Le 11 avril doit avoir lieu le vote du budget de la ville. Le maire n’ayant plus de majorité, rien ne garantit que le budget sera voté. Cette situation est rare, car les maires ont normalement une majorité, ou quand ils n’en ont plus, ils choisissent de laisser leur place afin que le conseil municipal élise un nouveau maire et que se forme alors une nouvelle majorité capable de diriger la ville. Henri Plagnol avait pourtant annoncé en octobre que s’il n’avait plus de majorité il retournerait devant les électeurs et même que l’élection législative partielle serait un bon test. La réponse des Saint-Mauriens a été sans ambiguité (avec près de 60 % des voix accordées à Sylvain Berrios), celle du Maire plus confuse puisqu’il a choisi de ne pas écouter les électeurs, ni respecter ses engagements.
Aujourd’hui personne ne sait donc si le budget sera voté. Cette situation inquiète, perturbe, fait naître des petits jeux politiques dans tous les sens à un moment où l’ancien et l’actuel maire-adjoint aux finances consacrent toute leur énergie à préparer leur candidature aux élections municipales. On parle de tutelle, de ville bloquée, d’employés de la ville non payés, tout un tas de fantasmes et de mensonges organisés et véhiculés par ceux qui sont manifestement plus préoccupés par l’échéance électorale de mars 2014 que par l’échéance budgétaire de mars 2013.
Aujourd’hui, mis à part le maire et son adjoint aux finances, personne n’a d’information claire sur le futur budget. Pour ma part, avec Sylvain Berrios et 21 élus municipaux, nous avons fait des propositions dont nous ignorons si elles seront retenues. Dès lors, nous n’avons pas encore décidé de ce que sera notre vote.En attendant, je vais essayer de recadrer le débat et de vous expliquer dans cet article ce qui pourrait se passer si le budget n’était pas voté.Si le budget n’est pas voté à la date buttoir du 15 avril, c’est l’article L 1612-2 du Code Général des Collectivités qui s’applique :
« Si le budget n’est pas adopté avant le 15 avril de l’exercice auquel il s’applique, ou avant le 30 avril de l’année du renouvellement des organes délibérants, le représentant de l’Etat dans le département saisit sans délai la chambre régionale des comptes qui, dans le mois, et par un avis public, formule des propositions pour le règlement du budget. Le représentant de l’Etat règle le budget et le rend exécutoire. Si le représentant de l’Etat dans le département s’écarte des propositions de la chambre régionale des comptes, il assortit sa décision d’une motivation explicite.
A compter de la saisine de la chambre régionale des comptes et jusqu’au règlement du budget par le représentant de l’Etat, l’organe délibérant ne peut adopter de délibération sur le budget de l’exercice en cours. » (Article L 1612-2 du CGCT)
Oui la loi a prévu la possibilité qu’un maire se retrouve incapable de faire voter son budget, tout simplement car la ville et le service public doivent continuer à fonctionner et les agents être payés.
Car c’est exactement cet esprit qui gouverne ce texte. Il ne s’agit pas de brider la ville ou d’en profiter pour la gérer à la place des élus mais bien de la faire fonctionner pour que, même si le budget n’était pas adopté, tout continue de tourner pour les habitants comme pour les agents municipaux.
C’est d’ailleurs ainsi que la Chambre Régionale des Comptes d’Ile de France a rendu son avis il y a 2 ans lorsque le budget de Noisy le Sec n’a pas été voté. Elle a rappelé que c’est au conseil municipal qu’il revient d’opérer les choix budgétaires de la collectivité et, dès lors, « les propositions de la chambre en vue du règlement d’un budget non voté ont pour objet de doter la ville des crédits nécessaires à la conduite des affaires locales, afin notamment d’assurer la continuité du service public ». Donc, en application de ce principe, « la chambre limite ses propositions à l’inscription des crédits nécessaires au financement des dépenses qui, soit présentent un caractère obligatoire, soit sont déjà engagées, soit revêtent un caractère d’urgence, au regard de la sécurité, de la salubrité et de la continuité du service public ».
On est bien loin de la tutelle catastrophe annoncée par certains !
