Test : Casque Shure SRH940

Publié le 18 mars 2013 par Tupperwav @TupperWav

Shure et certain ?

La société « Shure Brothers Inc/Shure Incorporated » doit aujourd’hui sa notoriété aux équipements de studio professionnels qu’elle réalise.

Cette entreprise américaine installée dans la banlieue de Chicago fête cette année ses quatre-vingt-huit printemps. C’est à sa production de cellules magnétiques destinées à la lecture des disques vinyles et au look indémodable de son célèbre micro voix « S55″, encore visible sur de nombreux plateaux de télévision, que cette marque doit d’être connue du grand public.

Shure a été précurseur dans de nombreux domaines de la prise et de la restitution des sons, et reste à la pointe des technologies par l’importance de ses départements R&D et de ses laboratoires.

Présent sur le marché intras depuis plusieurs années, et notamment avec les écouteurs de la série « E » qui remportèrent un vif succès auprès du grand public, Shure ne s’est intéressé aux casques que tardivement.
Ce n’est qu’en 2009 que le constructeur a présenté trois nouveaux modèles de casques professionnels : les SRH840, SRH440 et SRH240.

Aujourd’hui l’offre s’est étoffée, elle se compose de deux familles de produits : « DJ » et « STUDIO », cette dernière se décline selon 6 modèles, d’architectures différentes, dont 4 casques fermés et 2 ouverts.

Série STUDIO

Le SRH940, modèle récent de milieu de gamme, fera l’objet du présent essai.

La vocation professionnelle des équipements Shure s’impose avec le SRH940. En effet ce casque circum-auriculaire fermé semble conçu pour le studio et le monitoring, il faut donc s’attendre à une réponse audio précise, sans coloration ni artifices. 
Nous verrons au fil de cet article si Shure a réussi à concilier la rigueur nécessaire à l’usage en studio, et la musicalité indispensable à un casque HiFi.

L’objet : imposant !

La présentation de ce casque est remarquable ; il est en effet proposé dans un boîtier de caoutchouc moulé de qualité, qui ne cherche pas à être inutilement prestigieux, mais simplement pratique et protecteur pour le transport. Les accessoires fournis sont utiles : deux câbles de raccordement de bonne facture, un jeu de coussinets d’oreillettes de rechange et un adaptateur jack de 6,3 mm. Il s’agit bien là d’un équipement à l’attention de professionnels.


Le SRH940 n’est pas un produit luxueux ; réalisé en plastique, chaque pièce est cependant parfaitement calibrée et augure d’une bonne robustesse. Les charnières sont renforcées de métal, et les pastilles de fermetures arrières des oreillettes sont elles aussi métalliques. L’arceau, réglable, est gainé de simili cuir, le crâne de l’auditeur est ainsi bien protégé. Les coussinets des oreillettes, réalisés dans un velours synthétique, sont suffisamment larges pour être confortables.

L’esthétique comme l’ergonomie générale du produit n’inspirent pas de commentaires. Le serre tête, qui impose une pression assez forte, peut provoquer à terme une certaine gêne ; c’est la contrepartie de l’obtention d’une excellente isolation acoustique.
Les câbles de connexion, munis de prises dorées, sont facilement détachables. Un système de verrouillage efficace permet de fixer le câble à l’oreillette gauche.

Malgré sa faible impédance et son rendement élevé, rendant l’usage de ce casque possible avec un baladeur, son imposant volume et son poids restent des handicaps certains pour une utilisation nomade. Il faut également noter que dans le cadre d’une telle utilisation, ce casque ne restitue pas au mieux les performances dont il est capable.
Enfin, le SRH940 se replie sans contrainte et les oreillettes basculent facilement permettant les postures « façon DJ » accompagnées du déhanchement suggestif de rigueur.

La musique : claire et tonique

Dés les premières minutes d’écoute, ce casque séduit. Il révèle une grande clarté, des aigus limpides, des basses discrètes ainsi qu’une bonne largeur de scène. L’a priori est très favorable, scrutons plus en détails la personnalité du SRH940.

Un aigu limpide,
La vélocité des drivers joue un rôle prépondérant dans la qualité et la pureté des fréquences élevées. Les aigus sont précis et puissants, d’une telle finesse qu’ils ne se montrent jamais agressifs bien que très présents. En rédacteur consciencieux, j’écris cet article en immersion complète, le SRH940 sur les oreilles, alors que le solo de batterie de Take Five, du vieux Time Out de Brubeck, traverse mon DAC. La précision des cymbales est remarquable et la tenue de l’ensemble du registre aigu est un sans faute.

