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Adrénaline

Publié le 18 mars 2013 par Toulouseweb
AdrénalineL’AF447, encore et toujours.
La bonne compréhension du transport aérien peut mener loin, voire au-delŕ des limites habituelles de l’épure. Hier, il fallait maîtriser les subtilités techniques des batteries lithium-ion, aujourd’hui, il est indispensable de comprendre les effets bénéfiques d’une montée d’adrénaline sur un pilote de ligne confronté ŕ l’imprévu. On peut poser la question autrement : en cas d’absence de sommeil, qui plus est en pleine traversée nocturne de fuseaux horaires, un pilote trčs fatigué peut-il reprendre rapidement ses esprits, retrouver tout son savoir-faire, grâce ŕ une salutaire montée d’adrénaline ?
Le cas de figure supposé s’applique au commandant de bord du vol Air France AF447 Rio-Paris qui a plongé dans l’océan Atlantique le 1er juin 2009, faisant 228 victimes et déstabilisant durablement la communauté de la sécurité aérienne.
On croyait tout savoir sur l’accident. Survient, lŕ oů personne ne l’attendait, en plein week-end, un article mis en ligne par lepoint.fr, que signe Thierry Vigoureux, bon connaisseur des ces questions. Il affirme que le rapport judiciaire sur l’accident fait état de l’extręme fatigue du commandant de bord, qui aurait avoué n’avoir dormi qu’une heure au cours de la nuit précédant le vol de retour vers la France. De lŕ ŕ conclure qu’il pourrait s’agir lŕ d’un facteur contributif ŕ prendre en compte, il n’y aurait qu’un pas ŕ franchir.
L’information a (évidemment) été reprise et amplifiée par lefigaro.fr dont le Ťspécialisteť aéronautique attitré, dont chacun sait qu’il n’aime pas beaucoup Air France, a aussitôt conclu que le pilote a été victime d’une confusion liée ŕ la fatigue.
S’agissait-il pour les enquęteurs du BEA de protéger par omission une donnée relevant de la vie privée ? Oů commence, oů s’arręte cette derničre quand il y a catastrophe et mort d’homme ? Et, d’un point de vue strictement pratique, les effets dommageables d’une grande fatigue doivent-ils ętre pris en compte ? Ils l’ont été en d’autres circonstances, sans qu’elles soient nécessairement comparables (on pense ŕ l’accident survenu il y a 4 ans aux Etats-Unis ŕ un Q400 de Colgan Air, devenu un cas d’école).
En termes de tous les jours, il s’agira peut-ętre de savoir si la montée d’adrénaline qui a sans doute immédiatement suivi la prise de conscience d’une situation ŕ haut risque, a compensé les effets dommageables du manque de sommeil. Entre-temps, les commentaires de la premičre heure, en pleine léthargie dominicale, ne sont gučre sympathiques pour les médias incriminés et de leur maničre d’aller au plus vite ŕ des conclusions construites sur du sable.
Les questions qui sont posées ont en effet déjŕ bénéficié d’une réponse, noir sur blanc, dans le rapport final du BEA sur l’AF447. Il y est dit que Ťl’enquęte n’a pas permis d’établir avec exactitude l’activité des membres d’équipage de conduite pendant l’escale ŕ Rio de Janeiro, oů l’équipage était arrivé trois jours plus tôt. Il n’a pas été possible d’obtenir des données relatives ŕ leurs sommeils pendant cette escale ť. Et de préciser que, de ce fait, il n’a pas été possible d’évaluer leur niveau de fatigue. Les enquęteurs du BEA n’en ont pas moins précisé que la lecture du CVR n’a pas indiqué Ťde signes de fatigue objectifsť.
Cet aspect de l’enquęte avait donc bel et bien bénéficié d’une attention particuličre, grâce ŕ la mise en place, en septembre 2011, d’un groupe de travail Ťfacteurs humainsť composé de sept experts : enquęteurs spécialisés, médecin-psychiatre, pilote d’essais, etc.
Aujourd’hui, sans le moindre recul, certains observateurs font état de leur consternation et s’insurgent contre un comportement médiatique qui tient Ťd’un inacceptable lynchageť, d’une médiatisation ŕ outrance qui recommence ŕ faire des dégâts, ŕ multiplier les dommages collatéraux. Cela sans qu’il soit utile d’en rajouter, chacun sachant de longue date que les facteurs humains sont au cœur de l’enquęte depuis que les deux enregistreurs de l’AF447 ont été remontés ŕ la surface et étudiés avec une attention extręme. Peut-ętre l’étape suivante de cette escalade infernale consistera-t-elle ŕ reprocher ŕ Air France de loger ses pilotes, lors de l’escale de Rio de Janeiro, au Sofitel Copacabana. Oů va-t-on ? Dans le mur !
Pierre Sparaco - AeroMorning

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