Concrètement, si le budget n’était pas adopté au 15 avril, le Préfet saisirait la Chambre Régionale des Comptes qui examinerait le budget concerné. Elle a un mois pour donner son avis. Elle peut le modifier ou non, faire des suggestions de réductions de dépenses ou d’augmentation de recettes mais sans avoir pour but un redressement économique complet de la ville car on parle ici d’un budget équilibré non voté. Dans une ville certaines dépenses sont « obligatoires » et donc la Chambre Régionale des Comptes ou le Préfet ne peuvent les enlever ou les modifier (une liste non exhaustive de ces dépenses figure à l’article L.2321- 2 du CGCT) : la rémunération des agents municipaux, les dépenses pour les écoles, l’entretien de l’hôtel de ville, des voies communales, des cimetières, des stations d’épuration des eaux usées, les impôts à acquitter, les dettes à payer, … C’est à dire beaucoup de choses qui font que la ville ne cesse pas de fonctionner.
La Chambre Régionale des Comptes peut en revanche revenir sur certains investissements, sur certaines dépenses qu’elle juge non nécessaires ou si certains montants prévus lui semblent trop importants. Dans ce cas elle fait ses recommandations. Durant cette analyse du budget, elle contacte le maire pour avoir son avis sur le budget et sa structure.
Ensuite le Préfet peut également revenir sur l’avis de la Chambre Régionale des Comptes en motivant ses choix.
Ne pas confondre budget « non voté » et ville « en faillite » !
Il faut bien distinguer les deux cas possibles qui amènent le préfet à s’intéresser au budget d’une ville :
- Soit c’est un rejet du budget pour des raisons « politiques », qui intervient quand le maire n’a plus de majorité. Dans ce cas l’opposition sanctionne le maire et sa politique municipale par le rejet du budget, et par là même, au passage, s’assure qu’aucun dépassement, ou dérapage des dépenses ne sera possible. Et dans ce cas, en vertu de l’article L 1612-2 du Code Général des Collectivités Territoriales, la Chambre Régionale des Comptes et le Préfet partent du budget préparé par la ville, en y faisant quelques modifications qui sont souvent minimes et n’entravent pas le fonctionnement de la ville. Un très bon exemple pour cela est en 2010 le budget non voté de la ville de Noisy le Sec.
- Soit la ville et ses finances sont dans une telle dérive que le budget n’est plus équilibré, et il est urgent de redresser les finances. Et dans ces cas, c’est l’article L. 1612-5 du code général des collectivités territoriales qui amène le préfet à intervenir. Article différent du cas précédent qui précise « Lorsque le budget d’une collectivité territoriale n’est pas voté en équilibre réel, la chambre régionale des comptes, (…) propose à la collectivité territoriale, dans un délai de trente jours à compter de la saisine, les mesures nécessaires au rétablissement de l’équilibre budgétaire et demande à l’organe délibérant une nouvelle délibération. » Comme vous le voyez dans ce cas la chambre régionale demande aux élus de voter un nouveau budget modifié intégrant ses demandes de correction, c’est donc une approche très différente. L’exemple type de ce type d’action est en 2010 la ville de Grigny.
Il y a une vraie différence entre les deux car dans un cas la Chambre Régionale des Comptes a mission de proposer des « mesures nécessaires au rétablissement de l’équilibre budgétaire » et dans l’autre, elle se contente de « formuler des propositions pour le règlement du budget ». Donc deux approches bien différentes aux conséquences locales bien différentes.
A Noisy le Sec : aucune mesure n’a été demandée sur les impôts, les propositions se sont limitées à des corrections de valeurs incorrectes dans quelques cases du budget. La ville a continué comme avant et dès le vote suivant du budget le conseil municipal (autour d’une nouvelle majorité) a repris en main son budget. (voir l’avis de la CRC)
A Grigny : Il y a eu hausse des impôts locaux de 2 %, baisse imposée de la masse salariale, et des services (voir article du parisien). De plus l’année suivante la ville a encore été sous tutelle préfectorale pour son budget et le sera peut-être encore cette année. (voir l’avis de la CRC)
Les prêts toxiques signés par le passé par le maire Jean-Louis Beaumont et son adjoint aux finances Nicolas Clodong, et au début de ce mandat par le maire Henri Plagnol et son adjoint aux finances Jacques Leroy nous coûtent très cher et nous n’avons pas fini de payer la note. Notre ville est toujours largement endettée, et lors du débat budgétaire, le maire et son adjoint aux finances ont annoncé que la ville devrait encore emprunter pour atteindre son plus haut niveau d’endettement historique. Il y a une dérive des dépenses que nous avons dénoncée à plusieurs conseils municipaux, mais, comme le maire et de son adjoint aux finances ont réalisé de fortes hausses d’impôts, que nous avons également condamnées, le budget est présenté « équilibré ». Notre ville, même si ses finances vont mal, n’est donc pas en « faillite » au sens administratif du terme. Nous sommes donc bien dans un cas similaire à la ville de Noisy le Sec et non dans celui de la ville de Grigny. A Saint-Maur, si le 15 avril le budget n’était pas voté, alors c’est uniquement sur la base de l’article L 1612-2 que le préfet pourrait intervenir.
