— « Sarkozy aime la France ! » — « Comment tu le sais ? » — « Ben... il l'a dit ! »
Une lettre d'information à laquelle je suis abonné se demande si Sarkozy peut revenir en 2017.On pouvait déjà se demander comment il allait oser se représenter en 2012, après un quinquennat calamiteux de bout en bout. Deux quinquennats, même, si l'on se rappelle qu'il était ministre d'État et chef du parti de la majorité pendant une bonne partie du deuxième mandat de Chirac (2002-2007).Et pourtant, il a osé, se permettant même le luxe de donner tort aux sondages, lui qui était donné battu de 28 points (36 % contre 64 %, cliquez ici) lors d'une enquête BVA d'octobre 2011. Peu à peu, il a effectué une remontée lance-armstronguesque, ne terminant qu'à 3,28 points (48,36% contre 51,64 %). Une semaine de plus, comme le redoutait à l'époque Nadjat Vallaud-Belkacem, Sarkozy était réélu. J'avais prédit à l'époque cette remontée, mais je pensais qu'elle suffirait à Sarkozy pour gagner sur le fil. Déçu par mon flair, je croyais m'être lourdement trompé sur le scénario.Mais ne m'étais-je pas trompé d'année ? Sarkozy, donc, peut-il revenir en 2017 ? Je crains bien que oui.Les élections, partie intégrante du SpectacleLa première explication qui viendrait à l'esprit serait : oui, parce que le bilan de Hollande sera désastreux. L'UMP aura beau jeu, en 2017, d'attribuer à la mauvaise gestion du gouvernement Ayrault la quasi-faillite de l'État français, alors qu'elle invoquait la responsabilité de la crise pour justifier son propre échec, l'an dernier. Mais ce genre d'explication est trop facile pour être vraiment convaincant.Les élections ne se jouent en effet pas sur ce qu'ont réellement fait les gouvernements sortants et ce que feront véritablement leurs successeurs, mais uniquement sur l'image que se font d'eux les électeurs.Et de ce côté, le brave électeur de droite peut déjà être compté présent au rendez-vous de 2017. La gauche continuera, mariage gay, vote des étrangers et euthanasie aidant, à lui inspirer une peur irrationnelle, une phobie au sens propre du terme ; et la droite continuera à lui apparaître comme un rempart, en dépit de son bilan réel. Elle sera même aidée par son absence des affaires pendant cinq ans, comme le PS l'a été en 2012. L'électeur de droite pourra être dupé par la fausse résistance de l'UMP pendant le présent quinquennat, avec par exemple la présence opportuniste de Copé à la « Manif pour tous » du 13 janvier dernier, lui qui n'avait rien eu à dire sur les innombrables trahisons de son parti lorsqu'il était au pouvoir. Opportunisme parce qu'il s'agissait bien sûr de se démarquer de Fillon...L'expérience de l'élection présidentielle de 2012, lors de laquelle je me suis abstenu aux deux tours, a été assez concluante de ce point de vue : jusqu'à la fin de la campagne, mes amis de droite m'ont exhorté à voter pour leur héros de la vingt-troisième heure, pour les motifs les plus divers : parmi ces sarkozystes de l'urgence, il y avait pèle-mêle des souverainistes, des libéraux, des catholiques, des réacs.Le fait que tous ces groupes-là avaient été cocufiés par l'UMP pendant dix ans, et s'apprêtaient à l'être encore, ne m'était d'aucun secours, puisque les faits n'avaient aucune importance. Seule comptait la représentation qu'ils se faisaient des forces en présence, et s'ils étaient incapables de me donner la moindre raison de revoter pour lui, s'ils étaient forcés de reconnaître la validité de mes raisons de ne pas le faire, ils sont, les 22 avril et 6 mai 2012, allés voter comme un seul homme pour « la France forte ».Je n'ai pas de raison de croire qu'il en sera autrement en 2017, je crois même qu'avec l'aggravation de la situation d'un scrutin à l'autre, leur réflexe (bien souvent un réflexe de classe) sera encore plus spontané.Qui plus est, Sarkozy sait comment se mettre l'électeur de droite dans la poche. Alors qu'il n'est plus du tout inimaginable que la France n'existe plus d'ici quelques décennies (je veux dire officiellement, les symboles étant ce qui part en dernier), il emploie les mots qu'il faut pour tromper encore son électorat :
« Il y aura malheureusement un moment où la question ne sera plus : “Avez-vous envie ?” mais “Aurez-vous le choix ?” Ce ne sera pas le moment le plus glorieux pour la France. Il s’agira d’un moment où le pays sera tenaillé entre la poussée de l’extrémisme de gauche et celui de droite. Parce que François Hollande n’aura pas tenu compte de toute cette France des invisibles et des oubliés. Et puis, il s’agira d’un moment où la droite n’offrira aucune solution de recours. Pas plus que la gauche. Dans ce cas, je ne pourrai pas continuer à me dire : “ Je suis heureux, j’emmène ma fille à l’école et je fais des conférences partout dans le monde ”. Dans ce cas, effectivement, je serai obligé d’y aller. Pas par envie. Par devoir. Uniquement parce qu’il s’agit de la France. »
Ça vous semble sonner faux ? C'est le cas. Mais pas plus que son fameux discours d'entrée en campagne, début 2012, où il résumait la France aux platanes le long des nationales :
Roman Bernard