Un chimpanzé est capable de faire croire qu’un prédateur menace la tribu pour détourner l’attention du dominant, et faire ce que bon lui semble. Il a inventé la stratégie de diversion, bien avant nous et bien avant nos hommes politiques qui en font un usage de plus en plus fréquent.
En témoigne notre Président, Nicolas Sarkozy, qui n’a pas trouvé mieux que la diversion pour
limiter les descentes dans la rue et les émeutes. Il en utilise toutes les ficelles : la diversion par le rêve cfLa Fée Carla et la diversion par la peur.
La technique consiste à attirer l’attention de nos concitoyens sur une nouvelle menace afin d’éviter qu’ils ne se focalisent sur une menace bien plus concrète (menace sur le pouvoir d’achat par exemple ) et sur laquelle il lui est plus difficile d’apporter des solutions.
Jeu d’enfant, car des menaces, on n’en manque pas aujourd’hui.
Encore faut-il, que le gouvernement en choisisse une sur laquelle il peut agir.
Les menaces écologiques, c’est difficile d’y faire face, cela suppose un énorme sacrifice électoralement suicidaire.
Les menaces économiques, le gouvernement n’a guère la main. Cest un enjeu mondial qui implique beaucoup d’efforts pour peu d’effet à court terme.
Il reste un terrain sur lequel il peut agir et jouer les héros, le terrain de la morale.
Depuis que le chef de l’état est malmené dans les sondages, on n’a jamais autant débattu de problèmes d’identité, de valeurs et d’éthique.
Toute la tactique de Sarkozy et son équipe est de créer un climat de peur face à une nouvelle menace, la perte de nos valeurs morales. Cette nouvelle peur devrait cristalliser les angoisses de notre société. On pourrait même en oublier nos peurs « primaires » : la peur de manquer (pouvoir d’achat, inflation…)
Face à ce risque de « dé-civilisation », Sarkozy se positionne en chef responsable et courageux et prend des initiatives tout à fait inédites :
Ainsi un joueur de rugby s’est retrouvé dans l’obligation de lire une lettre d’un militant communiste français, symbole de la résistance, Guy Moquet et ce, quelques heures avant le coup d’envoi de la coupe du monde de rugby.
C’est aussi au nom de notre identité et de notre mémoire collective menacées que le gouvernement a décidé que chaque élève porterait la mémoire d’un enfant juif.
Autant d’initiatives qui ont suscité immédiatement des débats, voire un tollé, au sein de la tribu France et surtout dans les médias grand-public, reléguant au second plan, par là-même l’actualité économique, sociale, environnementale pourtant pas nécessairement moins importante.
C’est dans le même souci, que le gouvernement s’est empressé de réagir avec force aux banderoles injurieuses sur un stade de foot. Il aurait eu tort de laisser passer une si belle occasion de dénoncer la fragilité des valeurs françaises.
C’est tout un art de savoir rebondir sur un fait divers, le dramatiser, pour conforter l’idée que notre pays est en guerre contre une nouvel ennemi : la perte de valeurs morales.
Et c’est ainsi que, ce qui aurait dû rester dans les rubriques « faits divers » avec bien entendu la mention des sanctions prévues pour les « déviants » (car il n’en demeure pas moins que le comportement de ces supporters était inadmissible) a occupé la une des journaux pendant plusieurs jours.
Opération diversion réussie donc, pendant ce temps, c’est la trêve des confiseurs. On parle moins de pouvoir d’achat, de crise immobilière ou financière…
Même tactique, quand le gouvernement « nourrit » par un discours plus qu’ambigu le débat autour des Jeux Olympiques, là encore, il est question de valeurs, de droits de l’homme menacés. L’ennemi n’est plus le gouvernement français mais le gouvernement chinois qui bafoue nos sacro saintes valeurs.
Quand la flamme olympique se déplace, tous les regards se portent sur elle et les débats s’intensifient. Et à chaque fois, c’est cette flamme qui enflamme nos journaux, quand on pourrait aussi s’enflammer pour des sujets au moins aussi préoccupants.
Là encore, les médias traditionnels qui pourtant ne sont pas tous acquis à la cause du gouvernement, loin s’en faut, jouent malgré eux, son jeu.
Ils semblent comme aveuglés par l’écran de fumée « éthique » que le gouvernement a mis en place, drapés dans les habits de la morale, ils ont le sentiment de faire leur devoir et d’éclairer les consciences. Alors qu’ils se détournent des graves problèmes qui menacent notre société. Cela ne veut pas dire que la morale ne soit pas un sujet préoccupant mais que la place qu’elle occupe dans nos médias est disproportionnée, sans rapport avec la réalité.
En dramatisant la menace morale, les médias confortent, malgré eux, la position de Sarkozy, en père protecteur, en chef primate soucieux de préserver l’identité de sa tribu.