Chypre est au bord du gouffre.
Les médias parlent surtout de son secteur bancaire et peu de la dette publique et des déficits budgétaires de ce petit pays de 800'000 habitants.
Pourtant, banques irresponsables et Etat ultra dépensier, même combat.
Il y aurait 68 milliards d'euros de dépôts bancaires à Chypre, soit environ quatre fois le PIB du pays, qui est de l'ordre de 17 milliards d'euros. Ce qui en soi n'est pas condamnable comme le laissent entendre les médias à l'unisson.
Seulement, cette manne a été prêtée pour partie à la Grèce - mauvais et irresponsable choix - et à des entreprises et des particuliers guère solvables - autre mauvais et irresponsable choix.
Rien qu'avec l'effacement d'une partie de la dette grecque décidée par l'Union européenne, par la Banque centrale européenne et par le FMI, les banques chypriotes ont essuyé une perte de 4,5 milliards d'euros. Pour qu'elles ne tombent pas en faillite, il faudrait les recapitaliser à hauteur de 10 milliards d'euros...
L'Etat chypriote n'est guère en meilleur état, sans jeu de mots, puisque la dette publique s'élève à 71,6% du PIB, soit à 12
milliards d'euros, et que le déficit budgétaire est de plus de 5% du PIB, soit de 0,9 milliard d'euros, soit encore de 10% des dépenses publiques, qui s'élèvent à 9 milliards d'euros (plus de la
moitié du PIB). Des chiffres similaires à ceux de la France...
Les besoins immédiats de l'Etat chypriote, pour faire face à sa dette publique, seraient de 5 milliards d'euros et, pour faire face aux dépenses budgétaires urgentes, de 2 milliards d'euros...
Au total banques et Etat, comme on l'a vu, ont un besoin pressant de 17 milliards d'euros, soit le montant du PIB de Chypre
...
Alors, le gouvernement chypriote a accepté de se soumettre au diktat de l'Union européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI. Cet accord sous la contrainte est particulièrement innovateur. Car, c'est bien connu, seuls les malfaiteurs savent se montrer inventifs en matière de vol...
Cette fois, pas question de toucher aux privilégiés de l'Etat (qui perçoivent des salaires deux fois plus élevés que dans le privé), ni, d'une manière générale, de réduire les dépenses publiques de ce petit Etat hypertrophié, qui, comme la grenouille de la fable, s'est voulu plus gros qu'un boeuf.
Cette fois l'impôt sur les sociétés devrait passer de 10 à 12,5% sur les bénéfices.
Mais, cette fois, surtout - c'est là la grande innovation -, les dépôts bancaires inférieurs à 100'000 euros seraient taxés au taux de 6.75% et ceux supérieurs à 100'000 euros au taux de 9,9%. En contrepartie les Union européenne, Banque centrale européenne et FMI, prêteraient généreusement les 10 milliards d'euros complémentaires à Chypre...
L'accord devrait, ou ne devrait pas, être ratifié demain par le parlement chypriote, qui pourrait bien réduire le premier taux
et augmenter le second... pour mieux faire avaler la pilule aux victimes les plus modestes. Ce qui, alors, devrait susciter une plus grande colère de la part des déposants russes, en grand nombre
et détenteurs de gros dépôts...
En tout cas, ce hold-up manifeste, opéré sur des dépôts bancaires - ce qui constitue une atteinte inédite aux droits de propriété (les déposants sont tout de même les créanciers des banques) -, pourrait bien inspirer les dirigeants français, qui n'en sont pas à un matraquage fiscal près, ni à un vol caractérisé près.
En effet les numéraires et dépôts bancaires représentaient en France 4'131 miliards d'euros en 2010, 1'159 milliards étant détenus par les ménages et seulement 103 milliards par les administrations publiques.
Cette même année 2010, la charge de la dette publique représentait 48 milliards d'euros et le déficit budgétaire le double, soit 96 milliards.
Ne serait-ce pas une bonne idée que de taxer l'épargne liquide des ménages et des entreprises français au modique taux de 5%, ce qui représenterait quelque 200 milliards d'euros de recettes? De quoi rendre le budget excédentaire, de quoi assurer la charge de la dette et même rembourser une partie de celle-ci...
Seulement bien mal acquis ne profite jamais. Et la fuite des capitaux de cet enfer fiscal, qu'est déjà devenue la France normale
de François Hollande, n'en serait que plus ample et plus justifiée moralement. Ce dernier mauvais coup socialiste pourrait bien être le coup de grâce du régime ... Mais,
succombera-t-il à cette tentation suicidaire?
Francis Richard
La photo du président chypriote Nicos Anastasiades qui illustre cet article provient d'ici.