J’ai suffisamment dénoncé la réaction des majors du CAC 40 en matière de gestion de crise pour ne pas saluer l’effort de Total pour gérer au mieux ce nouvel « accident ».
Dès que Total a pris la mesure du problème, ils ont communiqué largement et surtout ils ont immédiatement reconnu leur responsabilité morale.
En effet, ils ont admis que la pollution était liée à une fuite, de leur fait. Ils ont présenté leurs excuses, en promettant de prendre à leur charge tous les coûts engendrés par cette catastrophe pas du tout naturelle.
Et surtout, ils ont mobilisé 200 personnes sur le site, pour essayer de réduire les dégâts liés à cette pollution.
L’argent c’est bien mais cela ne suffit pas. Aux yeux de l’opinion et de ses relais, les médias, il est important de donner de sa personne, de prêter main forte et de se retrousser les manches.
Le spectacle de cette mobilisation collective montre que chez Total, on se sent responsable et l’on éprouve un sentiment de culpabilité. Total exprime ainsi la volonté de "réparer le mal " que l’on a fait.
C’est une réaction très humaine tout simplement, mais qu’on a souvent du mal à adopter en cas de crise, où les enjeux juridiques et financiers prédominent en général.
Résultat, cette nouvelle affaire de pollution, n’a pour le moment pas fait grand bruit
Cependant, Total n’a pas encore réalisé un sans faute en communication et encore moins dans sa manière de gérer ses risques de pollution.
En effet, entre la découverte de la pollution et le moment où Total a communiqué, il s’est écoulé 2 jours, c’est beaucoup. D’ailleurs cela fait partie des reproches que le Ministre de l'Ecologie a adressés à Total.
Il est probable, comme c’est souvent le cas, que les dirigeants n’ont pas bien pris la mesure du problème au départ. Le sentiment de culpabilité qui anime les équipes de base, explique souvent la lenteur de remontée d’une information « critique » tout comme la tendance du management à minimiser les risques par crainte d’avoir à porter la mauvaise nouvelle à leur hiérarchie.
Autre point critiquable, le choix d’une argumentation qui consiste à reconnaître qu’on est responsable mais pas coupable…
Cette petite musique, on commence à la connaître, il n’y a pas longtemps, la Société Générale l’a fredonnée, les contrôles n’ont pas fonctionné, c’est la faute à « pas de chance » ou à un génie qui a su les contourner » mais la banque n’a pas remis (pour le moment)en cause la qualité de ses contrôles.
Là c’est pareil, on veut bien reconnaître qu’une fuite est à l’origine de la pollution, mais sans admettre de faute ou de négligence. Certes, Total reconnaît quand même « qu’on ne peut pas résumer cet accident à de la malchance mais il n’y a pas eu pour autant négligence ». Ah bon !
Mais alors pourquoi décider aujourd’hui de renforcer les contrôles, d’installer un système automatique pour détecter les éventuelles fuites ! C’est reconnaître que les solutions techniques existaient et qu’il suffisait de décider de les mettre en place !
On va peut-être réussir à s’inscrire dans le cercle vertueux de la communication. Pour échapper aux campagnes médiatiques ou pire sur le web, les entreprises sont contraintes de plus en plus à faire acte de transparence et à assumer leur responsabilité au moins morale. Et pour développer un argumentaire irréfutable, elles sont obligées en amont de prendre plus de précautions en termes de process de qualité, de contrôle, choix des fournisseurs…histoire que la communication s'appuie sur des actes concrets.