Tracy Chevalier fait partie de mes auteurs préférées. Il y a dans son style quelque chose que j’affectionne tout particulièrement. Ce côté à la fois très doux et pourtant très amer. Au fond, quelque chose de très Austenien, peut être parce que ses personnages sont des femmes, souvent dans un contexte historique particulier. Mais aucun ne m’a plus fait penser à Jane Austen que Prodigieuses créatures. La couverture de mon édition de poche l’annonçait, ma lecture me l’a confirmée.
Elisabeth, Louise et Margareth Philpot vivent à Londres en 1810. Malheureusement pour elles, leur frère ne peut plus les entretenir correctement et elles se voient contraintes d’adopter un train de vie moins aisé et de quitter leur ville chérie. Elles vont donc s’installer dans la petite cité balnéaire de Lyme Regis dans le Dorset, ville qui a un temps reçu la visite de Jane Austen qui en a fait le théâtre de son dernier roman achevé. Elisabeth va alors découvrir un univers qui va lui faire se poser bien des questions : les curios (ou fossiles en langage commun). Elle va aussi faire connaissance avec Mary Anning, jeune fille chasseuse de fossiles également. Prodigieuses créatures, c’est l’histoire d’amitié entre deux filles que l’âge et la classe sociale séparent mais unies par une passion et une quête commune.
La côte de Lyme Regis
Comme souvent, Tracy Chevalier s’est inspirée d’une réalité : Mary Anning et les soeurs Philpot ont bel et bien existé. Elles ont réellement vécut à Lyme Regis et ont bien oeuvré à découvrir des fossiles. Tracy Chevalier a cherché à combler les trous de leurs vies en nous laissant imaginer le frisson qu’elles ont connu pendant leur quête.
Mary Anning et son chien
Jane Austen est astucieusement évoquée dans le roman mais l’hommage est complet. Car, Prodigieuses créatures parle de femmes avec leurs propres valeurs confrontées à la dure réalité de la vie de femme seule au début du 19ème siècle. Le célibat, la perte de rang social, la réputation et l’amour évidemment même s’il n’est que peu évoqué en tant que tel. Ici, Elisabeth et Mary ont décidé de vivre leur passion pour ces drôles de pierres ramassées sur la plage, faisant fi de la bienséance et entrant dans un monde qui, aujourd’hui encore, est un milieu d’homme. D’autant plus que leurs découvertes vont les amener à réfléchir sur l’origine de l’humanité et remettre en cause ce que leurs églises leur ont appris jusque là.
Les pages s’égrainent avec une douceur mélancolique laissant notre esprit flâner dans cette jolie ville. C’est ce que j’aime le plus avec Tracy Chevalier, cette ambiance qu’elle crée qui nous permet de rêver, de s’identifier à ses personnages. Un très joli moment qui donne envie de se promener sur les falaises de Lyme Regis ou d’arpenter les allées du muséum d’histoire naturelle (de Londres et de Paris!).
Encore une fois, Tracy Chevalier touche juste avec un roman au style fin et enivrant.
Mélanie