Cela fait un moment que les signes anonciateurs d'une grande poussée du Front National se multiplient. Il y a deux ans, déjà, dans un sondage, 50% des sympathisants de l'UMP admettaient tout à fait l'idée d'une alliance avec le FN. Puis, la côte de popularité de Marine Le pen n'a cessé de grimper au point d'en faire la femme politique la plus populaire en France dans un autre sondage il y a peu. Marine Le pen a fait muter son parti pour en faire un mouvement populiste, capable de râtisser bien plus large que l'extrême-droite traditionnelle. La situation économique et sociale favorise plus que jamais un vote contestataire. Enfin, depuis 20 ans, la gauche ignore les préoccupations de l'électorat Front National, et la droite ne vise qu'à les récupérer sans y apporter de réponses. La récente législative partielle dans l'Oise qui se conclut ce soir par un duel UMP-Fn au second tour est un nouveau craquement dans la sphère politique que nous ne devons pas ignorer.
On peut toujours combattre le FN à coups de bons sentiments mais je n'y crois guère. La seule manière de faire reculer le populisme, c'est d'offrir à son électorat une alternative crédible.
Pour cela, il faut et donner un espoir et ne pas mentir. Ne pas mentir, je crois que sur cette ligne, Bayrou est incontestable depuis toujours. Je crois le MoDem de bonne volonté, mais, si, sans nul doute, il relaie le discours de son président, il ne donne aucun espoir.
Il ne donne aucun espoir parce qu'il n'a pas de substance. Pas d'ADN. Rien qui l'identifie autre que Bayrou, et encore. Le malheur, c'est de ne jamais être parvenu à dépasser l'horizon médiocrissime du projet humaniste.
Aujourd'hui, on ne peut pas emporter des élections avec de bons sentiments. J'attends du MoDem des projets décapants et corrosifs, pas des théories fumeuses et et des indignations parisiennes.
Nous devrions, me semble-t-il, réécrire notre projet pour affiner nos réponses et en apporter de nouvelles à la crise que nous vivons. Je pense, notamment, que nous devons évoquer clairement la mondialisation. Il nous a été claironné de longues années qu'elle était une chance. Je commence à en douter sérieusement. Quand il y a des échanges qui sont équitables, des règles qui sont claires et transparentes, que les États ne vivent pas dans la connivence avec de gros oligopoles, je ne doute pas des vertus du libre-échange mais il n'y a rien de tel dans le monde où nous vivons.
Nous devrions être plus radicaux dans nos jugements, nos propositions et nos idées et refuser catégoriquement, sans compromis, l'absence d'équité. La transparence intégrale, comme elle existe par exemple sur Internet, devrait devenir la condition sine qua non de nos accords commerciaux et nous, démocrates et libéraux du MoDem, devrions-nous en faire les chantres.
Ce ne peut être un eurocrate de Bruxelles ou de l'OMC qui fixe nos normes dans ce domaine. Parce que nous voulons construire l'Europe, nous pouvons l'accepter de parlementaires européens démocratiquement élus mais d'aucun autre individu. Et même ainsi, la France peut et doit rester souveraine s'il s'avérait qu'on lui imposât, fût-ce par un vote démocratique, des règles inacceptables.
Je voudrais voir le MoDem porter ce discours et cette idée d'une autre Europe, d'un autre monde. Je voudrais voir en notre parti les défenseurs ardents et intransigeants de la démocratie.
Nous devons sortir du commentaire et de l'imprécation dans lesquelles nous nous complaisons quasiment depuis notre création et tenir à la disposition des Français une contre-proposition pour chaque mesure gouvernementale, pour chaque atteinte à notre cohésion nationale.
C'est ce que j'attendais de notre Shadow Cabinet, or, il n'a jamais été en mesure de remplir ce rôle vital, et, nous nous sommes éteints doucement.
Nous ne devons pas laisser le monopole de l'alternative au Front National. Mais cela implique de changer de logiciel et d'habitus dans son sens le plus aristotélicien qui soit.
Le chemin est long mais l'enjeu magnifique.