que notre éclatante intervention en Libye ait « libéré » l'ensemble du peuple libyen, elle aura au moins fait la joie d'Al-Qaida au Maghreb islamique — ou de tout ce qui veut bien se faire appeler ainsi — et des affidés des Frères, des salafistes et autres wahhabites installés dans les comités révolutionnaires et diverses milices quadrillant le pays... Merci qui ? 

Mais il serait injuste d'accabler François le Normal pour l'inanité de la diplomatie sarkozienne. Ni pour l'intervention au Mali, qu'il ne pouvait guère éviter, les vents mauvais une fois lâchés si stupidement par son prédécesseur ayant produit leurs néfastes effets. Les bras nous tombent, en revanche, devant sa réaction face à la guerre civile en Syrie. Qu'un Sarkozy emporté par son instabilité caractérielle soit allé embosser la France dans ce nouveau bourbier, aux enjeux au moins autant en contradiction avec nos intérêts nationaux que ne l'a été le bourbier libyen, après tout, cela n'aurait été qu'un enfoncement dans sa logique de Gribouille. Mais quel taon funeste a piqué le crâne du président actuel et celui de son ministre des Affaires étrangères pour endosser à si mauvais escient ce bellicisme de petit caïd, et déclarer la guerre unilatéralement à la moitié de la Syrie, flanqué du seul Royaume-Uni ? A l'encontre, qui plus est, des positions formelles de l'Union européenne... Et pour se retrouver dans le schéma stratégique libyen, où ce sont immanquablement des armées supplémentaires d'islamistes que nous armerions dans notre innocence « droit-de-l'hommiste » — islamistes et autres haineux de l'Occident pas moins inoffensifs pour notre sécurité d'Européens, malgré leur relatif éloignement, que ceux du Sahel. Sans compter l'aimable confrontation directe avec la Russie, protecteur affirmé du camp d'en face, que nous aurions à assumer quasiment seuls donc. Et j'allais oublier l'Iran...

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Un beau programme, M. le Président, un beau programme pour chef couillu ! Vous allez lui montrer au Mélenchon, qui vous a si vilement insulté, et à tous ces Montebourg, Fabius, Aubry, Royal, et même l'autre, le queutard du FMI, ce gland qu'on nous faisait prendre pour un cerveau, tous ces « amis » qui jouissaient tellement de vous ridiculiser, de vous pisser dessus, vous allez leur montrer que vous en avez vous aussi des cojones ! Et qu'avec de telles gonades vous porterez partout à la surface de la Terre, tel un vit dressé, l'étendard des droits de l'homme, comme vous avez si bien porté chez nous celui des gays, des lesbiennes, des transexuels. Vous l'aurez vous aussi, M. le Président, vous l'aurez comme Nicolas, votre médaille de Gribouille de France. Et pour être tout à fait sûr qu'on vous l'épingle au revers du veston, cette belle décoration, vous n'omettrez pas de baisser encore la part du PIB allouée à la Défense, déjà notoirement insuffisante pour une nation à ce point ambitieuse. C'est bien la moindre incohérence que vous devez à vos armées. Si les grognards s'avisaient de grogner vous pourriez toujours leur rappeler qu'à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire...

Puisque, finalement, vous avez si peu de personnalité, et même — malgré toute la subtilité d'esprit que vos condisciples d'énarchie vous reconnaissent — vous manquez à ce point de la vision haute d'un véritable chef d'Etat que vous êtes seulement capable de singer le battu de mai 2012, on finirait par se demander, selon une formule de la tonitruante Marine, s'il n'aurait pas mieux valu préférer l'original à la contrefaçon...

« Allons enfants de la Patri-i-e ! Le court de gloire est arrivé...  »

Crédits photos, de haut en bas : Zo d'Axa, "Il est élu", affiche de La Feuille, 1899 ; Rebelles syriens, © Freedom House ; Mouammar Kadhafi, 1969, © AFP ; Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi, 2007, © François Mori / AFP ; Miliciens d'Ansar Dine, © Stringer / Reuters ; François Hollande, © Alain Jocard / AFP.


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