Au milieu des années 1960, Shakes, Tommy, John et Mickael sont quatre amis du Hell's Kitchen, un quartier de New York, qu'une mauvaise blague conduit en maison de redressement. Ils y deviennent les victimes de quatre gardiens, dont Sean Nokes, un pédophile sadique. A leur sortie, ils ne sont plus les mêmes et tentent de vivre malgré la hantise du passé. Jusqu'au jour où, des années plus tard, Tommy et John croisent Nokes dans un restaurant.
Sleepers, c'est l'histoire d'une construction impossible et d'une vengeance froidement orchestrée. Les sévices infligés aux héros sont épargnés au spectateur qui n'en voit que les conséquences, physiques pour les coups, psychologiques pour les viols. Barry Levinson délivre une terrible histoire avec pudeur et montre comment les traumatismes de l'enfance influent sur l'âge adulte.
Malgré un environnement difficile et dangereux, ces garçons grandissent dans une sorte d'insouciance, comme si jamais rien ne pourrait leur arriver. Jusqu'au jour malheureux où la plaisanterie tourne au drame. La réalité leur explose au visage. Leur vie avant la maison de correction m'a fait penser à Stand By Me. Les quatre gamins pensent être amis à la vie à la mort et cette amitié va être rudement éprouvée par les événements. Les quatre acteurs ne sont pas exceptionnels mais vraiment très crédibles. Ils donnent beaucoup de dignité à leur personnage. Quant à Kevin Bacon, leur tortionnaire, il est ignoble à souhait! Il incarne la plus infâme des ordures à la perfection! Il est purement exécrable. Cette partie du film est vraiment captivante.
Dans la seconde partie du film, les quatre adolescents sont devenus adultes. Deux d'entre eux sont des criminels impitoyables, le troisième est procureur et le dernier journaliste. Les deux criminels abattent Nokes de sang froid et sont jugés pour meurtre avec préméditation. Mickael voit là l'occasion de ruiner la vie de ses anciens bourreaux, et mobilise les piliers de Hell's Kitchen pour l'aider, s'inspirant de son livre de chevet, Le comte de Monte Cristo. Malgré un casting d'exception, je trouve que la deuxième partie ne vaut pas la première. Elle est trop centrée sur Mickael et Shakes et laisse Tommy et John à l'état de figurants. A part la scène du bar, ils sont là mais ne disent absolument rien! Pourtant, analyser leur descente aux enfers aurait pu être intéressant. Cette deuxième partie montre un admirable coup monté mais manque de finesse et de psychologie.
Malgré tout, c'est un très beau sujet sur la vengeance; une vengeance réfléchie et sans effusions de sang (enfin presque).
N.B L'affiche est trompeuse et ne met pas en lumière les véritables héros de ce film. A part Robert De Niro qui joue un prêtre compréhensif, les autres poids lourds hollywoodiens comme Dustin Hoffman ne font que des apparitions, excellentes certes mais brèves, et les acteurs qui portent vraiment le film ne sont pas du tout mis en avant, c'est regrettable.