Nous sommes d'accord : consommer et écologie sont deux mots qui ne riment pas. Lorsque j'ai feuilleté le catalogue qui référence 1 000 produits ou façons de consommer "vert" et/ou éthique, j'ai d'abord été dubitative et je me suis demandé s'il ne s'agissait pas là tout simplement d'une autre opération commerciale qui ferait une fois de plus la part belle à des entreprises toujours à l'affut de la juteuse niche marketing qui viendra gonfler leurs ventes.
Aujourd'hui, les librairies fleurissent leurs vitrines avec les ouvrages "bio/écolo" (Aspen, il est vraiment temps que l'on édite notre bouquin, la mode est au vert...) Vous trouverez une autre interview de nous dans le magazine JALOUSE du mois de mai, à croire que mai est un mois plus propice qu'un autre à l'écologie!
Hier, en passant devant la pharmacie, je découvre en vitrine les crèmes minceur de Weleda, célèbre marque pionnière dans les cosmétiques bio, qui ne résiste pas, elle non plus au chant des sirènes commerciales : n'est-ce pas une honte de proposer des crèmes pour maigrir lorsque l'on se dit engagé dans une démarche responsable et que l'on sait que 24 000 personnes meurent de faim chaque jour dans le monde et qu'il suffirait peut-être à nos organismes gâtés de consommer une nourriture plus pauvre en graisse et en sucre pour lutter efficacement contre ces rondeurs! Le plus paradoxal était sans doute cette petite "trousse en chanvre" offerte pour 2 produits achetés... Comment inciter à consommer plus en nous donnant l'illusion de consommer mieux...
Consommer, que ce soit "responsable" ou pas, plutôt que de recycler, de partager et fabriquer soi-même, c'est de toute façon augmenter son empreinte écologique, gaspiller de l'énergie et participer à du non-sens.
La meilleure façon d'être responsable face à la consommation est encore d'entamer une réflexion sur ce besoin et de réaliser que notre course au bonheur matériel, que notre fuite en avant consumériste participent à épuiser les ressources et à creuser le déséquilibre social entre le Nord et le Sud. Importer de la nourriture bio de l'autre bout de la planète, utiliser les plantes exotiques pour fabriquer des gels douches (tout écolos qu'il soient), boire du café et manger du chocolat, même bio et équitables sont de toute façon des non-sens.
Cependant, je crois aussi que beaucoup de personnes découvrent ou s'intéressent à l'écologie justement à cause de ce battage médiatique. Et il est bien évident que c'est par les changements de comportement, par l'éducation, l'information et surtout l'investissement, même minime, de chacun que les choses pourront durablement évoluer. Ce catalogue met l'accent sur le fait que nos politiques et nos industries bougeront à la force du porte-monnaie.
Puisque nous sommes dans un monde de la consommation, alors appelons les consommateurs à inverser la tendance du "tout polluant". Il est évident que lorsque l'on débute en écologie, on commence rarement par installer d'office des toilettes sèches dans sa maison et faire sa vaisselle à la cendre...
Ceux qui ont déjà lutté contre une dépendance le savent : on ne peut pas se priver de tout du jour au lendemain sans ressentir le manque qui nous conduira souvent à l'overdose, dans un moment de faiblesse. Alors peut-être que ce catalogue sera utile à ceux qui, loin d'être prêts à révolutionner leur vie, sont pourtant sensibles à leur manière de consommer. Savoir acheter ses appareils électroménagers, ses cosmétiques, sa nourriture, ses produits d'entretien pour la maison c'est un bon début. Voilà pourquoi ce catalogue ne me parait finalement pas une mauvaise initiative.
Faire évoluer son caddie, découvrir d'autres façons de voyager ou d'investir son argent, c'est peut-être là le début d'un lent processus qui fut le mien. La Terre ne s'est pas faite en un jour et ne renaîtra pas non plus de ses cendres en deux coups de baguette magique. Les consommateurs ne deviendront pas, du jour au lendemain, des écolos convaincus, mais échanger son téléphone portable énergivore contre un modèle classé dans le topten de Greenpeace, c'est un début, qui peut ensuite, doucement, conduire à abandonner totalement l'usage du portable...
Le chemin de l'écologie ne ressemble pas à ces belles autoroutes goudronnées. Personnellement, voilà 7 ans que je m'y intéresse et je suis bien loin du but que j'aimerais un jour dépasser. Et mon cheminement a connu plusieurs périodes :
- la découverte d'abord, avec cette difficulté à trouver des informations cohérentes, claires et faciles à mettre en oeuvre pour la novice que j'étais. Ce genre de bouquin m'aurait sûrement aidée.
- l'effet de mode ensuite : j'affichais bien en évidence sur l'étagère de la cuisine les produits labellisés BIO pour que les copains le remarquent. Acheter bio, sans aucun doute, ça en jetait! (c'était la phase "consommatrice")
- puis vint la réelle prise de conscience : petit à petit, l'effet de mode se transformait en besoin vital et en réflexions. Et la découverte du mouvement de la simplicité volontaire. Ce fut le moment de l'ouverture de ce blog.
- les tâtonnements aussi enthousiastes que disparates suivirent : j'essayais tout, dans tous les sens, je lisais et m'informais beaucoup, laissant peu à peu définitivement derrière moi d'anciennes habitudes et des dépendances matérielles. Ce fut aussi l'époque d'une autre prise de conscience : ce n'est pas parce qu'un produit porte un label bio ou équitable qu'il est pour autant "propre" et sans conséquence pour la planète. Cette phase correspond à tous ces article que j'ai écrit sur l'achat local, sur les plats préparés bio ou autres gadgets écologiques... On ne peut faire confiance qu'à sa vigilance, l'étau se resserre...
- l'angoisse monta en même temps que je réalisai à quel point le chemin est long et escarpé et à quel point mon empreinte écologique est encore importante : ce fût le moment des restrictions, des sacrifices et des changements radicaux à la maison. C'est cette "repentance" qui me fit pousser des coups de gueule ici contre "ceux qui ne voyaient pas l'importance d'agir"! Je voulais convaincre tout le monde, je ne supportais plus les gaspilleurs et les profiteurs, je les harcelais et j'étais terrorisée à l'idée d'assoiffer la planète dès que je prenais une douche.
- il y eut 9 mois de "jeûne" ensuite. Drapée telle Phèdre dans mon sacrifice et ma dignité écorchée, je n'ai plus rien écrit ici, ni animé de soirées débat dans mon asso, ni vu grand monde d'ailleurs. Ce temps me permit de faire le tri entre les bonnes et les mauvaises convictions, entre ce que j'ai envie de donner et de recevoir, entre mes besoins vitaux et le superflu.
- et enfin, aujourd'hui, un bel équilibre entre des convictions assumées et des paradoxes ou plaisirs vécus sans culpabilité. Oui, je prends l'avion demain pour partir en Ecosse car J'ADORE voyager et aller à la rencontre d'autres cultures, oui je continue à manger du chocolat extra noir et à boire 2 litres de thé par jour... mais je n'en éprouve pas de culpabilité car je sais aussi ce que je fais, par conviction, pour la terre de mes enfants et je sais aussi que ce chemin me mènera toujours, mais à mon rythme, plus loin que je ne l'aurais imaginé vers moi-même et vers la vie qui me parait la plus juste et la plus adaptée à ce que je suis, en relation avec les autres humains de cette planète et l'environnement.
Alors, au final, si parfois je râle encore contre ces marchands du vert, je me rappelle aussi qu'il faut bien commencer un jour et que l'on commence rarement par le sommet...