Réalisé par Sam Raimi
Écrit par Mitchell Kapner et David Lindsay-Abaire
Avec James Franco, Michelle Williams, Mila Kunis, Rachel Weisz, Zach Braff, …
2h10
Résumé
Oscar “Oz” Diggs, prestidigitateur arnaqueur, est emporté par une tornade alors qu’il tentait d’échapper à un de ses opposants. Il se retrouve dans un merveilleux pays nommé Oz où il fait la rencontre de deux sublimes sorcières qui le prennent pour le magicien venus sauver leur pays. Honoré et attiré par le formidable trésor du royaume, il décide d’aller tuer la vilaine sorcière du Nord pour ramener la paix, jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il s’est finalement fait duper…
Avis
Est-il vraiment utile et intelligent de vouloir créer un prequel à l’un des plus grands classiques de l’histoire hollywoodienne qui a marqué des générations entières de spectateurs ?
Si la réponse ne tenait qu’à la personne qui écrit ces quelques lignes, on serait vite fixé : ça serait un bon gros « NON », et puis ça serait torché.
Malheureusement, et vous vous en doutez bien, les firmes hollywoodiennes ne sont pas du même avis, et en particulier Disney qui, tentant de reprendre le flambeau du chef d’œuvre de Victor Fleming, vient de nous offrir l’un des films les plus inutiles de ce début d’année !
Tout d’abord, et afin d’être clair dès le départ, il est important de signaler que le film de Sam Raimi n’a finalement que très peu de rapport avec l’œuvre filmique original de la MGM.
Cherchant à anticiper les évènements qui se passaient dans le film de 1939, Le monde fantastique d’Oz (Oz : The Great and Powerful) tâche de nous montrer comment le fameux magicien d’Oz est arrivé dans ce pays multicolore et comment on en est arrivé à cet immense conflit avec les différentes sorcières du pays, le tout en se basant sur l’œuvre de L. Frank Baum mais également en extrapolant sur cette dernière.
Le résultat est un film qui déçoit constamment, pas vraiment dans l’histoire (finalement pas si mauvaise voire même roublarde), mais surtout du point de vue de la technique, qui souffre de la comparaison avec son glorieux aîné.
Deux questions ressortent de cette longue séance de plus de 2h : les avancées technologiques permettent-elles vraiment de créer un univers visuel plus féérique, plus inventifs ? Et au final, tout cela, est-ce encore du cinéma ?
Le fait que ce film soit intimement lié à un classique sorti il y a plus de 70 ans nous permet une comparaison plus facile et plus évidente.
Pour ce qui est des avancées technologies la comparaison est ici assez simple puisque les deux films traitent du même univers, du même monde (à quelques jours, mois ou années près) par des moyens radicalement différents.
Le magicien d’Oz a beau être un sommet du kitsch et de grandiloquence hollywoodienne, il n’en demeure pas moins l’un des films les plus mythiques de l’histoire du 7ème art, et surtout un monument de féérie qui a irrémédiablement marqué des générations de spectateur (il est généralement considéré comme étant le film le plus vu au monde).
Tout est artificiel, tout est fabriqué, tout est un désuet (surtout pour le spectateur contemporain), mais on l’accepte, on l’oublie, on en rit, et on profite d’un spectacle unique en son genre qui émerveille toujours autant malgré son ridicule sous-jacent.
Le problème de ce prequel de 2013, c’est qu’il ne retrouve jamais cet esprit naïf, bon enfant et kitsch du film de Fleming.
L’artificiel qu’on retrouvait dans la production MGM était visible, mais on était en 1939, et on acceptait (et on accepte toujours !) qu’un lion ne ressemble pas à un lion, qu’un homme de fer ressemble à un homme-entonnoir maquillé en gris, ou que les décors soient du simple carton peint.
L’artificiel dans l’œuvre de Sam Raimi, est elle, en revanche, beaucoup moins acceptable.
Si le réalisateur et ses scénaristes avaient voulu jouer sur le décalage ou bien rendre un hommage appuyé à la version de 1939, ça serait passé crème et ces plans d’incrustation ridicules sur la route vers la cité d’Emeraude (où James Franco, cabotin, et Mila Kunis, inexistante, semblent eux-mêmes gênés de ce qu’ils sont en train de faire) n’auraient posé aucun problème.
