Certains ont des idées préconçues dès qu’on leur parle de vampires ou de loups-garous. Visiblement il n’est aujourd’hui plus possible d’écrire un roman fantastique avec comme héros l’un ou l’autre sans être estampillé Bit lit ou série Z. On a tendance à oublier qu’avant l’avènement de la saga Twilight il y a eu des romans tels Dracula ou les Lais de Marie de France, ou bien des films cultes comme Nosferatu ou Wolfman.
Effectivement il y a eu un effet de mode déclenché par le phénomène Twilight, et nos chers éditeurs ont très vite assimilé ce fait pour aujourd’hui nous torpiller de Bit Lit, la littérature mordante, où de jouasses mortels folâtrent dans les prés avec des créatures surnaturelles comme les loups-garous et les vampires. J’avais déjà écrit un article en parlant un peu (ici), si jamais vous voulez en savoir plus. Mais ce qui m’énerve un peu c’est que cette dénomination a aujourd’hui pris un sens totalement négatif. Il est un peu utilisé à tort et à travers, et clairement déconsidéré par la plupart des gens, notamment les amateurs de fantastique, qui n’y voient que du Harlequin version morsure vampirique. Sachez que je ne crache pas sur le genre parce que j’en lis occasionnellement (je vous ai déjà confessé mon addiction à La Communauté du Sud – True Blood sur ce blog, ne me forcez pas à en dire plus !), et qu’il y a du bon dans la très (TROP) nombreuse parution du genre. Mais il faut quand même différencier la Bit Lit, qui pour moi a quand même un côté romance et une légèreté assumée, et certain romans fantastiques dont les personnages sont effectivement des loups-garous et de vampires et qui ne rentrent pas dans cette catégorie.
Ma dernière lecture en date est dans ce cas. Il s’agit du Dernier loup-garou, de Glen Duncan, publié cette année dans la géniale collection Lunes d'encre des éditions Denoël. Le titre parle de lui-même, et vous indique déjà chers lecteurs qu’il y aura un homme qui se transforme à chaque pleine lune en grosse bête poilue et affamée de chair fraiche. J'en vois certaines se pamer à cette idée, repensant aux pecs de Tyler Lautner, petit minet imberbe qui a autant de poitrine que moi grace aux hormones. Franchement, expliquez-moi pourquoi un loup-garou est censé être sexy ? C'est le côté animal avec l'haleine de chien ? Les coussinets griffus ? La truffe mouillée de sang ? Ou peut-être les crocs qui déchiquètent un corps humain ? Non franchement là... je vois pas. Mais je m'égare...
Illustration de l'article de Justin Cronin dans le NY Times
L’idée de départ du roman est simple. Les chasseurs de l’OMPPO (Organisation mondiale pour la prédation des phénomènes occultes) viennent de tuer l’avant-dernier loup-garou. Jake Marlowe est donc le dernier loup-garou, et sait qu’il va mourir à sa prochaine transformation lorsque les traqueurs vont venir l’exécuter. Il devrait donc fuir, lutter, mais après deux-cents ans de pleines lunes sanglantes, de solitude et de culpabilité, la mort semble bien plus agréable, quitte à signifier l’extinction de sa race. Le roman se déroule en deux parties narrées par Jake lui-même sous forme de mémoires. La première, qui commence par la nouvelle de la mort de Wagner, le loup allemand, est très basée sur la psychologie du loup-garou. Jake est un loup peu ordinaire. Ceux de son espèce passent leur temps à se chercher une compagne pour copuler et à traquer la chair fraiche. Après avoir été infecté, Jake a d'abord tenté de lutter contre sa condition. Il a longtemps cherché des explications, sans succès, avant de se mettre en quête de rédemption, rongé par la culpabilité. Puis, las de se torturer après chaque pleine lune, il a décidé de s'accomoder du loup en lui et de laisser ses états-d'âme au placard. En deux-cents ans, Jake a été incapable de trouver réponses à ses questions ni solution à son problème. Il a tué, s’est laissé gouverner par les désirs de la bête, une bête que Glen Duncan a imaginée particulièrement vicieuse et débridée. C’est l’une des particularités du roman, la bestialité du personnage, à la fois philanthrope, intellectuel et amoureux, mais aussi obsédé, violent et désabusé. Glen Duncan décrit donc les scènes de sexe et de ripailles loup-garoutesque (néologisme mon amour) de manière très crue. D’autre part, la manière d’écrire de Jake, certainement due à son éducation du XIXème siècle, est particulièrement soutenue. En cela, il est différent des autres membres de son espèce. Qu’ils soient sous forme humaine ou loups, les loups-garous restent des brutes sans cervelles, qui pensent plus avec leur organe reproducteur qu’avec leur matière grise. Donc, la première partie est consacrée à son dernier mois avant d’accueillir la mort, et il nous raconte avec sa plume léchée une bonne partie de sa vie. Je vous parle de ces deux parties parce qu’elles ne sont pas tout à fait équilibrées pour moi, même si j’ai beaucoup aimé le roman. La seconde est la découverte d’un élément qui, comme vous l’aviez peut-être deviné, va le faire changer d’avis sur sa destinée. De quoi il s’agit ? Vous le saurez en le lisant !