Roman - 240 pages
Editions Gallimard - août 2012
Prix Interallié 2012
Michèle, la quarantaine, a été violée. Un inconnu l'a violée. Elle veut s'en remettre, elle en parle peu à son entourage, pas tout de suite. Elle s'équipe d'une bombe lacrymo et d'un système d'alarme. Et puis elle continue à vivre, à collaborer professionnellement avec son amie Anne, à coucher avec le mari de celle-ci, à regretter que son fils Vincent soit fier de bosser chez MacDo et même pas terrorisé à l'idée d'être bientôt père, à être dégoûtée par sa petite amie, à supporter sa vieille mère, à refuser d'aller voir son monstre de père en prison. La vie continue pour cette femme, pleine de froideur, de contradictions, de liberté. Son nouveau voisin pourrait susciter en elle du désir, ce qui la rassure d'ailleurs.C'est un style particulier celui de Philippe Djian, une langue moderne, parfois retorse, et ici pas de chapitres, peu de respiration, et un recul implacable que le lecteur prend par rapport à ce personnage féminin principal, si victime et si inhumaine à la fois. Elle nous interroge, nous bouscule dans ce qu'on imaginait de ces réactions par avance, elle nous interroge dans ses penchants sexuels, où par ailleurs elle apprécie la brutalité. Et puis l'ironie de l'auteur s'infiltre dans l'extrême improbabilité, la victime sans le savoir tombera dans les bras de son bourreau. Est-ce mal ? N'est-ce pas le meilleur salut, le meilleur deuil, la meilleure guérison ?
Extrait :"Je suis très contrariée de la manière dont je réagis à cette histoire, de la confusion qui règne en moi et me donne chaque jour davantage le sentiment qu'elle m'échappe et s'obscurcit. Je déteste avoir à me battre contre moi-même, à me demander qui je suis. Ne pas avoir accès à ce qui est enfoui en moi, si profondément enfoui que je n'en perçois qu'une infime et vague rumeur lointaine, comme un chant oublié, déchirant, totalement illisible, ne me facilite pas les choses."
Dans ce roman, Philippe Djian parle peu de viol, il est évoqué, on n'y revient quasiment jamais. C'est le "après" qui compte. La gestion de la peur certes, puis la gestion de la culpabilité, et la gestion toute banale de la vie de mère. Un roman atypique qui peut déranger.