Vies en transit, exposition d'Adrian Paci au Jeu de Paume à Paris

Publié le 18 mars 2013 par Onarretetout

L’image est en permanence retouchée, pour ne pas se figer sans doute. Une peinture tremblée répétant des photos de mariage, une mosaïque transposant une photo de deux frères, Adrian Paci cherche peut-être à garder le souvenir de ces moments qui sont à la fois perdus et sublimés, sublimés parce que perdus. La photo ne suffit pas à rendre compte de cette perte. L’artiste ancre son travail dans le contexte politique, social, humain de l’exil, des vies de transit, comme l’indique le titre de l’exposition (photos, peinture, mosaïque, vidéos). Ainsi le Centre de rétention provisoire n’est qu’un escalier d’embarquement… sans avion. La Rencontre renverse la notion d’accueil, le seul personnage fixe étant Adrian Paci lui-même, serrant les mains de tous les autres, dans une ronde dont pourtant il ne fait pas partie ; on entend le chant d’une pleureuse de veillée funèbre, c’est une autre vidéo, mais le défilé des serreurs de main semble aussi celui de condoléances…

Je me suis assis dans la salle où est projetée la vidéo intitulée La Colonne, saisi par le son des machines, par le mouvement des machines, par la lenteur du navire qui transporte à ciel ouvert le bloc de marbre extrait d’une carrière de Chine pour être livré à la porte du Jeu de Paume, aux Tuileries, sculpté selon le modèle d’une colonne romaine. D’une rive à l’autre, le travail est accompli pendant la traversée, l’efficacité des échanges s’appliquant aussi aux œuvres d’art. Très peu de paroles audibles, beaucoup de poussière, dans le ciel, dans la cale, sur les cils, les visages des sculpteurs. Des mesures, des coups de marteau, des ponceuses transformant le bloc brut en colonne blanche et lisse, nervurée, sur laquelle la lumière du jour, une fois refermé le toit qui la protège, glisse comme si elle scannait l’œuvre finie.