Rares sont les champions d'aujourd'hui à connaître l'histoire de leur discipline. Les footballeurs encore moins que les autres. Les stars de la spécialité, à quelques exceptions près, s'intéressent bien plus au nombre de 0 sur leurs contrats qu'à ceux ayant avant eux porté leurs maillots de fortune. Zlatan Ibrahimovic, serial buteur iconoclaste et champion du "tout à l'ego", ne diffère guère en la matière de ses collègues de travail archi monétisés. Dame, quand on est trimballé d'un club à l'autre en limousine ou jet privé, comme un lingot dans un camion de transport de fonds, toutes les pelouses se ressemblent et ceux qui les ont foulées avant vous n'existent guère… Viendrait-il à l'idée d'un trader de s'intéresser à la biographie de celui qui boursicotait avant lui sur le même clavier ?
Qu'Ibra bombe le torse et déclare qu'avant lui au PSG il n'y avait rien n'a donc en soi rien d'étonnant. Mais comme la première tête de gondole de la désormais multinationale qatarie est loin d'être stupide, on ne saurait trop lui conseiller de taper "Safet Susic PSG" sur Youtube. Ne serait-ce que par respect pour la part de sang bosniaque qui coule dans ses veines. Il y verra dans ses œuvres celui que les supporters parisiens appelaient affectueusement le "Papé", milieu de terrain inatteignable du PSG des années 1980. Le meneur de jeu bosniaque n'était pas un monstre physique, contrairement à Zlatan et ses coéquipiers. De taille moyenne, son maillot flottant trahissait même parfois un léger embonpoint. Mais quand il avait la balle au pied et qu'il était dans un grand jour, le Parc des Princes ronronnait de plaisir. Des arabesques tout en folie balkanique, une classe folle et un coup de patte de génie, qui ont permis au Paris de Francis Borelli de commencer à garnir son armoire à trophées, avec entre autres un premier titre de champion de France en 1986.
Un souvenir, datant de la finale de la coupe
de France 1983. Ce soir-là, les supporters des canaris nantais jubilaient après le but le plus célèbre marqué par l'éphémère "Brésilien" José Touré, un artiste lui aussi. Ils
voyaient déjà le trophée au stade Marcel-Saupin ramené dans ses bagages par "Coco" Suaudeau et ses boys. Mais c'était oublier que Paris aussi avait un bon génie. Je revoie Safet
égaliser. Enrhummer Seth Adonkor, le défunt frère de Marcel Desailly, et régler son cas d'un missile lointain au gardien nantais. Puis servir Toko d'une passe "caviar", qui emballe l'affaire sept
minutes avant le coup de sifflet final. Victoire 3-2, la tribune Boulogne chavire et Safet devient l'idole de Paris.
Alors tu vois Zlatan, tu n'as même pas besoin d'ouvrir un autre livre que le tien !
Tu prends ta tablette ou ton ordi, tu vas sur Youtube et tu tapes les bons mots clés. Je peux même t'en suggérer plein d'autres, qui ont permis à Paris d'écrire sa légende et son palmarès. Dans
le désordre et sans exhaustivité : Dalheb, Raï, Valdo, Simone, Ginola, Lama, Le Guen, Ricardo, Surjak, Rocheteau, Weah, Fernandez… Vue de 2013, leur aura brille peut-être moins bien que la
tienne. Mais eux ont gagné des titres avec Paris ce qui, arrête-moi si je me trompe, n'est pas encore ton cas…