Il faut bien faire attention à ne pas confondre les deux cas ! Je sais que certains aiment à alarmer mais ces exemples sont suffisamment explicites je pense.
Et le personnel municipal ?
Payer le personnel municipal est une dépense OBLIGATOIRE des communes. Tout le monde sera donc payé et les primes, qui font partie du système de rémunération de la ville, seront également versées. Ainsi, rien ne changera pour les agents, et ceux qui font croire le contraire, alors qu’ils savent qu’il n’en est rien, font peur inutilement au personnel ce qui n’est pas correct vis à vis d’agents qui donnent le meilleur d’eux-même pour notre ville.
Idem pour les heures supplémentaires qui seront naturellement payées à partir du moment où elles sont effectuées.
Et les investissements ?
Tout ce que la ville a engagé est maintenu, aucun investissement lancé ne peut être stoppé car la chambre régionale des comptes pred dès le départ en compte les engagements de la ville avant de rendre son avis. Seuls peuvent être impactés les investissements qui ne sont que des projets et que la chambre et le préfet considèreraient comme inadaptés à la situation financière de la ville.
Et les impôts ?
Le budget et les impôts sont deux votes différents. Si le budget n’est pas voté mais les taux d’impôts le sont, le Préfet et la Chambre Régionale des Comptes n’ont normalement pas à revenir dessus. Surtout dans le cas d’un budget « non voté », il ne leur est pas demandé de revoir le budget en profondeur, ni d’en modifier le sens initial, juste de l’examiner avant son application et proposer des ajustements éventuels. Pas de hausse d’impôts à prévoir dans notre cas puisque déjà nous avons obtenu que le maire et son adjoint aux finances n’augmentent pas les impôts des habitants, ni des entreprises, cette année alors qu’ils espéraient bien faire le contraire.
Et le fonctionnement quotidien de la ville ?
Le budget est juste un cadre financier pour fonctionner. Chaque secteur de dépense a son enveloppe et doit la respecter et donc, dans cette enveloppe, les projets et le fonctionnement restent possibles. Pas de paralysie de la ville dans son fonctionnement.
Et l’urbanisme ?
Le budget n’est pas lié à l’urbanisme, dire le contraire c’est une nouvelle fois chercher à faire peur. C’est la loi du 25 mars 2009, via l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme qui donne au préfet le pouvoir de préemption à la place des maires lorsqu’un constat de carence en logements sociaux est arrêté par le préfet. Il n’y a donc aucun lien avec le budget, notre ville a déjà perdu son droit de préemption au profit du préfet.
Et l’année prochaine ?
Un budget doit être voté tous les ans. Si celui de cette année, qui est le dernier du mandat, ne l’était pas, le prochain le sera par la prochaine majorité élue. Si le prochain budget est voté par le conseil municipal alors automatiquement il s’appliquera à la ville. C’est une mesure conservatoire pour assurer le bon fonctionnement de la collectivité concernée, elle n’a pas vocation à durer.
On voit ici combien l’obstination du maire et de son adjoint aux finances à rester en place sans majorité est un risque politique et administratif. Car le conseil municipal pourrait en quelques minutes élire un nouveau maire et mettre en place une nouvelle majorité qui pourrait faire voter un budget et éviter l’application de l’article L 1612-2. Ces deux élus font clairement le choix de leurs indemnités, voiture de fonction et quelques avantages, au détriment de l’intérêt de la ville et de l’avis du conseil municipal et des habitants. Même s’ils aimeraient que les autres élus votent le budget pour éviter que le préfet s’en mêle, il me semble que leur attitude ne doit pas nous amener à cautionner leur choix de ne pas écouter les urnes et les élus. Le rôle d’un élu est bien de vérifier au plus près le fonctionnement municipal et nous avons été trompés par un maire et un adjoint aux finances qui ne nous disaient pas la vérité sur les chiffres et la situation de la ville. En refusant de voter plusieurs délibérations nous avons déjà stoppé des dépenses importantes et des hausses d’impôts injustifiées, preuve que notre action est utile et efficace.
En plaçant la date du vote du budget au 11 avril pour une date butoir au 15 avril, le maire et son adjoint aux finances font le choix d’un coup de poker car si le 11 le budget n’est pas voté il sera impossible de refaire un conseil municipal. Nous leur avons dit combien cette attitude était irresponsable car ils pourraient, comme le font de nombreuses villes, faire le vote du budget bien plus tôt.