Médiums aigus un peu trop en avant,
A l’usage, un léger défaut apparaît au niveau de ces fréquences, une propension à favoriser les médiums aigus. Cet inconvénient provoquera une certaine fatigue si la musique comporte de longues séquences dans ce registre, par exemple une soprano dans sa tessiture la plus haute se positionne exactement sur les fréquences concernées. Si l’ampli utilisé présente la même caractéristique « montante », le résultat peut s’avérer désagréable.
Ce petit défaut, qui d’ailleurs s’atténuera peut-être avec un rodage plus conséquent (?), ne doit pas s’avérer rédhibitoire dans le choix de ce casque, qui livre malgré tout dans ces fréquences un message précis et détaillé.

Médiums et médiums bas bien timbrés,
A l’instar des fréquences aiguës, les médiums et médiums bas sont reproduits avec une délicatesse remarquable, les timbres des altos et violoncelles offrent une réalité et une présence que l’on ne retrouve que sur des équipements de haut de gamme. Chaque instrument est à sa place, sans aucun chevauchement ni flou, quelque soit la complexité du message. Ici encore la dynamique est parfaite, aucune mollesse ni traînage ne sont ressentis.

Basses tendues et un peu sèches,
On discernera une certaine discrétion du registre grave. Impression fondée, sans doute renforcée par cet excès de mediums aigus. Les amateurs de basses profondes arrondies et physiologiques vont se sentir un peu brimés.
Mais bien vite il apparaît que les basses sont présentes et naturelles, le système ne rajoute rien et ne favorise pas cette partie du spectre, et peut être un petit peu plus de chaleur aurait été bien venue, surtout à bas volume. Le parti pris de Shure aura visiblement été de restituer des basses tendues voir un peu sèches.
Le SRH940 est cependant capable de descendre très bas, des essais en connexion avec un générateur basses fréquences restituent facilement des fréquences audibles de 30 hz.
Cette absence totale de coloration présente aussi des avantages. Certaines lignes de basses d’albums de jazz sont un vrai plaisir, et la pureté du message, jamais enrobée ni étouffée, permet de percevoir tous les détails du doigté du contrebassiste – ou dans un registre classique, les bruits mécaniques des instruments anciens, ajoutant ainsi vie et réalisme à la restitution.

La scène sonore, mieux définie horizontalement qu’en profondeur,
La scène sonore est restituée correctement avec un bon effet d’espace, les instruments sont correctement discernables au sein d’un arrangement panoramique qui permet de les situer avec suffisamment de précision. Par contre, l’étagement 3D des plans sonores est moins net. Cette restriction de profondeur est souvent ressentie à l’écoute de casques fermés.

Quelques retours d’écoute :

Vivaldi Geminiani, Sonatas for Violoncello and Basso Continuo 

Cet album participe à tous les essais de matériel. Ce sont les fréquences graves et bas médiums qui sont principalement sollicitées. La prise de son est remarquable, chaque instrument est à sa place ainsi que l’auditeur installé devant l’orchestre, et l’ensemble est déployé de manière naturelle. Chaque détail est restitué, y compris les bruits de doigts et d’archets.
Ce casque est très à l’aise dans ce registre, la viole et la basse continue sont en avant, avec toute la rugosité et la dynamique originelle, l’orgue apparaît avec discrétion, et le clavecin, plus présent, « résonne » dans l’arrière plan.
Tout est net, clair et précis. On apprécie sur ce type de musique la composante « monitoring » et l’absence de coloration de cet équipement.

Elina Garanca, Habanera (Piste 17 – L’amour est enfant de bohème : Carmen)

Cet enregistrement est un OVNI… Bien qu’un peu ampoulée dans le phrasé, cette interprétation de l’opéra de Bizet est exceptionnelle. La voix d’Elina Garanca et l’orchestration sont superbes, mais le plus remarquable vient de la dynamique de l’enregistrement, particulièrement évidente lors des reprises d’orchestre… Tympans sensibles attention !
Le SRH940 est puissant et rapide, la dynamique de l’enregistrement est donc restituée dans toute son énergie. C’est une expérience à vivre ! Par ailleurs, le registre de la voix d’Elina (mezzo-soprano) n’atteint pas les fréquences en délicatesse sur ce casque.