Seulement voilà, Le monde fantastique d’Oz, et ses horribles couleurs criardes, n’est en rien un hommage au Magicien d’Oz et tente constamment de s’en détacher.
C’est d’ailleurs assez ironique en soi : tout le monde sait pertinemment que ce film ne peut exister et n’a aucun intérêt, sans la version de Fleming, et pourtant, il s’en éloigne sans cesse, quitte à étirer l’action pour se donner de la crédibilité, de l’épaisseur.
C’est d’ailleurs ce qui nous amène à notre second point : tout ceci est-il encore du cinéma ?
Bien sûr Le magicien d’Oz est une œuvre commercial, une superproduction dithyrambique destinée à la masse dans le seul but de lui en mettre plein la vue. Cela ne sert à rien de se voiler la face et de sacraliser trop fortement ce film.
Seulement voilà, les intentions avaient beau être primaires de la part des studios, le film ne demeure pas moins une incroyable réussite formelle, fruit de la collaboration de multiples talents qui ont su retranscrire à merveille l’univers de L. Frank Baum.
Quelles sont les intentions de ce Monde fantastique d’Oz, en revanche, hormis faire de l’argent sur le dos d’un chef d’œuvre en en offrant une pâle copie uniforme et sans vie pour toucher l’inconscient d’un public non imaginatif pour qui le terme « Oz » signifie « caution intellectuelle et référentielle » (voire série télévisée pour les moins cultivées) ?
On peut se demander de deux façons si le film de Sam Raimi représente encore le cinéma : tout d’abord par la façon dont il a été imaginé (ce qui vient d’être vu précédemment, et qui ne correspond en rien à ce que devrait être et ce que devrait créer Hollywood), et ensuite, par rapport à tous les moyens techniques qui sont mis en place pour réaliser une superproduction en 2013.
Comment se fait-il que les décors en carton-pâte imaginés par Cedric Gibbons (chef décorateur hollywoodien de légende, à qui l’on doit notamment la création de la statuette des Oscars) paraissent plus crédibles, ébouriffant et magiques que les ersatz numériques crées actuellement sur nos écrans ?
Les films crées numériquement représentent une nouvelle étape dans le cinéma ; c’est une évidence et il faut l’accepter. Mais ne devrait-il pas rester une place pour le savoir-faire manuel et pour les décors réels ?
Au final, le cinéma hollywoodien existe-t-il encore vraiment ?
Cette surenchère dans les effets spéciaux ne date pas d’aujourd’hui et Sam Raimi n’est pas le seul que l’on doive blâmer, mais le caractère imitatif inhérent de son dernier film symbolise à merveille les troubles dont souffre l’industrie cinématographique à notre époque.
Peut-être suis-je le seul à le penser. Peut-être deviens-je un gros con réac et passéiste… Toujours est-il que je ne supporte plus le fait de voir des films où les acteurs jouent devant des fonds verts et où les artifices visuels et pyrotechniques viennent prendre la place de ce que devrait être vraiment le cinéma.
Le spectateur « popcorné » est un con, mais il mérite mieux que ça !
L’utilisation de l’expression « artifices visuels et pyrotechniques » est d’ailleurs intéressante, car elle va nous permettre de conclure cette chronique en parlant du film en soi et non plus des dérives qui l’entourent.
Étrangement, Sam Raimi et ses scénaristes, pour la conclusion de leur film, semblent avoir compris que ce qu’ils font est contre-productif, anti-cinématographique et superficiel.
Comme s’ils voulaient montrer qu’ils sont allé trop loin dans l’utilisation des effets spéciaux, ils concluent leur film de la plus belle des manières (cette conclusion finale est sans nul doute l’une des seules scènes intéressantes de ce grand échec) en nous montrant un homme qui utilise le bricolage, l’intellect et… un pré-dispositif cinématographique (une sorte de praxinoscope) pour sauver le monde d’Oz et sa propre vie.
C’est assez ingénieux, très ironique, peut-être involontaire, mais toujours est-il que ça fonctionne très bien, et que cela sauve le film du désastre absolu.
Pour le reste, on va plutôt ressortir notre vieux DVD du Magicien d’Oz et se délecter devant les aventures fantasmagoriques (et Technicolor) de Dorothy et Toto !