Le 18 mars 1871 marque le début de la Commune de Paris, révolution ouvrière et populaire, qui, pour la première fois dans l’histoire posera les bases d’un pouvoir prolétarien.
Je suis très sensible au fait d’être ce matin du 18 mars 2013 un socialiste en devoir de mémoire. Ce geste n’est pas anodin et il est le fil même de mon engagement pour l’expression des solidarités et des droits sociaux comme cette toujours malheureusement utopique égalité salariale homme/femme alors qu’elle fut décrétée en 1871! Et je ne suis pas un dinosaure qui déterre de vieilles badernes « marxisantes à l’heure des ultra-libéralismes et des glissades dangereuses vouées à la Raison d’une économie dite libérale qui ne prend tout son sens que dans la croissance des inégalités…
La Commune demeure ensevelie sous une chape de silence, bien qu’elle soit ou plutôt parce qu’elle est porteuse de valeurs, valeurs battues en brèche par les héritiers de ceux qui massacrèrent les Communards.
L’insurrection communarde naît d’un sursaut patriotique contre la faillite, voire la trahison, des équipes dirigeantes durant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, et d’un puissant réflexe républicain contre les périls d’une restauration monarchique. Comme le proclame le Journal officiel du 21 mars 1871, ” Les prolétaires de la capitale, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l’heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques. ”. Cette révolte, réponse à la provocation de Thiers du 18 mars, se transforme en révolution du peuple de Paris qui au nom de sa souveraineté et dans le droit fil de la Constitution de 1793 va engendrer un processus de démocratie dont le sens est précisé par le Comité central de la Garde nationale, installé à l’Hôtel de Ville depuis la soirée du 18 mars. Dans son appel aux électeurs le Comité précise sa conception de la démocratie : ” Les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion, sont révocables, comptables et responsables ” ; et, le 24 mars : ” Quand nous pourrons avoir les yeux partout où se traitent nos affaires, partout où se préparent nos destinées, alors, mais alors seulement, on ne pourra plus étrangler la République. “
Cette souveraineté populaire s’inscrit dans la filiation de la Constitution de 1793, qui proclamait ” le droit à l’insurrection ” comme ” le plus sacré des droits et le plus imprescriptible des devoirs “.
La démocratie s’étend à la société, à l’entreprise, à l’atelier…Des chambres syndicales, des comités coopératifs surgissent et inspirent le décret du 16 avril qui prévoit la remise en marche par les ouvriers associés des ateliers que leurs patrons ont désertés.
L’un des points d’ancrage très fort de la Commune se retrouve dans l’émergence d’une conscience féminine, féministe. Les femmes sont sur le devant de la scène dès le 18 mars avec Louise Michel… L’enfant de la Commune, l’écrivain Jules Vallès, dans Le Vengeur du 12 avril 1871, décrit avec enthousiasme : ” J’ai vu trois révolutions, et, pour la première fois j’ai vu les femmes s’en mêler avec résolution, les femmes et les enfants. Il semble que cette révolution est précisément la leur et qu’en la défendant, ils défendent leur propre avenir. “
Est alors créé le premier mouvement féminin de masse, l’Union des Femmes, qu’animent Elisabeth Dmitrieff, aristocrate révolutionnaire russe de 20 ans, et Nathalie Le Mel, une bretonne de 45 ans, ouvrière relieuse.
La Commune ouvre une brèche vers la libération des femmes. Les projets d’instruction pour les filles visent à affranchir les femmes des superstitions et de l’emprise de l’Eglise, considérée comme l’âme de la contre-révolution. Les femmes obtiennent à travail égal, salaire égal, et créent de nombreux ateliers autogérés. Dans quelques quartiers les élus appartenant à l’Internationale associent des femmes à la gestion municipale ( il a fallu attendre bien longtemps pour les retrouver aux seins des assemblées locales et encore plus pour trouver la parité ). En cette époque où régnait un ” ordre moral “, la Commune officialise l’union libre, conférant à la famille constituée hors mariage (concubins, enfants naturels) sa première reconnaissance légale. Enfin, la Commune bannit la prostitution considérée comme une forme de ” l’exploitation commerciale de créatures humaines par d’autres créatures humaines. “ ( alors qu’aujourd’hui une certaine forme de perversité mentale voudrait y reconnaître l’exercice d’un travail !!! )
Durant la Semaine sanglante, les femmes combattent sur les barricades, à l’image de Jeanne-Marie que glorifie Arthur Rimbaud, et de Louise, l’infirmière de la Fontaine-au-Roi, à qui J. B. Clément dédie Le Temps des Cerises.
Ce rôle pionnier des Communards suscite la haine des Versaillais, qui forgent le mythe des ” pétroleuses “. Et Alexandre Dumas fils, auteur de La Dame aux Camélias, ose écrire : ” Nous ne dirons rien de leurs femelles par respect pour toutes les femmes à qui elles ressemblent quand elles sont mortes. “ ( heureusement que cela soit son père qui ait été panthéonisé !)