Allan Taylor, Hotels & Dreamers (Piste 9 & 10 : Some Dreams)

Jolie mélodie, servie par une guitare sèche un peu grinçante, la voix d’Allan Taylor chaude et grave, et quelques choeurs pour agrémenter le tout.
Il ressort de cet enregistrement, somme toute assez banal, une chaleur et une intimité évidente, que notre casque restitue parfaitement. La guitare est ciselée, le chanteur quant à lui trouve sa place au centre de la tête, impression étrange et un peu envoûtante. On apprécie l’intimité et l’isolement que fourni l’architecture fermée du casque, l’auditeur vit un tranquille moment dans sa bulle.

Wycliffe Gordon, Dreams of New Orleans (Piste 9 : Avalon)

Album intéressant à plus d’un titre. La qualité de l’enregistrement et la réalité des timbres du trombone de Wycliffe Gordon sont mis en valeur par une prise de son « binaurale », particulièrement réussie et bien adaptée à l’écoute au casque.
La formation est largement repartie devant l’auditeur, le casque Shure nous entraîne dans un espace à trois dimensions.
Là encore le dynamisme du casque transmet avec naturel chaque nuance de la musique tonique de cette formation « New-Orleans ».

Antonio Vivaldi, La Violle de Gambe en Concerto (Piste1 : Concerto con molti Istromenti – I. Allegro)

Terminons ce retour d’écoute avec cet album de Jordi Savall, beaucoup plus sérieux, qui ne pardonne rien au matériel testé.
Ici, malgré la complexité du message, les instruments ne se chevauchent pas et le casque est à l’aise, il respire et tous les instruments sont présents. Le panoramique est bon même si les plans sonores ont parfois du mal à se positionner avec précision.
Certaines fréquences aiguës, un peu grinçantes, des violons, favorisées par la courbe de réponse du casques, sont parfois trop accentuées. Une fois encore la rapidité et la dynamique du Shure lui permet de fournir une écoute agréable exempte de toute imprécision.

En conclusion : une réussite à forte connotation monitoring

Shure nous propose un excellent équipement, qui ne présente que des inconvénients mineurs. Le SRH940, est un produit réussi ! Ce casque « designé » pour le studio, qui fait preuve d’une grande neutralité, reste cependant suffisamment musical pour convenir à un usage audiophile de salon.
Sa dynamique est en tout point remarquable. C’est un casque qui supporte d’être écouté à fort volume et qui ne retient aucun crescendo ni forte.

Reste l’éternel dilemme : casque ouvert, casque fermé. On note chez les constructeurs historiques une tendance à proposer des casques ‘HIFI » fermés ; Beyer avec son T70p, AKG avec le K550 dont les qualités sont très proches de celles des casques ouverts. Cependant, lors de longues périodes d’écoute, il semble que les architectures ouvertes soient moins oppressantes. Il faut cependant porter au crédit des casques fermés l’isolation acoustique qu’ils offrent, ce qui les rend parfois incontournables.

Ce casque, fermé, très orienté « monitoring », possédant une ampleur dynamique importante avec une mise en relief particulière des médiums aigus, ne risque t il pas de provoquer une certaine fatigue lors de longues écoutes ? Fatigue auditive, mais également physique avec la pression imposée par le manque de souplesse du serre-tête.

Le paramètre important qui n’a pas encore été évoqué est le prix : de 200 à 250 € selon le distributeur. A ma connaissance et au regard de ce tarif, le Shure SRH 940 n’a pas de réel concurrent, et représente un excellent investissent pour un audiophile raisonnable, si toutefois un tel personnage existe.

FICHE TECHNIQUE :

  • Type : Architecture fermée, circum-auriculaire
  • Réponse : 5 Hz à 30 kHz
  • Drivers : 40 mm
  • Sensibilité : 100 dB/mW à 1 kHz
  • Impédance : 42 Ω
  • Puissance max. : 1000 mW
  • Cordons : 2,5 m &  3 m (spirale)
  • Poids : 320 g
  • Accessoires : Etuit de rangement, adaptateur jack 6,35 mm, coussinets de rechange

Merci à Paul pour la mise en qualité de l’article.