Et à l’heure du débat, toujours re-actualisé comme une Arlésienne, sur le droit de vote des étrangers, la Commune dans un esprit universaliste et républicain, novateur et expérimental, unique dans l’histoire, va accorder aux étrangers le droit d’être des citoyens à part entière. D’ailleurs plusieurs étrangers ont occupé une place dirigeante comme par exemple un exilé juif hongrois, ouvrier bijoutier, Léo Frankel, qui a siégé au Conseil général de la Commune. La commission des élections, le 30 mars 1871, valide ainsi son élection : “ Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent [...], la commission est d’avis que les étrangers peuvent être admis, et vous propose l’admission du citoyen Frankel.. ”Léo Frankel est promu ministre du Travail et inspire toute l’œuvre sociale de la Commune. Des généraux polonais, Dombrowski et Wrobleski, assument des commandements militaires. Elisabeth Dmitrieff dirige l’Union des Femmes.
Aujourd’hui je veux comme élu socialiste j’entend par cette petite contribution rendre cet hommage à la Commune dont l’œuvre est d’une richesse foisonnante. Cette Commune qui voulait assigner à la société cet objectif d’établir « le bonheur commun » (est-ce à dire l’esquisse d’un vivre ensemble que nous noyons dans le slogan d'une communication manipulée par les publicistes politiques où celui auquel nous aspirons réellement. car j'exprime une défiance totale envers ces communiquants dissimulés sous leurs jargons d'anglicisme...?) Cette Commune répondant aux aspirations du peuple de Paris aboli le travail de nuit, interdit les amendes et retenues sur les salaires, combat le chômage, interdit l’expulsion des locataires et exerce un droit de réquisition sur les logements vacants. Cette Commune qui établit la gratuoité de la justice, qui instaure l’école laïque, gratuite et obligatoire, qui crée un enseignement professionnel, y compris pour les filles et entame une réforme de l’enseignement. Je pense à cette Commune pionnière de l’éducation populaire en instaurant des cours publics que Louise Michel évoquera en ces termes :” Partout les cours étaient ouverts, répondant à l’ardeur de la jeunesse. On y voulait tout à la fois, arts, sciences, littérature, découvertes, la vie flamboyait. On avait hâte de s’échapper du vieux monde. ”
Elu à la Culture comment ne pas évoquer le rôle de la Commune qui rouvre bibliothèques, musées, théâtres et qui donne des concerts publics aux Tuileries. La Culture au cœur de la Commune car fondatrice de cette nouvelle société à bâtir. Je m’y serai senti bien, reconnu dans cette effervescence politique qui a pris soin de ne pas mettre sur une voie de garage la Culture. Même au prix d’un grand effort !!! La question du Théâtre que nous nous posons à Fontenay aurait trouvé un grand enthousiasme au regard des freins structurels posés aujourd’hui pour enrayer ce dynamisme. Dans cet épanouissement de la culture populaire, un rôle important est dévolu à la Fédération des Artistes (avec Courbet, Daumier, Manet, Pottier…), qui place en tête de son programme ” la libre expansion de l’art, dégagé de toute tutelle gouvernementale et de tous privilèges “.
Tout cela s’est effondré en raison d’une haine féroce des classes dirigeantes ( oui cela existe une classe, n’en déplaise à certains ! _ il y a des dominants, des dominés, il y a des violences sociales ) nourrie par la peur! Mais la Commune a permis de « caler la République » comme le souligne Jules Vallès. Elle a permis les futures réalisations de la IIIe république avec la laïcité de l’école et son caractère obligatoire… Victor Hugo écrivait avec son a-propos cinglant : ” Le cadavre est à terre, mais l’idée est debout. “
La Commune a porté un germe sur le mouvement social et a inspiré en profondeur la gauche française en alimentant les revendications du Front , le CNR en 1945 et les révoltes de mai 1968. Elle souligne tous les combats pour l’amélioration de nos conditions.
La commémorer aujourd’hui, pour un élu socialiste, c’est le devoir d’inscrire au jour le jour des agendas sociaux le combat contre les inégalités ( sociales, hommes/femmes, culturelles, territoriales,…), c’est la Raison d’une lutte contre le racisme, la xénophobie et les fanatismes… C’est le refus des exclusions ( les handicaps, l’étranger, l’autre,…), c’est l’ouverture vers l’éducation, c’est l’effort vers le logement, c’est la recherche d’un développement durable... C’est l’effort d’une convergence vers l’autre, cet autre en souffrance.
Je vais rappeler à mes collègues de la majorité municipale, ce soir lors du BM que nous ayons ce temps de mémoire et surtout cette envie de prolonger ces axes fondateurs de nos exigences sociales.